Alexandre entra dans ma vie comme une boule de feu par la fenêtre d'un couvent. Il portait une veste framboise, un nœud papillon noir et des bretelles brodées d'oiseaux. Je marchais rue de Crussol quand sa beauté m'empêcha de passer. La nuit tombait mais nos sourires étaient si jeunes que nous nous reconnûmes comme si nous avions couché ensemble au paradis. Chacun ayant flairé en l'autre la part divine qui lui manquait, nous détonâmes comme la poudre. La première fois, dans le couloir à l'odeur d'ammoniaque de la ménagerie, le gitan me roula un baiser de tigre royal. Sa veste rouge avait la divine puanteur des bêtes.
Au second rendez-vous, il ôta de sa main pensive aux ongles rongés le diamant multicolore qu'il portait et me le donna.
J' entrai en poésie comme on passe une frontière sans savoir qu'on ne reverra pas son pays.
Les Rimbaud avaient un fabuleux art de vivre. Mangeant dans du vermeil, rotant dans du cristal de Bohême, ils faisaient de leur table un autel, sanctifiant le soleil d'un poulet à la crème. Les noces de ces montreurs d'ours avec la fortune engendraient une esthétique édénique.
Alexandre entra dans ma vie comme une boule de feu par la fenêtre d'un couvent. Il portait une veste framboise, un nœud papillon noir et des bretelles brodées d'oiseaux. Je marchais rue de Crussol quand sa beauté m'empêcha de passer. (...)
Chacun flairant en l'autre la part divine qui lui manquait nous détonâmes comme la poudre.
Poussant la porte ruisselante de miroirs, j'entrai dans le Palais des illettrés. Rivés au mur dans un cadre vieil or, les sombres têtes de penseurs cravatés des quatre frères Rimbaud toisaient la clientèle crédule. La dompteuse milliardaire éclatait de sang comme une publicité pour la vie. Derrière sa caisse en acajou, une vieille manouche au regard de loucheuse faisait craquer les billets entre ses mains crépitantes de diamants. Les badauds piétinaient dans la boue bleue du rêve. Plus prestigieuse qu'un absolu de parfumeur, l'âcre odeur d'urine et de citronnelle me déniaisa. Des rugissements d'hommes illuminaient le coeur des filles. Dans les coulisses les gitans paradaient avec la désinvolture de dieux incultes.