AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Neurot


Un cri de (ré)volte. C'est en 2084 que l'histoire de ce livre se passe, la date n'est pas choisi au hasard, mais oubliez Orwell car le monde imaginé par Damasio n'a pas sombré dans le totalitarisme primaire. C'est le règne de la social-démocratie, de la paix sociale achetée au dépend de la liberté véritable, le règne de la norme et du consensus. Un monde de tranquillité pour la majeur partie des habitants de Cerclon, ceux qui ont accepté de rentrer dans le système. Un système où son nom dépend de sa réussite, A étant le présidant, et ZZZZZ le dernier du Clastre. Un système créé pour une cité conceptuelle située sur un satellite de Saturne, pour fuir la Terre et la guerre. le modèle à suivre pour l'humanité. Mais un monde de vide pour les gens de la Volte, petite organisation qui essaye à sa manière de réveiller les consciences. Les vielles méthodes réfléchis et pacifistes ne marchent plus, la Volte va passer à l'action. "Réfléchir, c'est fléchir deux fois". Emmenée par ses leaders charismatiques comme Captp le professeur philosophe, Kamio le peintre humaniste, ou Slift l'impulsif et insaisissable habitant de la Radzone, elle va tout tenter pour changer le monde, en créer un nouveau. Une lutte difficile, contre le système, contre soi même, qui ne se fera pas sans couler de larme et de sang, pour la liberté. "Sachons nous ouvrir pour agrandir cette poche, qui est poumon - et vent pulsif. Osons même, parfois, élargir la cicatrice et refuser le cocon consumériste, les consolations et les soins. Parce que ça fait mal, d'être libre."

Evidemment le Cerclon de 2084 ressemble en beaucoup de chose à nos sociétés occidentales, en poussant plus loin leurs défauts, pour les rendre plus voyants. le principe même de la SF. Et les questionnements qui vise le lecteur seront nombreuses tant il y a matière à la réflexion dans ce livre. Avec un coté un peu trop bavard parfois, trop didactique, petit pêché de jeunesse. Ces aspects politiques et philosophiques sont extrêmement présents et poussés dans le livre, des constats sur la servitude volontaire, l'auto-censure, la normalisation et le contrôle. Et une réponse ! Pas la réponse, juste une réponse. Tout cet aspect là est enrobé dans une histoire qui prend au tripe et portée par des personnages très attachants, épris de liberté, vivant. "Vagabonder, bondir, vagabondir pour exister !".

Dans le style, c'est Damasio. C'est original, c'est varié, c'est très soigné, c'est beau, c'est brut, c'est vivant et recherché. Une maîtrise parfaite de la langue française, des jeux de mots, un travail sur les sons, des néologismes, de l'argot, des métaphores en veux tu en voilà. Un travail d'orfèvre. Ça ne ressemble à rien d'autre qu'à du Damasio. Il vous prend parfois l'envie de relire un paragraphe que vous venez de finir, juste pour le plaisir. Cette écriture jouissive mais exigeante ajouté à de vrais réflexions très poussées, teintées de philosophie de Nietzsche, Deleuze ou Foucault, rends le livre assez exigent. Pas à lire en période de fatigue, il demande une concentration optimale. le jeux en vaut la chandelle malgré ses imperfections et quelques longueurs.

La livre est narré à la première personne, mais pas toujours par le même personnage. le système narratif polyphonique était déjà là, bien avant La Horde du Contrevent, en moins poussé cela dit. La majeur partie du récit étant vu à travers les yeux de Captp. Ce procédé ambitieux permet de belle expérimentation dans le style d'écriture comme dans la structure narrative. Au niveau des personnages aussi il est difficile de ne pas faire un lien entre certains Volté et membre de la Horde. Et sur le plan de la philosophie du bouquin, bien qu'un peu moins lyrique ici, plus terre à terre que dans la Horde, on retrouve ce même sentiment de lutte, de liberté. Ce même combat contre soi même. "Déchirez la gangue qui scande “vous êtes ceci”, “vous êtes cela”, “vous êtes…”. Ne soyez rien : devenez sans cesse. L'intériorité est un piège. L'individu ? Une camisole. Soyez toujours pour vous-mêmes votre dehors, le dehors de toute chose."

Un auteur unique, un esprit contestataire qui fait du bien, des idées, plein d'idées dont je n'ai même pas parlé. Attention, en plus d'être exigent, le livre va très loin dans sa philosophie (ré)volutionnaire, pas de faux semblant, pas de compromis. "Change, plutôt que tes désirs, l'ordre du monde. Tes désirs sont désordres." La liberté, juste la liberté, à n'importe qu'elle prix. Pour réveiller l'esprit de révolte qui sommeil en chacun de nous.
Commenter  J’apprécie          160



Ont apprécié cette critique (13)voir plus




{* *}