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Critique de Zazette97


Publié en 2010, "La mer Noire" est le second roman, après " Tout ira bien", de l'écrivaine française d'origine géorgienne Kéthévane Davrichewy.

Pour célébrer les 90 ans de Tamouna, toute sa famille est venue la retrouver dans son petit appartement parisien.
Mais celui qu'elle attend le plus, c'est Tamaz, son amour de jeunesse rencontré là-bas, en Géorgie.
A mesure que la journée s'écoule, Tamouna se souvient de sa terre natale, quittée à contre-coeur sous l'impulsion de son père qui prit soin de faire évacuer toute la famille en France avant de retourner défendre l'indépendance du pays et finalement tomber sous les balles bolchéviques.

L'adolescente âgée de 15 ans à l'époque nous retrace un parcours qui passe d'abord par Leuville, où elle, sa mère et ses soeurs s'installeront avec d'autres émigrés, puis par Paris où, rejointe par ses oncles, tantes et cousines, elle assiste à la création de la crèmerie familiale tout en poursuivant des études.
Tamouna ne cesse de songer à Tamaz, ce jeune homme rencontré au pays juste avant le grand départ. Elle lui écrit tout en sachant que les chances de le revoir sont minimes.
Ses lettres évoquent la douleur du deuil d'un père longtemps porté disparu avant d'être déclaré mort, le déracinement, les difficultés de l'intégration et l'espoir de pouvoir un jour rentrer au pays devenu libre.
Elles dévoilent la solitude née d'un amour sans cesse empêché par la distance, mais ravivé par les souvenirs d'une adolescente qui attendait et qui, arrivée à l'hiver de sa vie, attend toujours le seul qui ait réussi à la toucher.

C'est à partir des lettres de Tamouna à Tamaz (soit à la moitié du récit) que je suis réellement parvenue à entrer dans ce roman.
Avant cela, j'ai bien cru que j'allais rester sur le rivage à contempler de loin cette mer noire qui ne réussissait pas à m'emporter.
Dans mes notes, j'avais même utilisé l'adjectif "constipée" pour qualifier cette écriture sèche et toute en retenue, à l'image même de cette femme cloîtrée chez elle par une insuffisance respiratoire et plus encore par son affection des habitudes, une sorte de fantôme laconique et incapable du moindre geste tendre envers ses proches.
Un personnage d'apparence stricte qui m'a d'ailleurs beaucoup rappelé "Femme du monde" de Didier Goupil.
En tant que lectrice, j'avais la désagréable impression de devoir lui tirer les vers du nez pour lui faire cracher le morceau et la percer à jour.

Ensuite, le vent a tourné. La mise à distance s'est prolongée mais, heureusement, sous une autre forme.
Tamouna est entourée de sa famille pour fêter son anniversaire mais l'on sent bien que son esprit vogue ailleurs, tourné vers ce passé qui la ramène à Tamaz, à leurs chemins de vie respectifs et à la question de savoir si elle le retrouvera enfin après tant d'années.
Je me suis alors surprise à partager son émoi mêlé à l'appréhension des retrouvailles, à espérer comme elle que la vie leur accorde enfin à tous deux cette chance ultime de pouvoir être heureux. Mais l'amour sera-t-il au rendez-vous ?

Comme je l'avais constaté pour "La Boucherie des amants" qui prenait place au Chili et bien que l'auteure ait utilisé son histoire familiale comme matériau pour ce roman, "La mer Noire" ne vous éclairera pas sur les événements qui se sont déroulés en Géorgie.
L'histoire de cet exil pourrait d'ailleurs être transposée dans n'importe quel pays en guerre obligeant ses habitants à fuir.
Au delà de cette thématique de l'exil, "La mer Noire" offre un bel exemple du pouvoir évocateur de la mémoire, voyage et refuge d'une femme déracinée, irrésolue au deuil de son pays, de son amour, de son passé.

Si j'ai eu un peu de mal à apprivoiser les phrases courtes et le ton détaché de ce roman, je ne regrette pas d'avoir persévéré car, passé la première moitié, il m'est apparu sous un tout autre jour.
Ca vaut le coup d'essayer, non ? :)
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
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