Citations sur Tant que se dresseront les pierres (11)
Je me demande ce qui sortira de tout ça, conclut Tristan Le Meur. La Bretagne, terre de la résistance la plus farouche à l’Allemagne, victime la plus meurtrie des bombardements alliés, foyer ardent du communisme, pétrie de religion, éprise de liberté et revendiquant son identité. La Bretagne écartelée entre des forces contraires, ses enfants divisés.
(p. 388, Chapitre 84).
La guerre grondait, la bête hideuse nourrie par les mêmes criminels qui avaient mis l’Europe à feu et à sang vingt-cinq ans plus tôt, tapis dans leurs ministères et leurs états-majors. Cette fois-ci, les Bretons n’iraient pas à l’abattoir. Ils prendraient les armes, mais pour défendre leur propre liberté. Pas de guerre pour les Tchèques ! L’heure du réveil des peuples depuis trop longtemps écrasés, des hommes nouveaux prêts à s’insurger avait sonné. Certes, ses camarades se comptaient sur les doigts d’une main, cependant leur détermination pouvait tout changer. Et ils avaient des alliés puissants. Personne ne voulait d’une autre guerre, même si les voix demeuraient rares. L’Humanité dénonçait à longueur de colonnes le conflit qui s’annonçait, un règlement de comptes entre les banques et le grand capital au détriment des masses laborieuses. La paix et la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes !
La terre scarifiée, là-bas, dans l’Est, ces longues plaies saignant la boue où s’ensevelissaient les vivants, alors que les morts gisaient au-dessus. Le monde à l’envers et il fallait sortir, baïonnette en avant dans le brouillard empoisonné, le cœur battant plus fort que le canon.
La pénurie d’hommes, de l’avis général, n’expliquait pas leur célibat. Les habitants du village le mettaient sur le compte de leur piété et de leur dévouement aux autres.
Elle ignorait que les Bretons aimaient donner aux cochons le nom de ceux qui se goinfraient à leurs dépens. Les voraces « fils de Rohan » avaient ainsi été rebaptisés « socialistes » au détour du siècle.
La guerre est une chance, la chance de bâtir un avenir nouveau. Purificatrice, rédemptrice, elle éradique les faibles, balaie les puissances déliquescentes, redessine la face du monde. La guerre témoigne du génie du genre humain, de la capacité des meilleurs à se rebeller et à vaincre la décadence et la corruption. Sans la guerre, il n’y aurait pas eu de pays, de civilisations, de nations. Sans la guerre, nous nous terrerions encore comme des bêtes dans des cavernes.
— Votre Führer semblait pourtant dans les meilleurs termes avec Staline il y a quelques mois. Les Polonais n’ont-ils pas fait les frais de leur amitié ?
— Pure stratégie. Il faut parfois s’allier provisoirement avec ses adversaires pour mieux les mettre ensuite à genoux. Quant aux Polonais, ils ne sont qu’une race de vaincus, et la France a eu tort de se mêler de cette histoire.
Les Russes ont toujours su défendre leur pays !
Vera fit le vide dans son regard. Ne rien montrer. Contrôler sa peur qui pouvait la rendre d’une dangereuse témérité. Elle haïssait les uniformes, surtout celui-ci.
La France ne pouvait devenir une colonie à la botte de l’Allemagne, son avenir se réduire aux vociférations hystériques du Führer. La Bretagne continuerait à lutter, avec la France, dans la France, comme elle l’avait toujours fait, de tout son courage, de toute son opiniâtreté. Quelles que soient l’immensité des sacrifices, la durée du chemin à parcourir, ils auraient raison de la folie belliciste de Hitler qui se retournerait forcément un jour ou l’autre contre lui