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EAN : 9782848054131
300 pages
Sabine Wespieser (26/08/2021)
3.77/5   288 notes
Résumé :
Depuis qu’il a composé le nine one one, le gérant pakistanais de la supérette de Franklin Heights, un quartier au nord de Milwaukee, ne dort plus : ses cauchemars sont habités de visages noirs hurlant « Je ne peux plus respirer ». Jamais il n’aurait dû appeler le numéro d’urgence pour un billet de banque suspect. Mais il est trop tard, et les médias du monde entier ne cessent de lui rappeler la mort effroyable de son client de passage, étouffé par le genou d’un poli... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (89) Voir plus Ajouter une critique
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Sur l'air de Milwaukee Blues, de Charlie Poole, Louis-Philippe Dalembert m'a embarqué dans cette ville du Wisconsin qu'il connaît bien puisqu'il y a enseigné pendant un an.
Auteur de plusieurs romans dont Avant que les ombres s'effacent (Prix Orange du Livre 2017) et Mur Méditerranée, sans oublier, ce beau recueil de poèmes, Cantique du balbutiement, ouvrages que j'ai eu le plaisir de lire, il était, avec Milwaukee Blues, parmi les quatre finalistes du Prix Goncourt 2021.
Quelques semaines auparavant, j'avais eu la chance de le retrouver aux Correspondances de Manosque pour l'écouter parler de ce livre inspiré du meurtre de Georges Floyd.
Les États-Unis font partie de la vie de cet écrivain, né en Haïti. Non seulement, il y a enseigné mais il y a de la famille et des amis. Comme il l'a dit, c'est un pays que l'on adore détester mais qu'il connaît parfaitement comme le prouve son Milwaukee Blues.
Tout débute dans une supérette où un employé croit bon d'appeler le nine.one.one, numéro d'appel d'urgence, à cause d'un billet de banque douteux remis par un Noir entre quarante et cinquante ans. Nous sommes dans Franklin Heights, quartier pauvre peuplé presque exclusivement de Noirs. Sans délai, la police arrive, plaque l'homme au sol, genou entre ses omoplates. L'homme proteste : « Je ne peux pas respirer ! Je ne peux pas… » et meurt.
Commence alors un récit à plusieurs voix, donnant différents points de vue sur la victime, un certain Emmett. C'est d'abord son institutrice qui reconnaît son ancien élève dont le portrait circule sur les chaînes d'infos avec vidéo à l'appui car l'agression dont il a été victime a, bien sûr, été filmée. Elle se souvient immédiatement qu'Emmett portait le même prénom qu'un adolescent, Emmett Till, assassiné en 1955 par des racistes blancs du sud du pays. Elle n'a pas oublié que ce garçon avait pour meilleurs amis, Autherine et Stokely, que son père, au chômage, était parti vers le sud mais n'était pas revenu et qu'Emmett, passionné de football US - pas le soccer, notre foot à nous -, chantait tout le temps Alabama Blues, de J.B. Lenoir.
Intervient ensuite l'amie d'enfance, Autherine, Authie, même quartier, même âge. Elle parle du big four, les quatre sports majeurs aux USA : football, basket, baseball et hockey, et qu'Emmett est parti à l'université pour devenir pro alors qu'à peine 2 % des jeunes réussissent à obtenir ce statut.
Voici maintenant Stokely, Stoke, le dealer repenti, troisième pièce du trio qui a plongé dans la drogue et a dû purger dix ans de prison. Maintenant, il est médiateur entre les flics, les services sociaux et les jeunes du quartier.
Larry est le coach de l'université où est arrivé le jeune Emmett, plein d'ambition. C'est lui qui détaille le parcours sportif d'un garçon qu'il a pris sous son aile. Il parle des deux accidents subis. Si le premier n'est pas trop grave, le second sera fatal pour la carrière professionnelle espérée.
Très intéressante est Nancy, la fiancée. Elle a réussi à apprivoiser Emmett malgré les regards haineux, dans cette université privée à 90 % blanche. La racialisation et les classes sociales très compartimentées gangrènent un pays où le moindre contrôle policier peut mal tourner ou tout simplement humilier profondément celui qui le subit alors qu'il est parfaitement en règle.
Il y a aussi Angela, l'ex-femme d'Emmett revenu à Milwaukee où il tente de gagner sa vie avec de petits boulots. Authie la présente à Emmett qui a déjà deux filles mais dont la mère l'a largué. Angela reste trois ans avec lui, met une fille au monde et s'en va aussi. Aucune de ces deux femmes ne se manifestera.
La troisième grande partie, intitulée « La Marche », permet de faire connaissance avec Ma Robinson, ex-matonne devenue pasteure, avec Mary-Louise, la mère d'Emmett, avec Marie-Hélène qui vient d'Haïti, et avec Dan, son copain, remarqué pour ses dreadlocks. Cette partie révèle plusieurs surprises. Aussi, je n'en dirai pas plus. Comme il y a une pasteure et une cérémonie religieuse, la religion prend un peu trop d'importance. Petit à petit, je découvre un peu plus les immenses problèmes interraciaux gangrenant ce pays, avec les extrémistes des deux camps, les gens de bonne volonté risquant vite d'être débordés.
De plus, Louis-Philippe Dalembert, dans Milwaukee Blues, m'a fait découvrir des poètes et écrivains haïtiens comme Marie-Vieux Chauvet, Edwige Danticat (Adieu mon frère) ou Jacques Roumain, auteur du poème « Sales nègres » dans Bois d'ébène et de Gouverneurs de la rosée, « l'un des plus grands romans de la langue française ».
Enfin, il y a les chansons avec Bob Dylan, Bob Marley, etc… et des références cinématographiques comme Cry Freedom ou Twelve Years a Slave.
Voilà, vous l'avez compris, j'ai été passionné par cette plongée fort bien documentée dans le quotidien d'une grande ville du midwest des États-Unis. Louis-Philippe Dalembert sait donner une opinion équilibrée et réaliste qui m'a permis de comprendre un peu plus ce pays si présent dans l'actualité et que nous connaissons si mal.
« Si j'écris, c'est que j'aime le risque et je ne veux pas me répéter », nous a confié Louis-Philippe Dalembert, à Manosque et il a parfaitement réussi.

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Rentrée littéraire 2021 # 10

« I can't breathe ». Insupportable « I can't breathe ».
Louis-Philippe Dalembert transpose l'histoire de George Floyd de Minneapolis à Milwaukee ( Wisconsin ) avec un double fictionnel Emmett. le prénom n'a pas été choisi au hasard et renvoie à celui d'un adolescent du Mississippi, Emmett Till, enlevé, battu, assassiné pour avoir osé parler à une femme blanche. C'était en 1955.

"Emmett", en hébreux, c'est la "vérité". Et on sent à quel point l'auteur veut transmettre, à travers cette tragédie implacable, une vérité quasi universelle sur la condition afro-américaine aux Etats-Unis. le matériau est périlleux à manier car l'émotion ressentie lors de l'assassinat de George Floyd est encore intacte et peut vite engluer une lecture dans de bons sentiments étouffants ou dans un didactisme scolaire trop appuyé.

Louis-Philippe Dalembert trouve l'équilibre parfait. Pour composer le portrait sensible d'un homme, il construit un roman choral dans lequel s'exprime à tour de rôle des personnages qui ont croisé Emmett, à la première personne : l'épicier qui a appelé la police contre Emmett, hanté par la culpabilité ; son institutrice blanche, pleine de tendresse et d'idéaux ; ces deux amis d'enfance, fidèles et attachants ; le coach sportif qui l'accueille comme un fils à un moment où le football américain aurait pu le sauver ; l'ex-fiancée blanche qui l'a tant aimé ; la mère de sa dernière fille. Tous incarnés avec puissance pour dire le poids de l'Histoire, du racisme, du déterminisme social qui ont fracassé Emmett, né sans père dans un ghetto d'une ville en proie à la désindustrialisation, rêvant de sortir de sa condition par le sport universitaire, puis survivant dans une addition de boulots précaires. Un homme ordinaire, peu sûr de lui, aux rêves brisés. Sorti du lot par la violence policière qui s'est abattue sur lui.

C'est très habile de ne jamais faire parler Emmett mais de construire son portrait par un kaléidoscope de touches indirectes. Cela apporte beaucoup de nuances et de profondeur à ce destin à la fois singulier et partagé, apportant au portrait toute la complexité d'une dimension humaine. Sans manichéisme ni naïveté. Nuances et profondeur que l'on retrouve dans la dernière partie, « La Marche », récit cette fois à la troisième personne des funérailles / hommage à Emmett. le rythme change, s'accélère, se tend car on ne connait pas l'issue de la marche qui se fait le réceptacle des tensions raciales dans le pays.

Et puis il y a ce prêche enflammé de Ma Robinson, la pasteure amie d'Emmett, ces accents à la Martin Luther King, prônant la réconciliation au-delà des conditions sociales et ethniques, prennent aux tripes. Jusqu'à ce superbe épilogue empreint d'idéalisme et d'humanisme, presque utopique, qui fait du bien au coeur. Tous les protagonistes du roman sont devenus nos proches.

Un roman ample et intense à la solennité poignante.
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J'avoue avoir dû lire quelques pages avant de me projeter totalement dans ce roman mais l'art de la narration de Louis - Philippe Dalembert a eu raison de mes difficultés passagéres pour finalement m'entraîner à la découverte d'Emmet . Emmet , en fait , on le " connaît " pour avoir suivi son agonie sur un trottoir d'une ville étasunienne , étouffé par le genou d'un policier sans pitié et sous le regard "neutre " , pour ne pas dire indifférent de quelques collègues " normalement " chargés de " faire respecter la paix " mais , en aucun cas , de délivrer la mort . Les images , vous les avez vues . Elles ont tourné " en boucle " sur toutes les chaînes de télévision du monde entier ...Emmet était noir ...ce qui , en soit , est déjà malheureusement encore un crime dans une Amérique qui peine à comprendre combien tous les citoyens , les hommes , les femmes sont égaux face aux droits et aux devoirs dans un pays que l'on cite pourtant souvent comme étant celui de la liberté.
Une bavure ? Trop nombreuses les bavures pour , justement , prendre le nom de " bavure" . Peut- être " racisme " , non ?
Partant de cet événement terriblement ( et justement ...) médiatisé, Dalembert a imaginé la vie d'Emmet en donnant successivement la parole à des personnages qui l'ont côtoyé, l'ont vu se construire , rêver, approcher les étoiles, sombrer pour , finalement reprendre sa place dans le trafic des gens qui , malgré tous leurs efforts , ont bien du mal à émerger dans une société implacable . Emmet, il ne s'adressera jamais à nous , mais , souci d'authenticité sans doute , nous saurons tout de lui jusqu'au drame . de quoi réfléchir...Pourquoi tant de haine ?
La fin du roman est plus " universelle " mettant au premier plan tous ceux qui , en rendant hommage à Emmet , essaieront de lui redonner un honneur et une place qu'eux - mêmes tentent de reconquérir pas à pas , drame après drame ...A ce titre , j'ai personnellement trouvé la fin du roman lumineuse et porteuse d'espoir.La " marche" révèle une " tension extrême " .. . J'espère y avoir entrevu l'espoir d'un respect , certes bien légitime mais encore bien bafoué.
Ce roman nous permet de côtoyer des personnages qui , à n'en point douter , tout au moins pour certains , marqueront les esprits . Je vous suggère une lecture attentive du "Ma Robinson Show " , ça interpelle et ...ça redonne ...
Ce n'est pas un " scoop " , Dalembert est un écrivain de talent , j'en veux pour autre preuve , son excellent " Mur Méditerranée " . Son écriture est très belle , fluide et il sait présenter avec beaucoup de tact des problèmes contemporains , ce qui , soit dit en passant , n'est pas forcément une mince affaire .Son avis est toujours mesuré et il sait " donner à voir " pour que nous , lecteurs et lectrices , devions " nous mouiller " et finalement " prendre parti " . Son travail est , de plus , remarquablement documenté comme l'indique la bibliographie de fin d'ouvrage .
Sa sélection en tant que finaliste du prix Landerneau 2021 est un gage d'une grande qualité. Un livre dont le sérieux du sujet peut rebuter de prime abord ( ce fut mon cas ) mais qui ne peut laisser personne indifférent....
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Quand le gérant pakistanais de la supérette de Franklin Heights a composé le nine one nine pour appeler la police parce qu'un grand individu noir, a sorti une coupure papier pour régler, coupure qu'il pensait fausse, il ne se doutait pas qu'il regretterait toute sa vie d'avoir composé ce fâcheux numéro et qu'il ne cesserait d'entendre dans son sommeil « Je ne peux pas respirer ! Je ne peux pas respirer ! Je ne peux pas ... » ces supplications prononcées par ce client mort étouffé par le genou d'un policier.
Il ne peut s'empêcher de penser que s'il n'avait pas été là ce jour-là, le type serait en vie et ses trois filles ne seraient pas orphelines. Mais il est trop tard et les médias du monde entier ne cessent de lui rappeler cette mort effroyable.
Après la mort d'Emmett, c'est tout le quartier de Franklin Heights, quartier pauvre de la cité de Milwaukee aux États-Unis, la plus grande du Wisconsin qui va se mobiliser contre les violences policières.
Trois parties découpent ce roman inspiré à Louis-Philippe Dalembert par le meurtre de Georges Floyd en 2020. le héros de son roman, Emmett, personnage imaginaire, évoque la figure d'Emmett Till, cet adolescent lynché et torturé par des racistes du Sud en1955. Ces deux hommes noirs sont devenus des symboles des inégalités raciales aux États-Unis.
Dans la première partie, son institutrice se souvient de son élève, cet enfant élevé seul par sa mère très pieuse, qui était passionné pour le football américain et possédait un véritable talent pour ce sport. Puis ce sont ses deux amis Authie et Stokely avec qui il formait un trio inséparable qui racontent leurs souvenirs et donnent leur point de vue.
Dans la deuxième partie, Emmett, ayant réussi à obtenir une bourse et ainsi pu intégrer l'université, c'est au tour de son coach sportif devenu son ami de se remémorer ce garçon d'abord timide qui va devenir bientôt la star du campus. Un riche avenir se dessine devant lui jusqu'à ce qu'un accident vienne briser ses rêves. Sa fiancée blanche de l'époque tout comme son ex s'épanchent sur leur relation avec celui qu'elles ont aimé.
Milwaukee Blues est un roman choral dans lequel chaque personnage raconte avec ses mots, son style et selon son milieu social et son vécu à la fois sa propre vie, celle d'Emmett et la relation qu'il a eu avec lui. Des récits absolument formidables et criants de vérité dans lesquels Louis-Philippe Dalembert a su trouver le ton juste pour chacun.
La troisième partie, de loin la plus longue, relate comment après les funérailles d Emmett, Ma Robinson, ancienne matonne de prison devenue pasteure, organisera la grande marche pour l'égalité comme un cri d'espoir et de fraternité lancé à la face du monde…
Une force extraordinaire émane de ce livre qui brosse le portrait d'un homme ordinaire que la mort terrifiante a mis sur le devant de la scène et dont la vie a été traversée par la musique blues.
Avec ce roman, nous comprenons très bien combien il est difficile pour ne pas dire impossible pour des familles humbles d'envoyer leurs enfants à l'université sans l'obtention d'une bourse, les frais étant insurmontables et comment le sport, si l'on a des talents exceptionnels peut être le moyen d'en obtenir une. « Obtenir une bourse, c'est la panacée, le seul moyen pour les jeunes du quartier, filles et garçons confondus, de mettre un pied à l'université. Que Dieu, ou la nature, te dote d'un talent supérieur à celui des autres dans un des quatre sports majeurs qui servent de vitrine à ces temples du savoir. Si tu es né sous une très bonne étoile, tu peux obtenir le graal : être repéré par une fac qui a pignon sur rue. Ils ont des chasseurs de têtes présents dans tout le pays, en quête des jeunes prodiges qui viendront les aider à attirer leur clientèle.»
Louis-Philippe Dalembert, en brossant le portrait d'un citoyen noir américain sans histoire, victime de violences policières amène le lecteur à une importante réflexion sur le racisme, sur la misère et les difficultés de ces populations victimes de la violence de la vie et des institutions et ceci sans manichéisme aucun. En aucun cas, il ne cherche à faire pleurer le lecteur sur le sort d'un martyr mais tient à lui présenter le pire de l'humanité pour faire ressortir sa foi en une humanité meilleure.
J'ai apprécié qu'il remonte dans le passé, aux racines du mal, ce passé qui ronge toujours le présent, le monde de la ségrégation étant toujours présent. J'ai encore beaucoup appris sur ces États-Unis.
J'ai été touchée et bouleversée, difficile de ne pas l'être, par le sermon final de Ma Robinson, par ses paroles emplies d'humanité et de paix, qui prône la réconciliation au-delà des conditions sociales et ethniques.
C'est donc un message universel de paix, une élégie à la tolérance pour un avenir plus juste et moins inégal, un cri d'espoir que ce roman attachant, émouvant, tendre et non dénué d'humour, terriblement humain délivre et un appel bouleversant à l'entraide.
Milwaukee Blues a été pour moi un véritable coup de coeur !
Pour mémoire, Louis-Philippe Dalembert, a déjà reçu le Prix Orange du Livre Prix France Bleu/Page des libraires 2017 avec Avant que les ombres s'effacent et le Prix de la langue française 2019 avec Mur Méditerranée. Il a été finaliste du prix Goncourt 2021 avec « Milwaukee Blues » !

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« C'est avec les beaux sentiments qu'on fait de la mauvaise littérature » affirmait André Gide et cette pensée m'est venue à l'esprit en lisant les deux premières parties de cet ouvrage dont chacun des chapitres donne la parole à un proche d'Emmett, victime d'une « bavure policière ».

Successivement l'institutrice, l'amie d'enfance, le pote (dealer) racontent l'enfance à Franklin, un quartier défavorisé de Milwaukee.

Puis le coach sportif, la fiancée et l'ex compagne témoignent de son adolescence, de son rêve sportif brisé, et des galères de son existence faite de jobs précaires dans une région subissant le transfert de ses industries vers l'Asie.

Cette litanie m'a semblé manquer de cohérence et brosse un portrait contrasté d'Emmett. Ces témoins se répètent, se contredisent, et les vacheries de l'ex sont un véritable coup de poignard dans le dos.

Mais la troisième partie est mémorable. « La marche » révèle Ma Robinson, une évangéliste, ex gardienne de prison, qui organise et préside les funérailles avec le concours de Dan et Marie Hélène.

Le romancier rend hommage à Frantz Fanon et à d'autres intellectuels du tiers-monde et émaille son propos de chants et de poèmes mais quel dommage que l'éditeur massacre l'élégie du cubain Nicolas Guillén (page 246) en oubliant de passer à la ligne à la fin de chaque vers !

Louis-Philippe Dalembert immortalise avec talent le prêche de Ma Robinson … « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Ainsi la Bible, quel chef-d'oeuvre ! » répondait Henri Jeanson à Gide.
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critiques presse (4)
Culturebox
12 janvier 2022
C’est le portrait en creux d’un homme ordinaire, broyé par le racisme qui se dessine sous nos yeux. Un livre poignant et incontournable clôturé par une fin inoubliable....
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
22 octobre 2021
Captivante dérive circadienne entre ville et campagne, récit d’une déroute existentielle, Mississippi Driver lâche les chevaux.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
27 août 2021
Le destin tragique d’un gamin des ghettos noirs de Milwaukee, que son talent pour le football américain promettait à un riche avenir. Bouleversant.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
24 août 2021
Milwaukee Blues, un roman saisissant.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (74) Voir plus Ajouter une citation
Dans cette lutte longue comme l'humanité, nous subirons à coup sûr des défaites, comme nous en avons déjà subi. Nous en subirons peut-être des plus lourdes. Peut-être même aurons-nous à boire le calice jusqu'à la lie. Au point de nous laisser aller parfois au découragement. D'avoir le moral à plat comme un vieux pneu mille fois rapiécé, où il n’y aurait plus de place même pour une seule rustine. De croire que nous avons reculé de trois pas après avoir avancé de deux. Mais nous saurons nous relever, j'en suis convaincue. Avec l’aide du Très-Haut. Nous saurons puiser au plus profond de nous-mêmes la force nécessaire pour continuer à avancer. Car nous sommes du bon côté de l’Histoire. Qui finira par triompher, qu'on le veuille ou non. Qui finira par triompher, je vous le dis en vérité. Dans cinquante ans. Dans cent ans. Dans mille ans. Peu importe. Le jour viendra, et elle triomphera. Oh yes, Lord. »

Et la révérende entonna d'une voix dont les cordes semblaient en bout de course We Shall Overcome, repris en chœur par l’ensemble vocal et l'assistance, qui se balancèrent main dans la main, les yeux fermés, des larmes ruissellant sur les joues de certains sans qu'ils cherchent à les essuyer.
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Ne vous laissez pas non plus enfermer. Même pas dans ce beau vocable d’Africain-Étasunien avec lequel, j’avoue, j’ai parfois du mal. D’ailleurs, pourquoi « Africain » ? Les autres s’appellent-ils « Européens-Étasuniens » ? Je vais vous dire : il faut se méfier de ce qui peut être tout aussi sournois, stigmatisant. Oh, on est fiers de notre héritage africain. Faut pas croire. La vérité, c’est que, derrière ce qualificatif, certains pensent encore au bon vieux nègre, qu’ils n’osent plus nommer. Ou à l’édulcorant « gens de couleur » du temps de la ségrégation, qui leur échappe parfois encore. Comme si eux-mêmes étaient incolores, ou étaient couleur lumière. Il y a pire. En se définissant soi-même de cette façon, on apporte de l’eau au moulin de celles et ceux qui veulent nous tenir à l’écart de la marche du monde.
(pages 253-254)
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Obtenir une bourse, c’est la panacée, le seul moyen pour les jeunes du quartier, filles et garçons confondus, de mettre un pied à l’université. Que Dieu, ou la nature, te dote d’un talent supérieur à celui des autres dans un des quatre sports majeurs qui servent de vitrine à ces temples du savoir. Si tu es né sous une très bonne étoile, tu peux obtenir le graal : être repéré par une fac qui a pignon sur rue. Ils ont des chasseurs de têtes présents dans tout le pays, en quête des jeunes prodiges qui viendront les aider à attirer leur clientèle. Du jour au lendemain, te voilà projeté ambassadeur d’une université, dont aucun membre de ta famille, même après cinq générations, n’avait entendu parler.
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C’était une chanson trop lourde pour un enfant. Comment peut-on, à cet âge, chanter un blues où il est question d’un policier blanc qui a tué une sœur et un frère noirs en Alabama ? Jurer, par la voix du bluesman, de ne plus y retourner à cause de la relaxe injuste du meurtrier ? Les mots de cette complainte écrite dans les années soixante, pendant la période dure de la ségrégation, que nous reprenions dans les manifestations après chaque homicide d’un Noir par un policier blanc, me reviennent par moments. Ils résonnent si fort en moi aujourd’hui et font saigner mon cœur déjà exsangue.
(page 37)
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Pour ma part, je reste persuadé que femmes et hommes, tous tant que nous sommes, pouvons nous élever au-dessus de notre condition sociale et ethnique pour assumer une humanité pleine et entière, qui va au-delà de ces critères. Autrement, quel sens aurait l’existence ? Surtout pour quelqu’un qui, comme moi, loin de rompre avec son éducation agnostique, s’oriente de plus en plus vers un athéisme qui ne dit pas son nom.
(page 140)
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