Dans la rue le flux des voitures avait diminué et les lumières scintillaient joyeusement. Le vent fouettait les rares passants, donnait à leur démarche des inclinations singulières. Les mannequins, dans les vitrines, semblaient les regarder, prêts à leur emboîter le pas.
— Mais c'est moi, Dorita ! Tu ne te souviens pas de moi... ? Il est vrai qu'après toutes ces années... On change n'est-ce pas ?
— Dorita... Dieu du ciel ! Je ne t'avais pas reconnue !
En un geste prompt, elle ramassa le paquet tandis que Carmen levait son visage rond à la peau épaisse, légèrement recouverte de sueur, et souriait, pleine de reconnaissance.
— Comment as-tu fait pour me reconnaître ? Quelle mémoire Dorita, quelle mémoire après tant d'années...
«Cette pauvre fille est encore plus laide que quand elle était au lycée, comment aurais-je pu l'oublier ?» pensa Dorita, et à voix haute :
— Mais tu n'as guère changé ma chérie, dès que je t'ai aperçue, je me suis dit : mais c'est cette bonne amie Carmen Gonzalo y Gonzalo. Elle pinça ses lèvres étroites en un semblant de sourire où le rouge Revlon débordait généreusement.