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sur 1128 notes
Parfois aussi en littérature la vengeance est un plat qui se mange froid.

Le roman “Meursault, contre-enquête” de l’écrivain algérien Kamel Daoud, loin d’être un réchauffé de “L’étranger”, est un concentré savoureux.
Le plus connu des romans d’Albert Camus, le premier de la tétralogie “Le cycle de l’absurde”, méritait bien une suite. L’extravagance du meurtre, commis en 1942 sur une plage algéroise inondée de soleil, est ancrée dans les mémoires.

Le narrateur, Haroun, est aujourd’hui un vieil homme qui souvent ressasse devant son verre un passé vécu à son corps défendant. Jamais il n’a pu se défaire ni du fantôme de son frère qu’il a très peu connu ni de la tyrannie castratrice d’une M’ma toujours en vie.
Haroun n’avait que sept ans le jour où Meursault tua de cinq balles son frère Moussa, l’Arabe de “L’étranger”. L’acte de vengeance qu’il commettra vingt ans plus tard, aux premiers jours de l’indépendance en 1962, il le considère à posteriori comme une évidence, comme une catharsis nécessaire non pas tant pour lui-même mais pour sa M’ma…

Kamel Daoud, déjà connu pour son franc parler journalistique au Quotidien d’Oran, évoque le mal-être de la société algérienne constamment à la recherche de son identité. La perméabilité de ses contemporains à l’islamisation rigoriste des esprits, l’inquiète au plus haut point.
Et puis il y a Meursault et plus tard Haroun aux comportements similaires jusque dans l'irrationnel : même quête identitaire, même acte irréfléchi, même absence de remords !

Par son style lumineux, par la gravité du propos sous forme de confession, “Meursault, contre-enquête” paru en 2013 est en symbiose avec son illustre aîné “L’étranger”.
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Ah ! Merci Kamel Daoud pour le soleil, pour l'écriture et pour Meursault qui, quelle que soit sa terre et quel que soit son nom, nous est livré ici avec un double héritage, traversant le XXe siècle et à la fois contemporain. On y décèle l'inaptitude des hommes à l'amour par le poids du destin mais aussi combien la disparition d'un des siens, fut-il mort, l'est parfois bien moins qu'un soi survivant. Et puis aussi comment est ostracisé le jugement, selon que l'attention est portée sur telle ou telle permanence de l'actualité ou sur le sens du détail dans un contexte donné. J'ai beaucoup apprécié cette lecture dont le contenu est au moins aussi fort que l'oeuvre avec laquelle elle fait sens et se réfère. Meursault, contre enquête...
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« Un français tue un arabe allongé sur une plage déserte. Il est quatorze heures, c'est l'été 1942. Cinq coups de feu suivis d'un procès. L'assassin est condamné à mort pour avoir mal enterré sa mère et avoir parlé d'elle avec une trop grande indifférence. Techniquement, le meurtre est dû au soleil où à de l'oisiveté pure. […] Tout le reste n'est que fioritures, dues au génie de ton écrivain. Ensuite, personne ne s'inquiète de l'arabe, de sa famille, de son peuple. A sa sortie de prison, l'assassin écrit un livre qui devient célèbre où il raconte comment il a tenu tête à son Dieu, à un prêtre et à l'absurde. Tu peux retourner cette histoire dans tous les sens, elle ne tient pas la route. »

Un vieil homme se confesse dans un bar d'Oran. Dans un long monologue proféré à un prétendu universitaire, il raconte celui qui, pour tous, a toujours été « l'arabe », et rien d'autre. Une victime innocente, tuée sur une plage. Une victime qui n'était autre que son frère, Moussa : « celui qui a été assassiné est mon frère. Il n'en reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre des condoléances que jamais personne ne me présentera. » Haroun n'avait que sept ans à l'époque. Il ne sait pas vraiment ce qu'il s'est passé ce jour-là. Alors il extrapole, il digresse et revient sur son enfance, sur cette mère assoiffée de vengeance qui l'a toujours traité comme un moins que rien. Sur le meurtre qu'il commettra lui-même vingt ans plus tard, en 1962, au moment de l'indépendance. Un meurtre gratuit, contre un français.


Tout cela a bien entendu à voir avec « L'étranger » et sonne comme une réponse à ce dernier. Pourtant, jamais le nom de Camus n'est cité. le livre est attribué à Meursault, qui l'aurait écrit lui-même en sortant de prison. Comme s'il s'agissait d'un véritable fait divers, comme si la réalité rejoignait la fiction. Les correspondances entre cette contre-enquête et « L'étranger » sont nombreuses et l'on peut dire que Daoud écrit contre Camus, collé tout contre lui. L'effet miroir est saisissant : son « héros » a un problème avec sa mère, son héros tue sans véritable raison un français, son héros voit sa solitude fugitivement brisée par une figure féminine, son héros hait le religion et le crie bien fort.

Ce ne pourrait être qu'un exercice de style, c'est bien plus ambitieux. Peut-être trop d'ailleurs. J'avoue que je suis resté sur ma faim. L'idée d'exploiter la figure de la victime anonyme, cet angle mort du roman de Camus, ce « hors champ », était intéressante, mais j'aurais préféré découvrir vraiment la vie de cette victime plutôt que celle de son frère. Je m'attendais à découvrir cette histoire-là, je ne sais pas pourquoi. du coup, le monologue décousu du narrateur sur sa propre existence, sa volonté, inconsciente ou pas, de créer le parallèle avec le personnage de Meursault m'a laissé quelque peu indifférent. Pas vraiment une déception, j'admire la façon dont le sujet a été traité, mais ce n'est pas celui que j'aurais aimé découvrir.


Dernière précision qui a son importance, je trouve l'écriture de Kamel Daoud très belle, oscillant sans cesse entre colère sourde et envolées pleines d'exaltation : « Une langue se boit et se parle, et un jour elle vous possède ; alors elle prend l'habitude de saisir les choses à votre place, elle s'empare de la bouche comme le fait le couple dans le baiser vorace ».

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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C'EST LA FAUTE A MEURSAULT.
C'est lui qui a tiré cinq balles dans le corps de l'Arabe. C'est lui le Premier Homme. On sait beaucoup de choses sur le roumi, sur l'Etranger, sur ce Meursault qui a tué un Arabe mais que les autorités condamnent parce qu'il n'a éprouvé aucun chagrin lors de l'enterrement de sa mère. Quelle ironie ! Quelle absurdité !

Qui c'est cet Arabe ? A part son bleu de chauffe et ses espadrilles, que sait-on de lui ? Rien.

Le frère du défunt a décidé de lui donner un nom et de lui fabriquer une existence, de lui façonner une fausse biographie en quelque sorte. C'est ainsi qu'Haroun commence à raconter l'histoire de son frère Moussa à un étudiant en mal de thèse ; ça s'est passé au cours de l'Eté 42, sur une plage d'Alger, à 14h. Il faisait chaud, Meursault se promenait avec des amis quand, tout à coup, il a abattu un Arable qui venait dans sa direction.

Haroun est vieux à présent. Il est l'Homme révolté, le frustré qui sa vie durant a été le frère du mort du livre. En 1962, en août, la nuit, Haroun tue un rôdeur, un Français qui s'approchait par trop de la maison qu'il occupait avec sa mère. Il est arrêté et interrogé. S'il avait tué le Français avant le 5 août, il serait un héros mais là, après l'Indépendance, c'est juste un meurtrier. Malgré cela Haroun est libéré sans explication alors qu'il voulait être condamné. C'est un Malentendu, une ironie, une absurdité ! Comment prendre la vie au sérieux ensuite.

Kamel Daoud a eu cette idée généreuse de donner une identité à l'Arabe de Camus et de raconter son pays meurtri par la colonisation. A travers Haroun, il tente de reconstituer le crime, les mobiles, les pans d'ombre tout en imprégnant son monologue de son point de vue d'Algérien d'aujourd'hui. C'est l'Endroit et l'Envers de la même histoire. La Chute n'en sera pas une finalement. Pas de fin, pas d'aboutissement tel le Mythe de Sisyphe. Quelqu'un peut-être prendra la relève ?

Ecriture superbe, hommage à Camus. Idée superbe pour un mensonge sublime et une concordance magique avec la vie de son héros Haroun.

A recommander sans modération.
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Après la lecture de « l'Etranger », je voulais découvrir le roman de Kamel Daoud qui propose lecture alternative de l'histoire de Meursault. Une lecture à la fois complémentaire mais aussi différente puisqu'elle ne se focalise pas sur Meursault mais sur un autre personnage central : "l'arabe"

En effet, l'une des nombreuses interrogations que l'on peut avoir après lecture de « l'Etranger » est pourquoi nous n'avons que si peu d'éléments sur ce personnage qui d'une certaine manière prend de la place dans le roman et va être celui qui amènera la chute de Meursault ?

Kamel Daoud, à travers Haroun (un vieil homme abimé par la vie) va nous donner sa version des faits et réhabiliter "l'arabe" en lui donnant une identité ainsi qu'une histoire.

Haroun n'est autre que le frère cadet de Moussa (dit l'arabe) et c'est dans un bar qu'il va nous interpeller directement pour nous parler de cette histoire qui deviendra le drame de sa vie ainsi que de celui de sa mère.

Ce que j'ai apprécié dans ce roman c'est le culot de l'auteur et sa juste analyse de la condition humaine. Il ouvre le livre par « aujourd'hui M'ma est encore vivante », référence directe à la célèbre phrase prononcée par Meursault dans « l'Etranger ».

Le ton est donné…

Kamel Daoud veut livrer une histoire qui viendra avec audace se faire le miroir de l'oeuvre de Camus. Nous retrouvons d'ailleurs de nombreuses références à « l'Etranger » que ce soit par le biais d'extraits du livre ou de clins d'oeil à l'histoire ainsi qu'aux personnages. de plus, l'auteur a voulu que son roman soit constitué du même nombre de signes que celui de Camus, comme pour indiquer que son livre est le faux jumeau de « l'Etranger ».

Avec « Meursault, contre-enquête », Kamel Daoud nous permet de boucler cette fameuse boucle manquante de « l'étranger » et de rendre un brillant hommage à Camus ainsi qu'à la langue française.

A lire !
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Voici un texte court, dense, lumineux par la langue, à l'écriture sublime, à la fois riche et sobre, un défi?, une sorte de lettre? oú l'auteur Kamel Daoud, journaliste algérien donne la parole au frère de l'arabe assassiné par Meursault, un vieil homme qui rumine sa solitude et sa colére....
C'est un écho indispensable à l'Etranger d'Albert Camus.....un hommage superbe par le style mais ambigu.....
Cet ouvrage interroge l'identité, la nationalité, la richesse de la littérature, il traduit surtout la complexité des héritages du passé, doubles?faux semblants?réflexion aussi sur l'humiliation et l'injustice de la colonisation, l'impossibilité de rompre avec la France et sa culture, le besoin et la vanité de la revanche, enfin une vision désabusée et désarmée face à l'Algérie Contemporaine.....
J'ai été touchée surtout par la beauté de la langue.....

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Quel bonheur de lire ce livre ! C'est d'une finesse et d'une intelligence rare. J'ai été éblouie. Encore une fois… ce soleil des mots et ce sel de la vie, des décennies plus tard hommage à Camus, c'est beau. J'ai été étourdie, soufflée par des phrases sublimes, par une histoire mise en perspective avec brio, par la sensibilité d'un arabe perdu dans un abîme de mort. A-t-il existé lui aussi ou n'était-il que le reflet d'un songe ? Un reflet jumeau issu d'une fulgurance d'un auteur qui draine une histoire de l'Algérie meurtrie, d'un fils mort et d'un vivant illusion d'un monde perdu. Toujours la même solitude, un être créé par Kamel Daoud qui a trouvé les mots, les sentiments les plus appropriés pour parler -cette après-midi à quatorze heures soleil tapant- de son frère Meursault.
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Kamel Daoud écrit une suite à "l'Etranger" d'Albert Camus. dans lequel on voit Meursault assassiner un Arabe sur la plage.
Dans le roman, nous faisons connaissance avec Haroun, le frère de l'Arabe et de sa mère qui ne fera jamais le deuil de son fils.
Etrangement, Kamel Daoud nous présente les faits comme s'ils étaient réels et à travers Haroun, il invente une identité à l'Arabe qui porte le nom de Moussa. Pour Haroun, il est anormal de ne pas avoir donné plus d'importance au mort dans le livre.
Tout au long des pages et surtout dans la dernière partie, Haroun vivra les mêmes évènements que Meursault mais il va devenir un redresseur de torts et se détruire lui-même. Ce drame a habité toute sa vie avec l'aide sa mère qui se complaît dans un deuil malsain ( expression de l'auteur).
En marge du récit, on vit aussi la haine qui existait avant l'indépendance entre les "colons" et les Arabes.
On perçoit aussi le malaise que ressent l'auteur envers la société dans laquelle il doit vivre à Oran, les interdits et c'est sûrement cela qui lui a valu une fatwa de la part d'un imam.
Haroun est le narrateur, il parle à la première personne.
Le tutoiement qui apparaît souvent est étonnant, il s'adresse au lecteur de Camus et à son lecteur. C'est tout à fait questionnant, j'ai d'abord pensé qu'il s'agissait de Camus puis de Meursault et j'ai petit à petit compris.
L'écriture est très belle, j'ai relevé de nombreux passages sur le chemin de ma lecture.


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Kamel Daoud dit que son idée est des plus simples: réécrire l'Etranger du point de vue de la victime et non plus de celui de l'assassin. L'idée est peut être simple, la réalisation moins.

Le premier écueil est de devoir confronter son style à celui de Camus. Concision, clarté du propos, intelligence, profondeur mélangées, le défi est de taille. Il est pour moi brillamment réussi par Daoud, je pourrais citer une phrase clé à chaque page, où la beauté de la langue n'est pas qu'un artifice mais sert le propos comme l'histoire.

Le second est de ne réaliser "que" un pastiche de Camus. Ce n'est pas du tout le cas ici, il s'agit plutôt d'un hommage (les références à d'autres oeuvres sont nombreuses mais subtiles). Et l'auteur n'oublie pas de développer sa propre histoire parallèle, de donner chair et présence à ses personnages. Les trouvailles narratives pour s'éloigner puis rejoindre le roman d'origine sont nombreuses et souvent jouissives.

Une fois passé les écueils, Daoud n'oublie pas non plus de se servir de l'oeuvre pour faire passer ses messages, sans gros sabots mais sans se cacher non plus, ce qui lui a d'ailleurs valu les foudres des autorités religieuses par ses prises de position pour le moins courageuses.

Il faut donc plutôt bien connaitre Camus et son oeuvre (l'Étranger en tout cas au minimum) pour pleinement apprécier toutes les richesses de ce livre. Mais ce qui en fait pour moi un roman singulier et indispensable, c'est aussi toutes ses autres dimensions.
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Il est le frère de ‘'l'Arabe'' tué par un certain Meursault dont le crime est relaté dans un célèbre roman du XXème siècle. Soixante dix ans après les faits, Haroun, qui depuis l'enfance a vécu dans l'ombre et le souvenir de l'absent, ne se résigne pas à laisser celui-ci dans l'anonymat : il redonne un nom et une histoire à Moussa, mort par hasard sur une plage trop ensoleillée.

Soixante douze années, c'est le temps nécessaire à ‘'l'Arabe'' de Camus pour retrouver un état civil et une famille. Et ceci grâce au livre de Kamel Daoud qui a eu l'audace et le talent d'offrir aux lecteurs un livre dont le titre résume pleinement l'ambition. Ce très beau texte servi par une écriture irréprochable prolonge le roman de Camus d'une manière saisissante.
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