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Critique de karmax211


Un grand cru, un millésime Dard dont vous nêtes pas près d'oublier les arômes de glaise, d'argile, de brume, de jalousie, de fiel, de chair, de sueurs, de boue, de sang et d'arsenic...
Le père de San Antonio nous offre un séjour hivernal et poisseux dans une province " bovarienne " auréolée des senteurs rances et des ombres fantomales qui se glissent dans la peau de personnages au réalisme confondant.
J'ai mentionné Flaubert mais j'aurais pu évoquer Zola, Verga, Renoir et pourquoi pas un certain Simenon...
L'auteur nous fait vivre 190 pages d'une lecture noire, très noire.
Une lecture au cours de laquelle il nous montre à quel point est dérisoire l'illusion insensée que l'homme a de sa vie et de son contrôle face à l'implacabilité du destin.

Blaise Delange, célibataire de trente ans sans emploi, fraîchement débarqué du Maroc où il a tenté de faire fortune auprès d'un aigrefin, se retrouve devant une cabine téléphonique d'un bureau postal d'un " bled qui ressemble à une Toussaint pluvieuse ", attendant de pouvoir informer son ami Fargeot à Paris que l'emploi pour lequel il était venu postuler dans ce trou à rats était déjà pris.
Il s'impatiente.
Depuis dix minutes, derrière les vitres dépolies de la cabine, ue silhouette de femme... bavarde... l'excède.
Lorsqu'elle sort enfin, son regard croise celui d'une belle jeune femme blonde, aux grands yeux bleus, fagotée provinciale...
Dans la cabine, outre le téléphone... qui est à sa place... il y a un portefeuille en croco qui, lui, n'est pas à la sienne ; un portefeuille et les effluves d'un parfum de femme...
Il ramasse le portefeuille et le garde.
Avant de reprendre son train pour Paris, sa curiosité prend le dessus.
Il fouille l'objet trouvé.
Il contient huit mille francs... une aubaine pour ce chômeur...
Il y a également deux photos : celle de la jolie blonde et celle d'un jeune homme.
Le souvenir de ses beaux yeux bleus et celui de son parfum l'emportent sur l'appât d'un gain malhonnête.
Tout en rebroussant chemin pour essayer de la retrouver pour lui restituer son bien et la revoir, il met à l'abri dans son manteau la photo du jeune homme...
Renseignements pris, la jeune beauté se nomme Germaine Castain.
Elle est l'épouse d'Achille Castain directeur des pompes funèbres du petit bourg, " un vieux rat malade " de vingt-cinq ans son aîné.
La méfiance première du "vieux petit rat " cède la place à un vif intérêt pour cet homme honnête ; le vivant au teint cireux offre une place d'assistant à Blaise qui, plus attiré par Germaine que par l'offre d'emploi, accepte de devenir croque-mort pour les beaux yeux d'une jeune femme mal mariée, adultérine... il l'a d'emblée compris ... ; Cupidon vient d'avoir raison de sa raison.
La passion va unir ces deux êtres séparés un temps par un jeune amant " profiteur " et un vieux mari pingre, violent et aigri par des sucs gastriques de plus en plus amers.
Comment vivre leur amour lorsque celui-ci est entravé par des indésirés que personne ne viendrait à regretter si soudain ils disparaissaient ?
Le crime parfait semble exister jusqu'au moment où l'on est acculé à s'avouer que " brusquement j'avais peur de la justice... Pas de celle des hommes, non ; celle-là est à notre mesure. Mais d'une autre, plus implacable... Plus infaillible... Plus immanente ! "

Voyage au bout de la nuit : un aller sans retour pour l'enfer ! Suspense, horreur, frissons sont au rendez-vous de ce polar minuté comme un coucou suisse. Une machine infernale bricolée par un écrivain génial, sondeur d'âmes, maître plume au sens de la formule incomparable.
Un Jim Thompson au sommet de son art, mais made in France... dont je vous recommande - le pain des fossoyeurs -, un pain noir que l'on dévore à grandes bouchées croquantes et sans temps morts.
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