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Critique de Laureneb


Pour découvrir Cyrano de Bergerac l'auteur, j'ai suivi les conseils de 5Arabella qui me recommandait la Mort d'Agripinne. J'ai y trouvé une tragédie pleine de bruits et de fureur, de mensonges, de trahisons, de haines et de vengeance. Quasiment tous les personnages conspirent contre l'Empereur Tibère et veulent le tuer pour se venger et s'emparer eux-mêmes du pouvoir, et, pour cela, sont prêts à se servir les uns des autres par la dissimulation et la manipulation. Les personnages principaux feintent, s'échangent des voeux d'amour et des promesses de mariage, se complimentent en face à face, et, dans leurs monologues ou dans leurs échanges avec leurs proches, ils avouent avoir menti et se servir de l'autre. J'ai ainsi douté : Agripinne aime-t'elle Séjanus ? Elle le lui dit, mais affirme ensuite à son amie ne vouloir que se servir de lui pour assassiner Tibère, responsable selon elle de la mort de son mari, un des héros de Rome, Germanicus. Elle promet la fidélité à son époux mort, tout en désirant - avec la connotation physique du mot - semble-t-il accueillir Séjanus dans sa couche. Mais, surtout, elle veut qu'il l'aide à devenir impératrice. Elle souhaite le pouvoir pour elle-même, elle le revendique, en mettant en avant ses qualités : elle commande aux armées par le pouvoir du nom de son mari, elle a donné un héritier mâle à Germanicus - son fils, elle est d'aussi bonne lignée que Tibère puisqu'elle descend elle-aussi d'Auguste. C'est donc un personnage fascinant, prêt à tout. J'ai beaucoup aimé son dialogue central avec Tibère, d'un rythme très rapide grâce à la succession de répliques d'un seul vers qui montrent toute la tension et la violence des sentiments entre eux : ils se détestent, ils veulent la mort l'un de l'autre, mais en apparence ils se complimentent et se font des cadeaux.
La grandeur d'Agripinne vient aussi de ses faiblesses, de ses failles : ce n'est pas un personnage uniquement de monstre féminin comme Médée ou Rodogune par exemple chez Corneille. Ainsi, elle fait des cauchemars, rêvant du retour accusateur de Germanicus qui lui demande de hâter sa vengeance.
Tibère, lui, est moins marquant - moins présent, moins intelligent aussi semble-t-il puisqu'il ne déjoue pas seul les complots, il a besoin d'une dénonciation. Non, c'est Séjanus l'autre figure marquante de la pièce. D'abord, selon moi, parce qu'il représente une volonté d'ascension sociale : lui n'est pas fils, neveu, gendre, époux... d'Empereur, il ne descend pas d'Auguste. Mais il veut conquérir le pouvoir suprême ; après tout, il est homme lui aussi, Tibère n'a rien de plus que lui. Et c'est sa deuxième caractéristique : il ne croit pas au surnaturel et aux interventions divines. Il ne veut donc pas respecter l'Empereur parce qu'il serait le représentant des dieux. Il n'interprète pas les oracles et les présages - la scène est d'ailleurs presque drôle avec notre regard contemporain beaucoup moins religieux : pour Séjanus, ce n'est pas dans la météo ou dans les entrailles des animaux sacrifiés qu'on peut connaître ou non la réussite d'un projet... Séjanus rejette donc l'influence des dieux sur la vie des hommes, et par là-même, il rejette l'influence de l'Empereur sur ses sujets. Il rejette donc toute forme d'autorité supérieure, et meurt en homme libre, fidèle à ses convictions.
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