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Critique de Lamifranz


Souvent chez Cronin, le personnage principal a un souci avec ses parents : Soit il est orphelin, soit il perd ses parents de bonne heure, soit il a des rapports ambivalents avec eux, ce n'est jamais facile, de telles circonstances marquent une personnalité pour toute la vie, mais jusqu'à « L'Epée de justice » ce n'était pas le coeur du roman. Ici la relation parent enfant n'est pas seulement un élément de l'action (comme Martha Stirling et son fils Duncan dans « Les Années d'illusion ») mais c'est le thème même du roman : un fils tente de prouver l'innocence de son père.
Cronin, on le sait est sensible à l'injustice. Dans ses romans, le héros (ou l'héroïne) est souvent épris d'idéalisme, et se révolte devant les situations où les forts abusent des faibles, où la fatalité et parfois la malveillance pousse certains personnages à des actions désespérées. Dans « L'Epée de justice » c'est à une véritable contre-enquête que se livre Paul, pour prouver l'innocence de son père.
Paul Mathry, qui veut être instituteur a besoin de certains papiers d'identité pour postuler un emploi, notamment le certificat de décès de son père. Sa mère lui avoue que Rees Mathry, le père de Paul, n'est pas mort, mais en prison, où il purge une peine à perpétuité pour le meurtre de sa maîtresse. Paul décide de faire son enquête et quitte sa mère ainsi que sa fiancée Ella. Très vite il comprend que l'enquête a été bâclée que les autorités locales, en mèche avec la police et aidées par l'aveuglement de la justice ont eu beau jeu de détourner les soupçons sur Rees. Soupçonner la vérité est une chose, vouloir la dire en est une autre. Paul va l'apprendre à ses dépens : intimidations, voies de fait, arrestations illégales, licenciement abusif par son employeur ; Paul est à deux doigts de craquer et de faire justice lui-même sur la personne du procureur. Il y renonce in extremis. Il reçoit l'aide de Lena sa jeune logeuse, et celle d'un journaliste opiniâtre qui en a vu d'autres et ne se laisse pas intimider. Finalement, l'opinion publique tourne en sa faveur et il peut déposer un recours en cassation…
On retrouve ici tous les grands principes qui parcourent l'oeuvre de Cronin : humanisme, générosité, compassion envers les pauvres et les faibles, souci de la justice, individuelle et sociale. Sous la forme d'un roman policier, l'auteur dresse un véritable réquisitoire contre la justice, qu'il accuse de plaider à charge, sans prendre le temps d'étudier le fond du dossier, et de n'accorder aucun regard à l'aspect psychologique de l'affaire, en bref il accuse la justice de ne pas être « humaine ». de la même façon il fustige la corruption qui gangrène les autorités politiques et policières. Paul Mathry ressemble à André Manson, à Duncan Stirling, à tant d'autres héros des romans de Cronin : idéaliste jusqu'à en perdre la raison, parfois, il s'entête et fonce dans le mur. Et puis il y a toujours une ou plusieurs personnes bienveillantes qui viennent à point nommé pour le canaliser et le remettre dans le droit chemin.
« L'Epée de justice » est sans doute un des livres de Cronin les plus construits, les plus aboutis. Dans un genre un peu différent de ce qu'il propose habituellement, il retient notre attention dès le départ : on n'a pas de doute qu'il y a une erreur judiciaire tant le personnage de Paul est empathique. Et on l'accompagne les yeux fermés dans sa quête de la vérité. Certains diront : c'est téléphoné, c'est cousu de fil blanc… Peut-être, mais c'est la magie de Cronin de mêler ainsi destinée individuelle et justice sociale, de souligner certains travers de notre société, tout en exaltant certaines valeurs un peu oubliées aujourd'hui, et en n'omettant pas, le plus important à mes yeux, le côté foncièrement humain de l'aventure.
Si par ces chroniques que je distille petit à petit (et que vous me faites l'amitié de lire, avec patience et souvent constance), j'arrive à remettre en lumière ces (grands) auteurs oubliés que sont A.J. Cronin, Gilbert Cesbron, Pierre Benoit ou Joseph Peyré, vous m'en verrez content, car « ils le valent bien » ! Et le lecteur aussi y trouve son compte !

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