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Critique de berni_29


Tout d'abord, je voudrais exprimer tout mon respect à mes chers amis d'ici qui ont aimé, adoré, adulé ce livre. Et mon regret de n'avoir pas été au rendez-vous promis pour cette lecture... Pour certains, ce roman figure dans leur Panthéon littéraire et ils seraient d'ailleurs prêts à l'amener sur leur île déserte.
Au risque de me prendre un vent auprès des inconditionnels de ce récit, l'épopée de cet équipage de contre-amiraux prépubères dont il est question dans cette histoire m'a royalement agacée, pour ne pas dire indisposée. Troubadours des courants d'air, cohorte de cerveaux lents, scribes et jongleurs de mauvais calembours...
Il est vrai que la lecture de ce... comment dire... je cherche mes mots... un livre ? appelons cette chose ainsi si vraiment vous insistez, oui ce livre m'a indisposé comme un vent indélicat, une chose qui vient du fond des âges intestinaux... La Horde du Contrevent s'est avérée pour moi La Horde du Contrepet, un merveilleux laxatif littéraire de 548 pages, c'est long, surtout vers la fin comme dirait Woody Allen évoquant l'éternité... C'est long, surtout quand on est pressé. Mais j'ai tenu à aller jusqu'au bout du voyage.
Je n'avais rien jusqu'ici contre le vent. Contre les vents, intérieurs, extérieurs.
J'aime en général les personnages qui ne manquent pas de caractères, j'ai trouvé plutôt originale cette idée de traduire chacun d'entre eux justement par un symbole, même si cela nous oblige à aller consulter en va-et-vient systématique l'intérieur de la page de garde, même si on s'y perd parmi ces vingt-trois personnages, ces vingt-trois narrateurs.
Pour moi, l'originalité créative s'arrête là.
Je sens déjà une horde d'amis s'élever contre moi, m'entraîner par la main vers l'extrême-amont du livre, remonter à contrevent des pages, puisque c'est ainsi que ce livre est construit, me punir ainsi de mon outrage, me faire revivre le cauchemar une fois encore, à peine essoré, rincé de cette première expérience. Cela dit, mon reproche n'est pas sur cet effet de style. Il y a bien pire. N'accablons pas ce livre de tous ses maux.
J'aime la poésie des mers, des ciels, des archipels, des épopées maritimes, aériennes, terrestres... Je croyais venir au rendez-vous d'un tel voyage.
Par instants, ce livre évoque des martyrs, mais jamais celui du lecteur. Pourquoi ? Par instants, ce livre évoque des dépressions. On y est presque, à force...
Il faut savoir que pour un breton, de surcroît en proximité de l'océan, le manque de respect à l'égard du vent constitue un crime de lèse-majesté, une offense, la promesse d'une malédiction. Comment peut-on le respecter aussi mal, malgré de nobles intentions de lui accorder une syntaxe, une grammaire, une musique même ? Pourquoi une telle maltraitance des éléments ?
Faut-il avoir aussi mauvais goût pour insulter à ce point le vent ?
Je pense qu'Alain Damasio a eu les yeux plus gros que le vent.
Quand on ambitionne de construire une épopée aussi ambitieuse, il ne faut pas manquer de souffle, c'est comme demander à un asthmatique de se lancer dans un marathon...
Je soupçonne Alain Damasio d'avoir fait une bonne farce à ses aficionados qui sont si nombreux. Devenu milliardaire sur cette magnifique opération marketing qui lui permet désormais de surfer dans le sens du vent, il faut lui en être admiratif, il doit rire sous cape comme celui qui eut la géniale idée un jour de tremper la queue d'un âne dans un pot de peinture noire et de dresser son arrière-train, - je parle de celui de l'âne bien sûr, devant une toile qui devint une oeuvre qui connut une fortune au sens propre comme au sens figuré, et qu'il intitula « Aliboron ». La Horde du Contrevent, c'est un peu la même chose... Alain Damasio a trempé la queue d'un âne, ou peut-être celle d'une comète qui passait par-là assez savoir, dans des rafales de courants d'air et de vides absolus.
Génie pour les uns, mystificateur pour les autres, sans doute la vérité se situe entre deux eaux. Y aurait-il une grammaire, une syntaxe de la fumisterie ?
J'ai pourtant essayé de respirer aussi lentement que possible durant chaque page.
Des pages enlisées dans des sables mouvants, tandis que ce livre prenait de l'eau, que dis-je des seaux !
À la page 336, à l'attention d'un des personnages qui demande : « Maître, savez-vous quand la chose risque d'arriver sur nous ? « J'ai eu bien envie de lui répondre : « Malheureusement mon pauvre petit, c'est déjà arrivé depuis 212 pages pour le lecteur ! » Oui, je l'ai dit, l'originalité du livre est que les pages vont à rebours. Quand on n'aime pas un livre mais qu'on veut quand même y aller jusqu'au bout, cela dit c'est un avantage...
Chronique d'une dépression, la quête d'une flaque devient ici l'aventure extrême.
C'est un livre déjà saturé d'éoliennes, on appréciera le côté prémonitoire de l'auteur vis-à-vis de nos paysages à venir...
Par moments, les personnages du roman se mettent à en faire sa promotion avec une lucidité qui force le respect : " Et ancrez ça : y a jamais eu de hordes mieux préparées que nous qui ait osé tremper son museau dans cette grande cuvette de chiotte ! "
Durant ces plus de cinq cents pages, j'ai rêvé à la fois d'apesanteur et d'oxygène. J'ai bien eu l'impression de mettre dix-mille ans à lire ce livre.
"La folie n'est plus folle, dès qu'elle est collective." Tentative d'une éloge du faire ensemble, l'auteur s'embourbe lorsqu'au bastingage de son navire incontrôlable, il tente de s'improviser philosophe.
C'est du grand vide comme les personnages qui regardent au fond du trou d'un lac qui se vide par son siphon comme une chasse d'eau,- désolé c'est la seule image qui me vint alors. Cela me semblait aussi profond que le sens-même de ce livre. J'ai eu envie de faire disparaître ces pages dans ce siphon géant qui entraîne l'équipage dans la tourmente...
Plus tard, le chapitre sur les palindromes est pitoyable à souhait et révèle à lui seul toute la caricature si facile de ce livre, on se croirait dans un radio-crochet de rhétoriques ampoulées, un exercice de style où l'auteur a cherché à caser sa collection de savoirs dans les plis de cette histoire qui tombe comme un cheveu dans le vent.
Au chapitre qui s'intitule La Tour d'Ær, il me semblait pourtant qu'il y avait brusquement un sujet, une matière à creuser, un sens tout d'un coup qui frémissait autour Du Livre, des bibliothèques, de la mémoire... Cela, hélas, n'aura duré que le temps d'un chapitre.
Et lorsqu'on est à contrevent, tant qu'à faire, pourquoi ne pas y aller à fond, qu'est-ce qui empêche dès lors l'auteur de citer de manière décomplexée en postface de son ouvrage un fameux Bertrand Cantat ; après tout nous étions à peine en 2014, date de publication du livre ?
À la fin de l'odyssée, à bout de souffle, on est bien content de descendre à quai pour embarquer aussitôt vers des mers ou des ciels bien mieux inspirés.
Le meilleur contre, ne serait-ce pas de confronter nos points de vue face à la horde qui s'apprête à me jeter aux vents ?
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