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Critique de Sallyrose


La narratrice écrit ce texte alors qu'elle est en situation d'urgence. Elle ressent le besoin de coucher sur le papier l'expérience qu'elle vit depuis plusieurs mois. le lecteur sent que c'est difficile, elle semble en danger et dans l'incapacité physique et intellectuelle de mener son projet à bien.
C'est que la narratrice est en phase d'évolution vers l'état de cochon, de porc, de truie.
C'est sur un ton a priori naïf qu'elle nous raconte la progression de sa transformation.
Le thème essentiel de ce court roman est la condition féminine. L'autrice en passe toutes les facettes au crible : le corps de la femme ne lui appartient pas, il est la cible des hommes qui se transforment en prédateurs. Cela s'exprime tant dans le monde du travail que dans le domaine privé. La femme existe pour donner du plaisir aux hommes et assurer leur confort domestique. Marie Darrieussecq évoque la dépendance financière, l'interdiction d'avoir du plaisir sexuel, la maltraitance gynécologique, l'hostilité sociétale à l'avortement, etc. (je ne vais quand même pas tout vous raconter).
Alors qu'elle devient ce que l'on a fait d'elle, une cochonne, la narratrice explore des mondes interdits et décrit l'harmonie à se sentir au diapason de son corps.
Vous avez compris, ce roman est tout sauf un truisme, il est un pavé dans la mare, écrit au milieu des années 1990, bien avant la révolte Metoo et les revendications féministes actuelles.
Mais Marie Darrieussecq ne s'arrête pas là. Elle place son héroïne dans une temporalité de science-fiction ( ??), celle de la prise de pouvoir de l'extrême droite et de la mise en place d'une dictature visant notamment à se débarrasser des minorités. La violence et la négligence faites à la nature n'échappent pas à sa vision globale du 3e millénaire.
Bien que publié au rayon littérature blanche, ce roman est une vraie dystopie, permettant à l'autrice de taper fort sur un monde pas si imaginaire que ça.
Le titre dit tout par son inverse : distorsion de la vérité, fondamentalité du propos, cynisme assumé par la voix ingénue de son personnage. On notera également un magnifique jeu de mots (ça y est, vous l'avez ?).
Ce livre fourmille de trouvailles sous forme d'analogies, chaque mot compte dans ces quelques 160 pages que le lecteur reçoit en pleine face tel un uppercut.
Marie Darrieussecq brosse le portrait décadent de notre société et par contraste avec la candeur de la narratrice, le propos est glaçant. D'autant plus que 25 ans après la parution, le roman est d'une terrible actualité, la réalité s'approchant dangereusement de sa fiction.
Je vous fais la grâce de vous épargner le paragraphe sur le style de l'autrice qui est impeccable, incisif, ciselé et percutant.
C'est un roman d'une intelligence féroce, d'une grande richesse, j'ai pleuré de rire, à moins que ce ne soit de consternation devant une analyse aussi fine du devenir pathétique de notre société.
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