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Critique de A2livres


✴️ Quelques idées en vrac :
➡️ Lorsqu'une partie de la société s'insurge contre #BalanceTonPorc mais trouve normal d'utiliser une application mobile pour dénoncer à la police son voisin parce qu'il n'a pas ramassé les crottes du chien, LA ZONE DU DEHORS n'est pas loin. (infos : http://bit.ly/2nDbADI)
Dans le roman, Big Brother est électronique, high-tech, il est aussi diffus : incarné, non seulement par l'autorité, mais aussi, et surtout, par tout un chacun.
➡️ Lorsque la Chine généralise un système de notation de ses citoyens (conséquences possibles : accès des plus méritants à certains emplois, limitation de l'accès Internet pour les moins performants…), LA ZONE DU DEHORS n'est pas loin. (infos : http://bit.ly/2CitBQk)
Dans le roman, le Clastre est un classement généralisé des individus qui se fait sur la base de notes données par les collègues de travail, supérieurs et subalternes, usagers, voisins… Tous les deux ans, c'est jour d'évaluation, anonyme et par voie électronique bien sûr. Je n'en divulgue pas plus, vous laissant découvrir la conséquence en cas de changement de poste de travail.
➡️ Lorsqu'un citadin s'installe à la campagne et porte plainte contre son voisin parce que son coq chante ou grogne contre les oiseaux qui l'empêchent de dormir, ou râle du manque d'éclairage public car l'obscurité de la nuit le fait flipper, etc., LA ZONE DU DEHORS n'est pas loin.
Capt, le héros, dénonce la fabrication d'un environnement conçu exclusivement pour la vie humaine, totalement artificiel, supprimant au fil des générations chez l'être humain tout capacité d'adaptation à son environnement, le rendant inapte à supporter un rocher non lisse ou affronter une route non rectiligne. D'après lui, l'évolution a finalement conduit les humains vers leur affaiblissement, après une phase de progrès.
➡️ Lorsque les individus se définissent par leur travail et même leur productivité, que la société dévalorise ceux qui n'ont pas d'emploi, alors même que le temps de travail ne cesse de diminuer, LA ZONE DU DEHORS n'est pas loin.
Dans le roman, les citoyens travaillent 4h par jour. de plus, quel que soit leur rang social et leur revenu, ils vivent tous décemment (comme s'ils bénéficiaient d'un revenu universel, en somme). Tout le monde travaille, même si beaucoup d'emplois ne servent pas à grand-chose.
➡️ Lorsque de nombreuses personnes d'un pays en arrivent à pratiquer la chirurgie esthétique pour trouver un emploi, dans une société qui vénère une certaine idée de la beauté, normée, LA ZONE DU DEHORS n'est pas loin. (En Corée du Sud : http://bit.ly/2E4OLU4)
La Volte, dont fait partie Capt, se bat contre la normalisation, pour la liberté, le non-conforme et la créativité.
➡️ de bien belles formules : Penser avec le corps. Libérer la vie. Parce que ça fait mal, d'être libre. Souriez, vous êtes gérés…
➡️ le roman fourmille encore de 1000 idées et exemples intéressants.

✴️ Mitigé :
Philosophie à tous les étages : le roman est un peu lent, long. Beaucoup de réflexions, peu d'actions, surtout dans la première moitié. Et puis surtout, des réflexions qui s'apparentent souvent à des cours de philo, du matraquage, qui ne laissent pas suffisamment de place au lecteur pour se faire sa propre idée. Heureusement que la plume magistrale de l'auteur fait passer la pilule de certaines envolées conceptuelles et moralisantes.
Et puis, imposer aux autres sa propre vision de la liberté : un curieux paradoxe. Surtout lorsque c'est fait avec violence, dans la souffrance.

✴️ Problèmes :
➡️ La place des femmes : amante, hôtesses, « incitatrices » (personnes qui vous encouragent à acheter tel ou tel produit, allant jusqu'à proposer du sexe en échange), leur superficialité est fréquemment soulignée, et elles sont aussi juste bonnes à se faire insulter pour leur maquillage outrancier, produits de beauté ou encore lifting… Les femmes semblent peu présentes parmi les voltés, elles sont peu évoquées et jamais partie prenante des grosses actions (à part Boule de Chat, la copine du héros et qui l'accompagne donc à ce titre). Il semble qu'il n'y a aucune femme parmi les dirigeants de Cerclon, président et ministres, et aucune n'est citée non plus quand il s'agit d'évoquer des ingénieurs, techniciens, architectes...
Plus grave encore, Capt commet une agression sur une femme (parce qu'elle ne partage pas ses idées), il lui vient même l'idée de la violer. Il fuit, non sans l'avoir menacé de représailles si elle comptait le dénoncer. En toute impunité et sans aucun regret. C'est oublié encore plus vite que ça ne s'est produit. Violence sexiste gratuite et légitimée. le passage me parait tant inutile qu'aberrant.
➡️ Autre problème : le mépris manifeste envers les personnes grosses dans les portraits (« désagréablement gras », « le visage boursoufflé d'un irradié de la première heure », les mains moites, le cliché des corps couverts de sueur de ces personnes, etc.). Les voltés sont tous jeunes et athlétiques. Tout cela manque un peu de diversité…
➡️ Conséquence : j'ai un peu de mal à suivre dans sa (ré)volution un personnage qui montre un tel niveau d'intolérance.

✴️ Conclusion :
Damasio sait rendre les descriptions, autant que les événements, prodigieusement émouvants et convaincants. Certains monologues philosophiques m'ont semblés un peu longs et trop abstraits, alors que d'autres sont merveilleux et percutants (question de sensibilité). L'histoire met du temps à se mettre en place, il ne faut pas se décourager. Sur le fond, je ne partage pas nécessairement l'apologie de la violence - grandissant du début à la fin du roman - pour imposer sa liberté au reste de la société. de plus, derrière des discours très conceptuels et parsemés de références érudites, se cachent parfois des raisonnements simplistes (je sais, je suis gonflée de dire ça du grand Damasio mais j'assume : les gentils pauvres contre les méchants riches, j'en ai soupé). En gros, employer de grands mots pour justifier meurtres, voire carnages, c'est me faire prendre des vessies pour des lanternes. Mais il y a quand même beaucoup beaucoup beaucoup de chouettes idées et de points de départ à la réflexion dont il serait dommage de se priver. La plume de l'auteur reste magnifique et son imaginaire riche.
Si, comme moi, vous avez adoré La horde du contrevent, je ne peux pas vous garantir que vous aimerez La zone du dehors. Mais sa lecture est d'un intérêt certain.
Lien : https://www.facebook.com/A2l..
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