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Critique de jcjc352


Le sel: année 1982

Après le « règne animal » sa famille angoissante, ses porchers et son patriarche tyrannique voici avec le sel, celle des poissonniers toute aussi névrosée et sa hiérarchie de gérontes tout aussi oppressive.
del Amo a-t-il un problème avec le patriarcat ? Ça semble bien possible car chez celui-ci les lignées masculines sont jupitériennes, dominatrices et castratrices.
Coincée entre la méditerranée et l'étang de Thau Sète n'est pas qu'une ville de villégiature Elle abrite aussi des familles de pêcheurs dont certaines très abîmées par la vie.
Une famille de pêcheurs très perturbée. du grand-père italien qui aurait sa place chez un Grangé au mieux de sa forme, migrant venu s'installer en France avec ses deux fils C'est du « Brutal » aurait dire Raoul : bestiau qui cogne sa femme enceinte à grands coups de bourre-pifs dans les abdos, scatologique en fin de vie pour agrémenter le travail de ses brus , son fil traumatisé on le serait à moins qui s'ingénie a reproduire le schéma du père la boisson en plus et peut-être, peut-être... à voile et à vapeur: on ne sait pas trop ...Une épouse ( celle du père) aimante craintive qui s'aveugle dans son mariage. Un fils qui fait tout pour ressembler au père et donc au grand -père (faut suivre car je ne répéterai pas) dont le mariage bat de l'aile
Un autre fils, sensible lui, mais qui marche du mauvais coté de la route en se laisse aller à des penchants contre nature avec un amant sidéen au bout du rouleau
Une fille qui a perdu son enfant qui vit dans son souvenir et donc les liens avec son mari sont plus que lâches sans parler de son fils qui n'attend que le bon moment pour mettre les bouts
Bref une famille déchirée qui aurait certainement ravi le Grand Freud lui-même

Del Amo a l'art de nous mettre à l'aise de suite dès les premiers mots… « Des oiseaux qui éventrent le ciel » (voilà on sait à quoi s'en tenir) et rapidement il passe à la narration d'un cauchemar angoissant (pour enfoncer le clou aïe!)
Il faut vous faire une raison tout le récit sera présenté de manière oppressante : pas de répit pour les diables dans la géhenne
del Amo distille ensuite à petite doses homéopathiques raffinées et incessantes son poison dans chaque personnage ; rancoeur, affliction, angoisses enfantines, violence, coups, engueulades, mépris. Contribution a leur avilissement
Idem pour les paysages âpres et lourds pour lesquels il choisit avec soins des termes qui donne une atmosphère torturée; ciel de zinc, ciel de jais, patine d'onyx avec ombres violines et vapeurs d'incarnat .La ville est repoussante : vitrines inhospitalières, moiteur de la saison, odeurs , la mer et la plage sont hostiles
Tout pour vous faire aimer ce séjour de réprouvés sous une chape de plomb "Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle..." Baudelaire aurait aimé!
Un langage soutenu , parfois ordurier, parfois en italien (là on aurait aimé la traduction en bas de page), parfois précieux; zinzolin et coruscant ( c'est beau ) des phrases calibrées comme une lame de couteau suisse
ça chuinte, ça feule, ça coupe, ça éventre C'est du del Amo ! Trop même; une marque de fabrique un tantinet superfétatoire. A être trop voyant ...
Peut-être faudrait-il se calmer: noir c'est noir d'accord ! Mais tout noir peut-être pas . La préciosité d'accord mais point trop n'en faut  On risque de voir un jour s'il ne se réfrène pas des « huppes qui pupulent et des mésanges qui zinzinulent sous des azalées zinzolines » c'est zoli mais c'est aussi cul-cul la praline, ça fait académique et ça ne rend pas pour autant l'auteur plus cultivé mais le rend pédant  !
D'où nous conseillerions a del Amo d'éviter les kyrielles de personnages tous plus tordus les uns que les autres (n'en garder un ou deux et développer...)D'éviter de nous faire tomber continuellement de Charybde en Scylla ( nous laisser entrevoir parfois un petit coin de ciel bleu) D'éviter les litanies de sévices : des physiques suivis par des sévices sexuels eux-mêmes suivis par des sévices traumatisants psychologiques (là peut-être mettre du baume sur les blessures...).
En fait on aime beaucoup del Amo ce style acéré, précieux parfois ampoulé ses mots contondants ,percutants mais un chouia d'allégement ne détournera pas le lecteur de ses ouvrages: Bien au contraire.
Ne pas plonger le lecteur dans une tristesse morbide et accablante et lui imposer complaisamment un abattement irréversible . Voilà ce qu'il faut faire pour lui éviter  l'overdose !
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