AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de evh138


Meursault, contre-enquête - de Kamel Daoud
Peut-être l'un des meilleurs livres que j'ai lus ces derniers mois. Il doit se lire en miroir, presque en diptyque, avec un des plus grands romans du XXème siècle, « l'Etranger » de Camus. Ces deux oeuvres se lisent, ou se relisent, en quelques heures à peine, le temps d'une après-midi ensoleillée. L'idée de Daoud est originale, voire un peu folle : « décoloniser » un classique de la littérature.
Le point de départ est la négation de l'Autre dans l'oeuvre de Camus. Un des personnages clés, cet Arabe tué absurdement sur une plage par Meursault sous un soleil torride, n'a pas de nom ni d'existence. Il n'est qu'une ombre, qu'un détail négligé. Kamel Daoud éclaire cette ombre, en lui donnant une vie, une histoire et un prénom (Moussa). Dans un bar, imbibé d'alcool et désabusé, le narrateur (Haroun), le petit frère de cet Arabe tué, hurle sa vie et son mal-être à un universitaire venu l'interroger sur sa version de l'histoire (car l'Etranger est supposé être écrit par Meursault lui-même à sa sortie de prison).
Les jeux de reflets entre l'oeuvre de Daoud et celle de Camus rendent ce livre subtil et génial. le héros de Daoud devient, malgré lui, un curieux double de Meursault, confronté à l'absurdité de la vie, de l'amour, de la mort et de la religion. Il est, comme Meursault, « étranger » parmi les siens, « étranger » face au meurtre qu'il commet pour se venger, face au deuil de son frère, face au monde duquel il est écarté par sa mère, face à l'évolution de son pays, face à la montée de l'Islamisme.
Le style est déroutant, dans un mélange d'oralité nerveuse et de poésie métaphorique. le livre pense l'héritage colonial, l'histoire et les désillusions de l'Algérie moderne. C'est une réflexion sur l'identité d'un homme, d'un peuple et une critique sur les rapports aux autres, au passé, à dieu, à l'Islam. C'est intense et passionnant !
J'ai relevé et noté cette phrase : « Il y a toujours un autre, mon vieux. En amour, en amitié, ou même dans un train, un autre, assis en face de vous qui vous fixe, ou vous tourne le dos et creuse les perspectives de votre solitude. »
Commenter  J’apprécie          111



Ont apprécié cette critique (7)voir plus




{* *}