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Critique de jvermeer


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Un moment inoubliable !
Je vous offre une confidence : une seule fois dans ma vie d'amateur d'art, je fus obligé de voir deux fois de suite la même exposition : celle consacrée au peintre Georges de la Tour qui se tint au Grand Palais à Paris en 1998. La quasi totalité de l'oeuvre connue de l'artiste était présente. Je vais vous conter la raison de ma seconde visite de l'expo.

Je ressors le catalogue « Georges de la Tour » écrit par Jean Pierre Cuzin et Pierre Rosenberg, l'un des plus beaux et complets sur le maître de Lunéville.

Redécouvert au début du 20e siècle, Georges de la Tour reste l'un des plus énigmatique de tous les grands peintres français. Il avait d'ailleurs une réputation établie à son époque puisqu'il se rendit à Paris à plusieurs reprises et Louis XIII lui acheta son tableau en largeur du « Saint Sébastien soigné par Irène ». D'autres grands mécènes possédaient ses oeuvres : Richelieu, Séguier ou Louvois.
Par ses « clairs-obscurs », La Tour est souvent rattaché au caravagisme. Il n'avait que 17 ans quand le Caravage mourut en 1610. Il connut obligatoirement les toiles du peintre italien qui circulaient à Nancy et en Lorraine et fut influencé par lui. Mais les clairs-obscurs du maître de Lunéville ne sont pas ceux du Caravage, plus durs, violents dans les contrastes de lumière.
Aujourd'hui, la place de Georges de la Tour est devenue celle de l'un des grands artistes de son temps, proche des Vermeer, Hals, Vélasquez, Caravage et Rembrandt. Tout au long de sa carrière, il a peint des tableaux « diurnes » et « nocturnes » dont la datation a souvent donné lieu à controverse. Les « nocturnes » ou « nuits » semblent être apparus dans les dix dernières années de vie du peintre, après la guerre qui ravagea la Lorraine et Lunéville où il résidait.

J'en viens à ma seconde visite de l'exposition. Un tableau exceptionnel était présent dans cette expo. Il interrogea beaucoup les historiens d'art. Et moi encore plus…

Pour mieux comprendre cette histoire, je dois vous parler en premier du « Saint Jean-Baptiste dans le désert », oeuvre récemment découverte en 1993 par Pierre Rosenberg et achetée pour le département de la Moselle afin de constituer le noyau d'un musée Georges de la Tour à Vic-sur-Seille où est né l'artiste.
Curieux tableau très peu coloré, sans les tons rougeâtres des toiles habituelles du maître. Un adolescent presque nu est assis dans la pénombre, donnant à manger à un agneau. Un peu de lumière tombe sur son épaule. Par sa qualité lumineuse, les historiens s'accordent à penser que La Tour « rencontra » réellement le Caravage dans ce tableau sans chandelle, simple effet de clair-obscur. Jean Pierre Cuzin parle « d'une qualité de silence bouleversante, d'une émotion toute intérieure, sur qui va retomber la nuit. » Après maintes hésitations, les spécialistes ont conclu définitivement qu'il s'agissait d'un tableau des derniers temps de l'artiste vers 1649 –1651. Il mourra l'année suivante. Ce chef-d'oeuvre clôturerait ainsi le corpus du maître.

Cette toile présente des similitudes avec le « Saint Sébastien soigné par Irène », dit aussi « Saint Sébastien en hauteur », ce tableau exceptionnel qui fut la cause de ma seconde visite de l'exposition.
Je vous conte l'histoire de ce chef-d'oeuvre qui est installé au Louvre. Une seule version de cette toile était connue, celle de la Gemäldegalerie de Berlin, que l'on considérait comme un original jusqu'à la découverte d'une seconde version en 1945 dans une petite église de Bois-Anzeray, dans l'Eure.
Depuis, les experts ont démontré clairement que le tableau parisien, en mauvais état, est bien un original du maître. Plusieurs restaurations ont permis de retrouver d'importants repentirs dans le voile rose de la femme tenant la torche, dans son décolleté, dans le turban de la pleureuse et les bras du saint. Un détail important l'emporte sur la toile de Berlin : du bleu de lapis-lazuli recouvre le voile de la femme au centre de la toile derrière la pleureuse, en arrière-plan. Dans le tableau de Berlin ce même voile, peint avec un autre pigment, a noirci.

Il fallait une confrontation ! Elle avait déjà eu lieu lors de l'exposition à l'Orangerie en 1972, celle de 1998 n'a fait que confirmer la première. Dans le tableau du Louvre, la finesse de l'exécution, la beauté de l'ensemble se fondant dans une harmonie en rose saumon, ainsi que ce bleu dans le voile contrastant avec les autres tonalités ont fini par emporter les spécialistes dans un accord unanime. La supériorité du tableau parisien du Louvre était évidente à l'oeil. Il semblerait que la toile de Berlin serait une très belle copie faite par Etienne, le fils de la Tour, et complétée par le maître, d'après l'oeuvre originale.
Ces deux toiles, avec le « Saint-Jean Baptiste dans le désert » récemment découvert, pourraient dater, par leur style proche laissant ressentir la même émotion, de la même époque, vers 1649.

VOILÀ POURQUOI j'ai voulu revoir les deux toiles du « Saint Sébastien en hauteur » qui étaient exposées côte à côte au Grand Palais. J'ai passé un long moment pour tenter de me faire ma propre opinion. L'émotion, comme de celle mes voisins dans l'exposition, ne me laissait aucun doute. La toile du Louvre apparaissait, de par ses transparences, la douceur de l'exécution, la fluidité des couleurs, comme une oeuvre de la maturité du peintre, l'une des dernières d'un artiste au sommet de sa carrière.

À vous de juger ! Les magnifiques tableaux peuvent être vus dans mon blog.

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