AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Ethno


« Si la cause est bonne, c'est de la persévérance. Si la cause est mauvaise, c'est de l'obstination »

C'est sur cette citation de Laurence Sterne que j'attaquerais cette chronique de la Sirène Rouge de Maurice Dantec. Souvenez-vous, il y a peu de temps sur Acheron tombait l'avis mitigé du roman Les Racines du Mal du même auteur, récit aussi étrange qu'attirant, mais qui avait tout de même suscité chez moi un intérêt particulier malgré une rédaction qui étalait pléthore de théories socio-mystico-religieuse rendant l'appréhension de la bête difficile. J'avais par la même occasion dévoilé mon sadomasochisme latent dans les commentaires, en promettant l'arrivée d'une seconde chronique du Monsieur, car je sentais bien que derrière toute cette masturbation cérébrale un truc c'était produit avec le style Dantec, et comme votre serviteur est un homme de parole me voici devant mon écran quelque temps après avoir refermé La Sirène Rouge. Alors persévérance ou obstination ? Réponse avec la chronique de ce premier roman qui lui valut le prix du meilleur roman francophone en 1994 (Trophées 814).

La Sirène Rouge

Alice est une jeune fille exceptionnelle de par sa maturité et son intelligence. du haut de ses douze ans, elle paraît en avoir beaucoup plus. Enfin c'est ce que la plupart des gens pensent, et surtout l'inspecteur Anita von Dick qui voit débarquer la fillette au commissariat, calme, posée, une cassette vidéo à la main. Alice annonce sans détour que sa mère tue des gens devant une caméra et qu'elle s'amuse à filmer ses exécutions. Une enquête est ouverte, et Alice est gardée sous surveillance. Mais un problème de taille intervient. La mère, gâtée sur l'échelle sociale brouille les pistes pour gagner du temps et fini par s'évaporer dans la nature. Elle enverra un hit squad redoutable et armé jusqu'aux dent pour récupérer Alice coûte que coûte.

Hugo Toorop, lui, vie dans la clandestinité la plus totale empruntant nom d'usage sur nom d'usage depuis son retour de Yougoslavie où il a vu de ses yeux les pires atrocités durant la guerre où il faisait partie de l'organisation Liberty Bell. C'est en réintégrant sa voiture qu'il tombe sur une Alice apeurée qu'il décide d'aider. La petite veut quitter sa Hollande natale pour aller au Portugal retrouver son père. C'est alors que commence un road trip sanglant ponctué par des gun fight musclés, de l'action en pagaille et un rythme soutenu.

Les snuff movies, voilà un sujet qui m'emballe, surtout sachant de quoi l'auteur est capable. C'est donc corps et âme que je me lance dans la lecture de la Sirène Rouge et je dois dire qu'au final je suis assez satisfait. Loin d'une lecture aussi rude que Les Racines du Mal, dès les premiers chapitres le livre s'annonce comme un polar noir qu'on prend plaisir à lire. Globalement le livre nous dévoile une intrigue basique, mais possédant tout de même un atout majeur : du rythme. Exit les quelques moments de stagnation où Dantec arrive avec ses délires philosophiques qui seront les prémisses de son style si particulier, nous suivons les personnages à travers l'Europe, d'Amsterdam au Portugal en passant par la France l'Espagne et l'Allemagne. Dantec nous met dans le bain des pays traversés et nous dépeint l'ambiance de l'air marin, des vagues et du sable chaud avec tout le talent que l'on lui connaît. L'histoire est bien ficelée et les scènes de baston/fusillade nous font rester cramponnés au bouquin, de ce côté-là, donc, pas de soucis.

C'est en cherchant vraiment la petite bête (je suis là aussi pour ça vous me direz) que quelques petits défauts font leurs apparitions. En effet, même si le style d'écriture de Dantec reste assez fluide sur ce roman, il n'en reste pas moins que, parfois, il est difficile d'adhérer complètement à cette morale, au final, assez simpliste et à ses personnages caricaturaux. Que ce soit avec l'histoire personnelle d'Hugo ou bien de la relation entre Alice et sa mère, Dantec traite entre autres de la lutte entre le bien et le mal, l'élitisme, la politique, sujets traités avec une certaine légèreté énervante quand on connaît le bonhomme, alors rajoutez à ça une romance plus que prévisible (et amenée de manière assez grossière) entre deux personnages vous obtiendrez un ZoSKiA dubitatif qui ne comprend pas forcement où l'auteur veut en venir, d'autant plus que certaine thématique présente ici, seront abordées dans le roman suivant...
Ceux qui connaissent bien Dantec et qui apprécie l'auteur pour ses élucubrations philosophiques ne tomberont pas de leurs chaises avec ce roman qui doit être lu pour ce qu'il est, un polar tendu et costaud, qui a d'ailleurs été adapté à l'écran avec Jean-Marc Barre (Le Grand Bleu) dans le rôle d'Hugo et Asia Argento (XXX, L'armée des Morts) dans celui de van Dicke. Alors certes, les bases de ces théories à rallonges sont bien présentes ici, mais ne viennent en rien ralentir le rythme du récit comme c'était le cas dans Les Racines du Mal. 

Je terminerais simplement par un avertissement concernant les snuff movies, le sujet fait simplement office de toile de fond et ne se présente en aucun cas comme un élément majeur du roman, alors si comme moi vous cherchez le grand frisson avec son lot de détails scabreux, passez votre chemin et regardez-vous l'un des seuls films potables de Nicolas Cage, 8 Millimètres (Mimo, ça, c'est pour ta pomme).

Alors persévérance ou obstination ? Je dois avouer que je m'en cogne, l'idée était de voir simplement si Dantec était fait pour moi sur le plan littéraire et je dois dire que La Sirène Rouge a passé le test sans encombre. Malgré ça, je pense que celui-ci sera mon dernier de l'auteur, car au vu des critiques concernant ses autres livres, j'avoue que la suite ne me fait pas franchement envie et je préfère rester sur une bonne image, dommage, car dans le fond, sorti de tout cet étalage inutile d'idées farfelues, Dantec sait faire tourner les pages aux lecteurs dans les moments d'action les plus intenses. La Sirène Rouge est loin de révolutionner le genre, mais s'impose comme un roman direct, nerveux, un brin téléphoné, mais efficace et, au pire, si jamais l'histoire vous intéresse, mais que la flémingite vous foudroie, vous pourrez toujours vous tournez vers le film qui résume plutôt bien l'idée du livre, à vous de voir…

Zoskia


Lien : http://www.acheron-webzine.c..
Commenter  J’apprécie          41



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}