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Critique de HundredDreams


Je participe depuis quelques années à plusieurs challenges Babelio, plus par défi personnel plus que par goût de la compétition, mais également parce qu'on y fait de belles rencontres avec les livres et les lecteurs. Ils me permettent somme toute de sortir de ma zone de confort, de diversifier mes lectures en allant vers des genres littéraires qui ne m'attirent pas toujours.

Tout le monde connaît le roman de Lewis Carroll, mais qui l'a vraiment lu ?
Sans en faire partie une de mes priorités, j'avais envie depuis longtemps de le découvrir et comme il me permettait de valider plusieurs challenges en même temps, j'ai trouvé que c'était l'occasion ou jamais de le lire.

Peut-être, vous demandez-vous quels items j'ai pu valider avec cette lecture ? C'est intéressant car on apprend beaucoup sur les livres et leurs auteurs à essayer de compléter chaque case des défis.
Il faut savoir qu'« Alice au pays des merveilles » a été censuré en Chine en 1931 car il était indécent à l'époque de faire parler des animaux. Ce roman a été écrit avant 1900, plus exactement en 1865. Il a été adapté au cinéma et a reçu l'oscar de la meilleure création de costumes.
Voici les trois items que je vais pouvoir valider et ce sont, entres autres, les raisons qui ont motivé mon choix.

Deux dernières raisons et non des moindres s'ajoutent : la magnifique édition de Benjamin Lacombe m'attirée beaucoup et j'avais envie de découvrir ce texte en même temps que mes élèves.

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Qui n'a jamais eu envie de suivre le lapin blanc affairé avec sa montre de gousset ? de se glisser dans le terrier à sa suite et de pénétrer dans l'extraordinaire pays des Merveilles ?

C'est ce beau voyage que j'ai entrepris avec ma classe, une expérience de lecture qui comporte sa part de rêve, de magie et bien sûr, de questionnements.
Dans les rêves, tout peut arriver : les animaux peuvent être anthropomorphiser, parler, porter des habits, avoir des émotions, des sentiments. Les petites filles comme Alice peuvent parler sans contraintes, librement, sans la barrière de l'éducation et des bonnes manières.
Ainsi, le rêve devient un miroir de l'imagination et de la fantaisie débridée de l'enfant. le pays des Merveilles devient un monde singulier, étrange, saugrenu, fantasque et fou.

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L'univers féérique et merveilleux a tout de suite plu aux enfants. Ils étaient impatients de partir à la rencontre des nombreux personnages de ce récit, le lapin blanc empressé, le chat du Cheshire, le Chapelier Fou et son éternel goûter avec le Lièvre de Mars, la Chenille bleue fumant tranquillement sur le chapeau d'un champignon, la reine de coeur coupeuse de têtes.
Ils ont aimé leur folie, leur extravagance.
Ils se sont vite identifiés à la jeune Alice.

S'ils avaient en mémoire les images du film d'animation de Walt Disney, la lecture du texte accompagnée des illustrations de Benjamin Lacombe leur a permis de saisir ce que le dessin animé a occulté. En effet, il reprend le récit de Lewis Carroll, mais de manière plus enfantine, plus simple, moins philosophique, illustrant un monde coloré, certes décalé, mais joyeux et amusant.

Ils ont ri devant les tentatives maladroites d'Alice pour ne pas se mettre à dos les habitants du pays des Merveilles. Ils ont repéré le côté très sage, policé d'Alice, mais aussi sa tendance à se rebeller, à dire ce qu'elle pense, jusqu'à être parfois insolente, voire énervante.
Ainsi, on a pu mettre le doigt sur l'ironie et l'absurdité de ses dialogues, l'univers plus angoissant et sombre que dans le dessin animé.

Donc beaucoup de qualités à ce texte, mais ils ont également trouvé le texte difficile à comprendre : l'univers du non-sens, les réflexions philosophiques ont demandé de longs moments d'échanges.

Une autre difficulté qu'ont éprouvé les enfants, ce sont le langage soutenu et les jeux de mots, complexifiés par, je pense, les difficultés de traduction.

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Très rapidement, je me suis rendue compte qu'il y avait plusieurs niveaux de lecture.
Si ce conte est destiné au départ aux enfants, il y a une profondeur dans les idées qu'apprécieront les adultes. En effet, sur le ton humoristique et malicieux, l'auteur décrit un monde étrange, à la fois réaliste et fantaisiste, onirique et surréaliste, absurde et fou. Se cache derrière cet univers irrationnel et transposé, une satire amusante de la société de l'époque.

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Le récit d'Alice est souvent considéré comme un récit initiatique. La petite fille ne cesse, tout au long de son rêve, de se transformer, de grandir et de rapetisser, cherchant avec ténacité la taille idéale pour franchir tous les obstacles qui entravent son parcours. Face à la chenille, Alice ne sait pas (ou plus) qui elle est. C'est donc un roman qui parle avant tout de l'identité, du passage de l'enfance à l'âge adulte, de la peur de grandir.

Mais Alice, face à la parole de l'adulte, veut garder son libre-arbitre et son âme d'enfant sans pour autant cesser de grandir. le monde des Merveilles apparaît bien souvent illogique à travers les yeux d'Alice, ses règles et ses lois manquant de sens, l'attitude de ses habitants étrange, grotesque ou insensée. En cela, l'auteur explore les thèmes de l'absurdité, de la logique et de la raison.

Cependant, l'auteur encourage la liberté de pensée, l'imagination et la curiosité en créant une héroïne rêveuse, spontanée, mutine, intelligente, réfléchie. Alice fait preuve d'une certaine indépendance, de beaucoup de sagesse pour son âge, de maturité et d'une grande force intérieure. Elle ne se laisse pas influencer par les autres et veut continuer à s'émerveiller, s'étonner, rêver, loin de la folie du monde des adultes, mettant ainsi en avant le pouvoir de l'imagination, des songes et de l'innocence.

Un autre thème est central dans l'oeuvre d'Alice au pays des Merveilles : c'est celui du temps qui passe avec le lapin blanc toujours en retard, et le chapelier prenant éternellement le thé.

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Je dois avouer que l'objet-album est incroyable.
Benjamin Lacombe a choisi la traduction d'Henri Parisot pour illustrer le pays des Merveilles, en raison de son atmosphère surréaliste.

Ses illustrations se réapproprient le monde enchanteur de Lewis Carroll, apportant sa vision du monde d'Alice. Elles magnifient ce grand classique de la littérature anglaise, l'embellissant d'un univers visuel baroque, victorien avec une profusion de détails et de couleurs, rehaussant l'impression de fantaisie et d'onirisme.

L'illustrateur a mis beaucoup de mouvement dans ses dessins. Il a également choisi plusieurs techniques pour être au plus près de ce qu'il voulait raconter, alternant l'encre de chine, le Posca, la gouache, l'huile ou l'aquarelle.
J'ai noté également que les illustrations, la typographie s'amusaient avec le texte, s'adaptant à une Alice qui grandit et rapetisse. Les images se déploient parfois sur quatre pages, se dépliant à l'aide de rabats pour offrir une dimension totalement immersive.

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Pour conclure, « Alice au pays des Merveilles » est à un carrefour entre deux mondes, celui rassurant de l'enfance et celui angoissant des adultes. Face à son enfance perdue, Alice se cherche et avance, emplie d'angoisse et de peur.

Ce livre est souvent considéré comme un classique de la littérature de jeunesse parce qu'il a été écrit au départ pour des enfants. Mais son côté fantastique, ses personnages loufoques et bizarres, l'innocence du monde de l'enfance ne peuvent pas cacher bien longtemps la complexité des thèmes abordés et la multiplicité des interprétations possibles.

Un grand classique à découvrir.
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