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Critique de Kirzy


Rentrée littéraire 2021 # 10

« I can't breathe ». Insupportable « I can't breathe ».
Louis-Philippe Dalembert transpose l'histoire de George Floyd de Minneapolis à Milwaukee ( Wisconsin ) avec un double fictionnel Emmett. le prénom n'a pas été choisi au hasard et renvoie à celui d'un adolescent du Mississippi, Emmett Till, enlevé, battu, assassiné pour avoir osé parler à une femme blanche. C'était en 1955.

"Emmett", en hébreux, c'est la "vérité". Et on sent à quel point l'auteur veut transmettre, à travers cette tragédie implacable, une vérité quasi universelle sur la condition afro-américaine aux Etats-Unis. le matériau est périlleux à manier car l'émotion ressentie lors de l'assassinat de George Floyd est encore intacte et peut vite engluer une lecture dans de bons sentiments étouffants ou dans un didactisme scolaire trop appuyé.

Louis-Philippe Dalembert trouve l'équilibre parfait. Pour composer le portrait sensible d'un homme, il construit un roman choral dans lequel s'exprime à tour de rôle des personnages qui ont croisé Emmett, à la première personne : l'épicier qui a appelé la police contre Emmett, hanté par la culpabilité ; son institutrice blanche, pleine de tendresse et d'idéaux ; ces deux amis d'enfance, fidèles et attachants ; le coach sportif qui l'accueille comme un fils à un moment où le football américain aurait pu le sauver ; l'ex-fiancée blanche qui l'a tant aimé ; la mère de sa dernière fille. Tous incarnés avec puissance pour dire le poids de l'Histoire, du racisme, du déterminisme social qui ont fracassé Emmett, né sans père dans un ghetto d'une ville en proie à la désindustrialisation, rêvant de sortir de sa condition par le sport universitaire, puis survivant dans une addition de boulots précaires. Un homme ordinaire, peu sûr de lui, aux rêves brisés. Sorti du lot par la violence policière qui s'est abattue sur lui.

C'est très habile de ne jamais faire parler Emmett mais de construire son portrait par un kaléidoscope de touches indirectes. Cela apporte beaucoup de nuances et de profondeur à ce destin à la fois singulier et partagé, apportant au portrait toute la complexité d'une dimension humaine. Sans manichéisme ni naïveté. Nuances et profondeur que l'on retrouve dans la dernière partie, « La Marche », récit cette fois à la troisième personne des funérailles / hommage à Emmett. le rythme change, s'accélère, se tend car on ne connait pas l'issue de la marche qui se fait le réceptacle des tensions raciales dans le pays.

Et puis il y a ce prêche enflammé de Ma Robinson, la pasteure amie d'Emmett, ces accents à la Martin Luther King, prônant la réconciliation au-delà des conditions sociales et ethniques, prennent aux tripes. Jusqu'à ce superbe épilogue empreint d'idéalisme et d'humanisme, presque utopique, qui fait du bien au coeur. Tous les protagonistes du roman sont devenus nos proches.

Un roman ample et intense à la solennité poignante.
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