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Critique de DreamBookeuse


Le roman retrace l'histoire de Silas, le chef de la guilde des assassins de Marseille que les lecteurs des autres romans ont déjà pu croiser. Il s'ouvre sur son enfance à Grenade, en 1540 alors qu'il n'était que Sinan, le frère jumeau de Rufaida et le grand frère de Sahar. C'était une partie très douloureuse à lire qui explique toute l'évolution des personnages au fil des pages et de leurs aventures. En effet, leur enfance n'a absolument rien de doux et tendre, à part, peut être, le lien qui les unit tous les trois. Morisques, leur famille a été convertie de force au catholicisme pour éviter l'exécution, mais leur religion de coeur, que leur père souhaite leur voir enseigner est celle du Coran. Ce dernier a une rage qui grandit en lui, s'opposant de plus en plus régulièrement aux décisions royales qui écrasent son peuple et ses origines. Cette rage se reporte peu à peu sur ses enfants à travers des coups et des paroles qu'aucun enfant ne devrait entendre, de tout temps et de tout lieu. Devant cette rage insensée et ses poings qui pleuvent c'est Rufaida qui les protège de son corps. Ils grandissent ainsi entre violence, enseignements religieux et soif de connaissances. Leurs mentors, deux femmes aux multiples talents, entre magie et combat, les aiguisent peu à peu, et leur caractère s'affirme : la douceur de Sahar, la détermination de Rufaida, la colère sourde de Sinan.

De Grenade à Montpellier, Sinan devient Simon puis Silas, il évolue, grandit, se fortifie, subit des drames, et le sang macule sa route. A Montpellier il suit des cours de médecine tandis que sa soeur se retrouve à suivre des cours de barbière, amère de ne pas pouvoir suivre le chemin des hommes. Mais ce n'est pas leur seul but, ils y recherchent la Pierre du Dragon qui confère magie de mort et de vie à ceux qui la portent. Ils ne sont pas les seuls à la suivre et bientôt ils croiseront le chemin d'un certain Nostradamus et des Hospitaliers. Un drame familial qui suit le cours de l'Histoire, des exécutions publiques au nom d'une religion qui pourtant se base sur l'amour de son prochain, des villes à feu et à sang qui détruisent la vie, l'espoir, les fratries, une persécution de foi dont on retrouve les traces aujourd'hui. Mais à trop vouloir diviser les catholiques oublient que c'est des cendres que naissent les unions les plus fortes et les plus vives.

« le bûcher s'éteint peu à peu. L'Église pense pouvoir mettre ainsi un terme à la Réforme. Elle ne réalise pas que les flammes ne brûlent pas les hérésies, mais seulement les liens qui retiennent la colère de ceux qu'elle cherche à opprimer. »

Les pages du roman défilent avec facilité à mesure que la plume de l'auteur pénètre peu à peu notre imaginaire. le « je » et le présent d'abord surprenants, se laissent lire, se font apprivoiser et on finit par les oublier. Comme d'habitude, l'appréhension de lire une telle oeuvre, ancrée dans un tel contexte historique était bien présente mais après trois récits du maître de la fantasy historique française, j'aurais dû savoir qu'il saurait lié avec une subtilité étonnante un discours didactique, précis, plaçant toutes les forces en présence (protestant, catholiques, musulmans, royalistes…) et une fresque familiale émouvante, violente, toute en nuance.

A ses deux facettes s'ajoute celle plus mystique, synonyme d'espoir mais aussi de guerre et représentative d'une certaine forme d'ésotérisme présente de tout temps (les prédictions de Nostradamus, l'attrait des rois pour les devins et les prophéties, les quêtes spirituelles et divers objets saints) : l'Artbon, ou la « Pierre du Dragon » dont on sait finalement peu de choses et dont la quête paraît presque insensée en regard du chaos religieux. Cet enjeu est la seule trace de fantasy dans ce récit historique et suffit aux plus perdus d'entre nous pour se raccrocher à un fil conducteur. Je l'ai trouvé en un sens rassurant même s'il ne suffira peut être pas aux seuls lecteurs de fantasy pure.

La fin, dramatique en un sens, logique dans un autre, m'a tout de fois surprise dans son traitement. On y retrouve un autre personnage, Gabin, qui à priori fait partie d'un autre récit mais qui vient achever la confession de Silas. Mais Gabin aussi parle au « je », et j'ai eu bien du mal à me détacher de la voix de Silas, de son personnage qui me collait aux pensées d'autant plus que le rythme et l'écriture ne changent pas.

En résumé

Du Roi je serai l'assassin est un récit de fantasy historique parfaitement orchestré par Jean-Laurent del Socorro oscillant entre quête mystique, histoire des guerres de religion du sud de l'Europe au XVIe et fresque familiale dramatique. Son talent de conteur, la facilité avec laquelle il passe des faits historiques à la fiction, le tout esquissé d'une plume légère, parfois poétique, m'impressionnent à chaque roman. La relation à mi-chemin entre la haine et l'amour qui imprègnent la gémellité de Rufaida et Silas m'a particulièrement touchée à mesure que tous deux tracent leur chemin et façonnent leur vengeance. Petite perle ❤
Lien : https://lesdreamdreamdunebou..
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