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Critique de isanne


C'est un livre de réponses. Un livre dans les pages duquel, on aurait effacé les questions, une livre d'un entretien qui devient monologue, qui tend vers la plaidoirie, souffle vers la méditation, pour presque atteindre une forme enfouie de supplique que le lecteur s'appropriera...ou pas.

Pas besoin des questions, car elles sont implicites, elles cheminent dans l'esprit tandis que celui qui lit découvre la "réponse" et les questions tues se métamorphosent, se ramifient et deviennent, en se faisant autres, celles que se pose désormais le lecteur.


Au fil des phrases, se déploie l'essence - ou ce qu'il consent à nous en partager - de "l'homme" Erri de Luca, des sujets qui sont sa charpente, des causes à défendre qui sont les battements de son coeur, des passions qui sont sa respiration.
La guerre et ses ravages, ses causes souvent incompréhensibles et surtout indéfendables. L'enfance, terreau de l'homme en devenir - laissera-t-il les mauvaises herbes l'envahir ou cultivera-t-il cette harmonie de sauvage qui est richesse et éternité de floraison ? -, l'enfance napolitaine, l'évasion dans l'île de ses étés et son attrait pour la mer et ce qu'elle représente de possibilité de fuite, d'ailleurs, d'absence... La Révolution parce que l'égalité entre les hommes ne devrait pas être occultée, parce qu'elle devrait aller de soi pour chacun, parce qu'elle serait le ciment d'une vie en société riche et féconde, hommes occupés à oeuvrer pour le bien commun au lieu de s'entre-déchirer pour accroître divisions et rancoeurs. La filiation parce les fleurs s'ouvrent et refleurissent identiques et différentes, mais toujours porteuses des couleurs des idées quelles laissent s'éparpiller aux vents, nourriture des abeilles qui les emportent de loin en loin pour les partager et les propager. Les mots et leurs réceptacles, paroles ou livres, les écrits et ceux qui les travaillent, son attitude face à ce terreau des lettres pour dire les hommes et leurs faiblesses, ou encore le don de richesse possédé qu'ils nient...La religion ou davantage la langue hébraïque, le respect de l'homme pour ces Traditions et cette Culture, pour cette vie en communauté, pour cette attente brûlante de l'avènement d'un monde autre, un respect nourri de son athéisme en conscience qui renforce son objectivité et sa sincérité quand il partage les mots pour en parler. Et aussi, la montagne, ce lieu de dépassement, ce lieu de solitude, ce lieu qui peut tant révéler à celui qui s'y mesure, un peu comme l'existence et ses précipices ou ses hauteurs à atteindre, ses souffrances et ses illusions gagnées.
Et puis, d'autres sujets, encore, d'autres regards posés ici ou là pour nous donner à réfléchir de ce que nous acceptons si difficilement de contempler quand la plupart du temps, nous gardons les paupières closes...

Un tout petit livre - mais comme le dit l'écrivain, si vous trouver "trop peu", il en sera comblé, parce que l'écriture doit toujours être désirée, une fois le livre refermé - à découvrir peut-être en exergue d'une rencontre avec les romans ou autre récits d'Erri de Luca, ne serait-ce que pour y lire avec plus de facilité les messages que cachent virgules et points de suspension, paraboles et autres personnages dont on se demande où commence leur réalité, ou se mélange l'imaginaire de leur condition, où leur fragilité affleure leur force et leur courage.


Erri de Luca est l'un de ces très rares écrivains qui, au détour de quelques mots, d'une pages tournée, d'une phrase en suspens me fait plier et mettre genou en terre, fait ruisseler les larmes sur mes joues parce qu'il cueille le petit tout petit morceau d'âme encore intact qu'il me reste – ce terreau d'idées à façonner, prêt encore à être ensemencé - et que tout homme possède. Il detient les clefs rares pour ouvrir l'esprit et surtout rendre le regard que l'on tourne vers l'Autre ou vers ce qui nous entoure, nourri d'une acuité multiple et multipliée...

Si par ces quelques mots, j'ai pu vous donner envie de rencontrer ce Monsieur pour lequel j'ai un immense respect, j'aurai réussi moi aussi, dans le domaine des mots et des livres, ma "part de colibri" et j'en serai si heureuse...
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