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Danièle Valin (Traducteur)
EAN : 9782070767410
88 pages
Gallimard (03/03/2005)
3.96/5   13 notes
Résumé :

" Il ne reste que les réponses, dépouillées de l'invitation cordiale qui les a appelées au-dehors et qui en partie les justifie. Elles n'ont plus le prétexte d'un interlocuteur, leur voix est la voix attentive et vigilante de celui qui se décide à laisser un message sur un répondeur téléphonique. " Ainsi, Erri De Luca nous propose dans ce volume tout à fait singulier - car au départ ce fut un liv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
C'est un livre de réponses. Un livre dans les pages duquel, on aurait effacé les questions, une livre d'un entretien qui devient monologue, qui tend vers la plaidoirie, souffle vers la méditation, pour presque atteindre une forme enfouie de supplique que le lecteur s'appropriera...ou pas.

Pas besoin des questions, car elles sont implicites, elles cheminent dans l'esprit tandis que celui qui lit découvre la "réponse" et les questions tues se métamorphosent, se ramifient et deviennent, en se faisant autres, celles que se pose désormais le lecteur.


Au fil des phrases, se déploie l'essence - ou ce qu'il consent à nous en partager - de "l'homme" Erri de Luca, des sujets qui sont sa charpente, des causes à défendre qui sont les battements de son coeur, des passions qui sont sa respiration.
La guerre et ses ravages, ses causes souvent incompréhensibles et surtout indéfendables. L'enfance, terreau de l'homme en devenir - laissera-t-il les mauvaises herbes l'envahir ou cultivera-t-il cette harmonie de sauvage qui est richesse et éternité de floraison ? -, l'enfance napolitaine, l'évasion dans l'île de ses étés et son attrait pour la mer et ce qu'elle représente de possibilité de fuite, d'ailleurs, d'absence... La Révolution parce que l'égalité entre les hommes ne devrait pas être occultée, parce qu'elle devrait aller de soi pour chacun, parce qu'elle serait le ciment d'une vie en société riche et féconde, hommes occupés à oeuvrer pour le bien commun au lieu de s'entre-déchirer pour accroître divisions et rancoeurs. La filiation parce les fleurs s'ouvrent et refleurissent identiques et différentes, mais toujours porteuses des couleurs des idées quelles laissent s'éparpiller aux vents, nourriture des abeilles qui les emportent de loin en loin pour les partager et les propager. Les mots et leurs réceptacles, paroles ou livres, les écrits et ceux qui les travaillent, son attitude face à ce terreau des lettres pour dire les hommes et leurs faiblesses, ou encore le don de richesse possédé qu'ils nient...La religion ou davantage la langue hébraïque, le respect de l'homme pour ces Traditions et cette Culture, pour cette vie en communauté, pour cette attente brûlante de l'avènement d'un monde autre, un respect nourri de son athéisme en conscience qui renforce son objectivité et sa sincérité quand il partage les mots pour en parler. Et aussi, la montagne, ce lieu de dépassement, ce lieu de solitude, ce lieu qui peut tant révéler à celui qui s'y mesure, un peu comme l'existence et ses précipices ou ses hauteurs à atteindre, ses souffrances et ses illusions gagnées.
Et puis, d'autres sujets, encore, d'autres regards posés ici ou là pour nous donner à réfléchir de ce que nous acceptons si difficilement de contempler quand la plupart du temps, nous gardons les paupières closes...

Un tout petit livre - mais comme le dit l'écrivain, si vous trouver "trop peu", il en sera comblé, parce que l'écriture doit toujours être désirée, une fois le livre refermé - à découvrir peut-être en exergue d'une rencontre avec les romans ou autre récits d'Erri de Luca, ne serait-ce que pour y lire avec plus de facilité les messages que cachent virgules et points de suspension, paraboles et autres personnages dont on se demande où commence leur réalité, ou se mélange l'imaginaire de leur condition, où leur fragilité affleure leur force et leur courage.


Erri de Luca est l'un de ces très rares écrivains qui, au détour de quelques mots, d'une pages tournée, d'une phrase en suspens me fait plier et mettre genou en terre, fait ruisseler les larmes sur mes joues parce qu'il cueille le petit tout petit morceau d'âme encore intact qu'il me reste – ce terreau d'idées à façonner, prêt encore à être ensemencé - et que tout homme possède. Il detient les clefs rares pour ouvrir l'esprit et surtout rendre le regard que l'on tourne vers l'Autre ou vers ce qui nous entoure, nourri d'une acuité multiple et multipliée...

Si par ces quelques mots, j'ai pu vous donner envie de rencontrer ce Monsieur pour lequel j'ai un immense respect, j'aurai réussi moi aussi, dans le domaine des mots et des livres, ma "part de colibri" et j'en serai si heureuse...
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La Feuille Volante n° 1237
Essais de réponseErri de Luca – Gallimard.
Traduit de l'italien par Danièle Valin.

C'est un livre assez singulier que celui-ci puisque, à l'origine il retrace des entretiens dont on aurait gommé les questions en y substituant certains passages de ses livres, pour ne retenir que les réponses. Il retrace bien le parcours d'un créateur littéraire puisque que, d'emblée l'auteur parle de ces voix qu'entend l'écrivain et auxquelles il doit impérativement être attentif sous peine de ne plus rien écrire. Elles sont sans doute semblables à celles de la terre qu'il entendait dans la maison paternelle construite en pierre de lave à Naples. C'était aussi ces voix qui venaient du large, de ce désert africain qui lui parvenaient sur les épaules du vent de mer. Il ne doit pas se contenter de les écouter, le plus souvent dans la quiétude du soir, mais y ajoute aussi la sienne, avec sa sensibilité sa culture parce qu'il n'est pas un écrivain sans origine, sans terre : pour lui c'est Naples. Il y naît par hasard, sans qu'il lui soit évidemment possible de choisir, mais il s'approprie cette ville meurtrie par la guerre qui est celle de son enfance, tout comme il prend possession aussi cette île d'Ischia toute proche, symbole pour lui de liberté et de vacances, adopte le mystérieux et chantant dialecte napolitaine.
Naître dans un port est toujours pour un écrivain, une invitation au voyage, au départ. Tous ne prennent pas la mer mais dans son sang coule un peu de son écume et le ressac gronde en lui qui lui inspire la révolte. Pour un italien, héritier des Romains qui se sont approprié la Méditerranée, il ne peut passer à côté de tous ceux qui l'ont célébrée et ne peut rester muet face au large, au vent et aux vagues. Même s'il y a du Kerouac, en lui, l'abandon de ses études, de sa famille et de cette ville, pour un destin de simple ouvrier, de travailleur manuel, révèle cette révolte intérieure, cette volonté de voir autre chose, au rythme de la liberté, des luttes sociales, de la rencontre avec les hommes démunis et meurtris par la guerre. Il admet « une dette de reconnaissance » vis à vis de tous ceux qui se sont révoltés à un moment de leur vie. Il a été chauffeur de camions à Mostar du temps de la guerre en ex-Yougoslavie et dans cette fonction humanitaire il a vu des gens mourir de faim et mourir pour un simple morceau de pain. On sent qu'il porte sur l'humanité un regard triste de témoin impuissant face à la détresse, à la violence et à la guerre.
Être écrivain c'est aussi avoir la modestie de lire les auteurs, de se nourrir de leur culture, de leur talent, de leur inspiration. Pour lui la bibliothèque paternelle, bâtie par quelqu'un qui était curieux de tout, a été une fenêtre sur le monde, une extraordinaire invitation à la connaissance. L'envie d'écrire, comme une nécessité, comme un automatisme qu'on porte en soi et qui se révèle, est née de cette enfance solitaire. Plus tard la patience ( il parle de « l'infinie patience d'une feuille de papier »), la chance aussi, ont favorisé ce talent et l'ont développé mais ce que je retiens plus volontiers c'est cette humilité, cette volonté de ne pas se draper dans la superbe de celui qui est différent des autres, de l'intellectuel, mais de reconnaître que l'inspiration est étrangère à sa personne, ce qui fait de lui, de son propre aveu, non un véritable écrivain mais un simple rédacteur. Quand Rimbaud proclamait « Je est un autre » il ne disait pas autre chose. Certes ce qu'il écrit lui appartient et il l'assume peut-être parce ce qu'il dit a longuement mûri en lui et sort à un moment précis à cause d'un événement, d'un souvenir ou d'une volonté de faire revivre l'ombre d'une personne disparue. Un écrivain raconte une histoire mais De Luca note pertinemment qu'elle ne lui appartient pas tout à fait puisque elle ne prend tout son sens que lorsqu'un lecteur se l'approprie. C'est une question de respect envers celui sans qui l'écrivain ne serait rien.
Cet itinéraire intime face à l'expérience l'amène à rendre hommage à sa langue maternelle dans laquelle il s'exprime, avec une prédilection pour la parole écrite ce qui l'amène presque naturellement à étudier et traduire la Bible parce qu'une telle lecture est « émotion ». Sa démarche personnelle de vie ne serait pas complète sans une mention particulière à la montagne qu'il escalade comme il mènerait une quête personnelle. Elle a pour lui un langage de silence et entame avec lui un dialogue minéral. Elle fait désormais partie de sa vie au même titre que l'écriture qu'elle nourrit.

C'est un livre mince (76 pages) mais érudit et dense dans son écriture. J'y ai retrouvé comme à chaque fois ce style poétique plein d'images. Bien sûr il parle de lui, de son parcours qui n'est pas celui d'un homme de Lettres traditionnel mais qui, à mes yeux, est authentique ;

© Hervé GAUTIER – Avril 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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Dans ces "Essais de réponse", dont j'ai cité quelques extraits que j'aime particulièrement, Erri de Luca nous fait voyager à travers ses livres en découvrant des pans de sa vie. Sans être une vraie biographie il me semble que ce livre permet de mieux le connaître et de le lire avec encore plus de plaisir.
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C'est curieux, je pensais un peu la même chose que Damned (*) avant de découvir à l'instant sa JE. Je veux dire : à la fois "je préfère ses romans" et "c'est quelqu'un d'exceptionnel et très peu savent dire comme lui ce qui se cache derrière l'apparence des choses et parler de ce fil de vie qui nous traverse". Il y a peut-être Charles Juliet, Yves Bonnefoy, Jean Grenier, Fernando Pessoa, Georges Perros et quelques autres (nombreux, heureusement !) dont Camus bien-sûr. Il me semble que ce sont des gens qui ont trouvé dans leur vie un certain équilibre ... en constant déséquilibre, et une certaine douceur dans le langage qui n'a rien oublié de la rage de leur enfance, et cette rage-là est encore bien sensible à travers leurs mots.
Ces écrivains-là sont aussi des chercheurs qui ne se satisfont pas de ce qu'ils trouvent aujourd'hui. La vie ne serait que cela ? Il ne peuvent s'y résigner. Et cela se traduit par une force intranquille dans leur écriture.

Tout n'est pas bon dans ce recueil, et contrairement à ce qu'il prétend, je ne suis pas certain qu'Erri de Luca tranche beaucoup dans ce qu'il écrit. Mais les diamants de ce livre valent largement les quelques morceaux de charbons qu'il a laissés.

(*) il s'agit de la bookcrosseuse damned-marcel (ou damned pour les intimes), cette note (JE, journal entry, en langage du bookcrossing) ayant été rédigée en 2006, sur la page d'un livre voyageur sur le site du bookcrossing.
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Je suis un lecteur très exigeant car le principe qui guide ma lecture est que c'est l'histoire qui doit me faire oublier mon poids, jusqu'à mon souffle et ma respiration, jusqu'aux bruits tout autour. Si je m'aperçois que c'est moi qui porte, ce livre tombe sur mes pieds.
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Cette ville* qui fut Europe est la tienne. Moi, j'ai été un passant, un chauffeur de camion qui a vidé son chargement un peu ici, un peu ailleurs. Je suis d'un Sud qui n'existe plus et dans l'Orient de Mostar j'ai vu l'enfance des guerres, l'angoisse de piétiner les vieux et d'offenser les mères. Si tu es capable de ne pas haïr, le siècle prochain débutera par toi, (...)


* Mostar
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Celui qui se trouve dans un espace exigu, dans une vie barrée, des années sans une clé en poche, n'est pas encore perdu s'il a une pièce étreinte par les livres. Moi je l'ai eu dans une maison sombre où l'été les étagères suaient une fine poussière, une farine de pages.
Pour celui qui est aux abois, il y a le ciel ou bien les livres. Dans les deux cas sa solitude est envahie et apaisée par les voix les plus belles du monde
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Les questions sont la ronde d'un manège, elles attendent les clients enfants pour un tour sur le cheval à bascule, la petite voiture ou la fusée. Les questions sont plus belles que les réponses, elles durent plus longtemps, elles tournent encore et me donnent toujours envie de faire un autre tour, de donner une deuxième réponse. Mais elles s'en vont toujours, les belles questions, elles ne se laissent plus rattraper.
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Et puis, écrire une histoire est un geste qui accomplit la moitié du travail ; l’autre moitié revient à cette personne qui prend cette histoire, la lit, l’emporte avec elle, la met près d’elle, dans la rue, au meilleur moment --- le temps sauvé de la journée --- et la fait passer dans son intimité.
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Videos de Erri De Luca (86) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Erri De Luca
Rencontre animée par Olivia Gesbert
De la bibliothèque paternelle à l'ombre de laquelle il a grandi jusqu'aux chantiers où il a été ouvrier, Erri de Luca a noué avec la lecture, puis avec l'écriture un rapport particulier pour bâtir une oeuvre double, celle d'une fiction romanesque aux forts accents autobiographiques et celle d'une réflexion sur l'Écriture. Depuis trente ans, c'est une oeuvre foisonnante et protéiforme qu'il bâtit, caractérisée par un style limpide, poétique, épuré. Ponctués de pensées, de métaphores, d'aphorismes, ses récits endossent souvent la forme d'une fable, d'une parabole empreinte d'une touche de merveilleux, dans une langue unique. Pour cette édition Quarto, ont été retenus une dizaine de textes publiés auxquels s'adjoignent cinq textes inédits, qui portent en eux la puissance de l'écriture d'Erri de Luca dans des genres littéraires variés, sa réflexion sur l'appartenance et l'identité, le poids du passé et l'importance de l'histoire, sur la fragilité et l'importance des relations humaines.
« Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie. » Trois chevaux, Erri de Luca
À lire – Erri de Luca, Itinéraires, Gallimard, coll. « Quarto », 2023.
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