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Après quelques sauts dans la Bretagne romano-celtique de Boudicca (2017) et la guerre de Sécession aux États-Unis d'Amérique dans Je suis fille de rage (2019), Jean-Laurent del Socorro revient en avril 2021 dans l'univers de Royaume de Vent et de Colères (2015) avec du roi je serai l'assassin, toujours chez les éditions ActuSF.

L'enfance de Silas
Silas est un assassin accompli, mais ce ne fut pas toujours le cas. Alors qu'il converse avec un garde sur les hauteurs de Marseille en mars 1569, lui vient l'envie de lui raconter son histoire, depuis sa plus tendre enfance. C'est à Grenade, en Andalousie, en 1540, que débute le récit de celui qui s'appelle alors Sinan, ainsi que de sa grande soeur et jumelle Rufaida et sa petite soeur Sahar. Morisque dans une Espagne qui est devenue l'État européen le plus puissant et qui a étendu son empire colonial sur plusieurs continents, Sinan apprend, beaucoup, de la théologie à l'escrime en passant par l'anatomie. Il est guidé par plusieurs mentors et est en quête de compréhension d'un monde qui est en train de changer. Confronté à l'ambition de son père, il recherche une « pierre du Dragon » qui pourrait permettre aux morisques de se révolter ; confronté à l'ambition de sa soeur, il l'accompagne dans ses études à Montpellier pour devenir médecin ; confronté aux oppositions politiques qu'il rencontre, il doit parfois choisir son camp et en subir les conséquences. Sinan ne devient donc Silas qu'après de nombreuses épreuves et plusieurs changements dans sa manière de voir le monde.

Une histoire de famille
Malgré le titre et le fait que les lecteurs de Royaume de Vent et de Colères connaissent le « pedigree » de Silas, il ne faut pas s'attendre à un roman d'intrigues politiques ou de « crapule fantasy ». C'est ainsi que, de Grenade à Marseille, Jean-Laurent del Socorro opte pour un récit intimiste puisque Sinan raconte à la première personne ses épreuves : il est confronté à la concurrence/connivence de sa grande soeur, à sa relation aussi proche avec sa petite soeur, à son opposition à un père autoritaire et à des mentors qui ne l'aident pas assez à son goût. L'auteur manie ici des thématiques qui lui sont familières, avec sa plume alerte habituelle, à commencer par la difficulté de « faire famille » dans un contexte de dissensions morales. Concomitamment, la place des femmes est également une thématique centrale (comme dans tous les romans de Jean-Laurent del Socorro d'ailleurs), avec le bon usage de l'ambition de Rufaida qui cherche à se faire une place réservée aux hommes, ainsi que d'autres personnes mises en minorité par le pouvoir en place ; ici aussi, la question de l'homosexualité est subtilement posée. Autant de thèmes sociétaux qui rendent plus immersive cette histoire du XVIe siècle.

Un récit des guerres de religion
Malgré l'orientation très « familiale », un très fort accent est mis par l'auteur sur la dimension religieuse. Dès les premières pages, la place des morisques au sein de l'Espagne « très catholique » pose problème, car ils sont à la fois vus comme des traîtres par ceux qui auraient voulu conserver l'islam comme instrument politique et comme potentiels traîtres par les catholiques au pouvoir qui voient en eux une future cinquième colonne qui se révoltera bien un jour et qu'il faut donc tenir en respect, Inquisition à l'appui. Cette question des convertis en Espagne suite à la fin de la Reconquista complète la montée des guerres de religion au sein du royaume de France : les confrontations entre catholiques (« papistes ») et réformés (« protestants ») s'accentuent, et notamment dans les régions de Provence et du Languedoc. Jean-Laurent del Socorro fait alors le choix d'aborder cette période par l'axe de l'humanisme. Ainsi, recherche de savoirs antiques, voire cachés, attrait pour les connaissances et leur diffusion, puis construction d'un esprit critique face à ces connaissances sont les étapes rencontrées par le protagoniste. Silas poursuit inlassablement une quête que le lecteur ne saisit l'importance que tardivement : celle de l'Artbon qui peut anéantir des armées entières mais aussi l'humanité de celui ou celle qui use de son pouvoir. L'existence de cet artefact « magique » se mêle efficacement au contexte des guerres de religion. Ce mélange qui couve tout du long fait que du roi je serai l'assassin est intrinsèquement lié aux autres écrits de l'auteur sur le XVIe siècle qu'ont été le roman Royaume de Vent et de Colères (simple allusion à l'Artbon mais des personnages riches de caractéristiques touffues), les nouvelles « Gabin sans aime » et « le vert est éternel » (qui développement les relations sociales entre quelques personnages déjà rencontrés), ainsi que la novella La Guerre des trois rois (qui appuie plus lourdement sur le lien entre l'Artbon et la résolution des guerres de religion par l'entremise d'une personnage importante). Cela pose d'ailleurs un problème sur la toute dernière partie du roman : on retrouve un autre personnage de cet univers qui, lui aussi, fait son récit à la première personne du singulier, ce qui casse un brin la dynamique du roman qui narrait comme une confession l'histoire de Silas. D'un coup, on se retrouve avec un autre point de vue qui brise la liaison opérée entre le lecteur et ce personnage, et donne l'impression de mettre un point final pas seulement à ce roman mais quelque chose d'autre...

Du roi je serai l'assassin est donc un roman bien ficelé, sur une toile de fond riche et avec des personnages que l'auteur maîtrise bien ; Jean-Laurent del Socorro fait des choix narratifs qui peuvent être critiqués si on s'attend à un récit d'intrigues politiques et d'assassinats compliqués, mais qui renvoie bien à ses thématiques désormais habituelles, entre féminisme et humanisme.
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Je n'avais aucun souvenir de Silas dans Royaume de vent et de colère car j'ai lu ce roman il y a trop longtemps. Mais qu'importe, j'ai été conquise par ma lecture ! On s'intéresse à Sinan, un jeune morisque qui grandit à Grenade, bien après la Reconquista. Sa famille est convertie à la religion catholique pour l'apparence mais ils continuent à pratiquer la religion musulmane dans l'intimité. Sinan est un jeune garçon craintif et peu courageux qui va devenir un célèbre assassin. C'est donc dans un récit intimiste et poignant que nous suivons le jeune Sinan et ses deux soeurs dans une Espagne vouée à retrouver son unité religieuse. Plus tard c'est en France que nous suivrons une autre division religieuse, Sinan et Rufaida finiront par choisir un camp.
J'ai adoré ce roman, emportée par la plume de l'auteur, par ses deux protagonistes principaux, ce lien d'amour et de haine entre un frère et une soeur. J'ai aussi apprécié suivre les évènements historiques de l'Espagne et la France du XVI éme siècle à travers eux et pas d'un regard global et détaché comme on peut le raconter en classe. Je ne comprenais pas trop l'intérêt de la pierre du dragon dans le récit, sauf nous faire un peu voyager mais au final on a la réponse. du très bon pour moi, qui me donne envie de rattraper mon retard avec cet auteur.
Challenge Mauvais genres 2021
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Lorsqu'il a été finaliste pour le PLIB en 2020, j'ai découvert « Je suis fille de rage ». Une première avec le style de Jean-Laurent del Socorro, pourtant déjà croisé lors des Imaginales à Épinal. Or, bien que le contenu soit aussi intéressant que riche, j'avais eu beaucoup de mal avec les nombreux personnages et avec le surplus d'informations. de ce fait, j'étais passée à côté. Néanmoins, quand « du roi je serai l'assassin » a fait partie des 25 finalistes du PLIB 2022, j'ai voulu laisser parler ma curiosité, si bien que j'ai tourné les pages de ce nouvel ouvrage historico-fantasy… Et quelle bonne surprise ! Ce fut une lecture mature, intéressante et prenante !

À mes yeux, les personnages sont réellement la force de cette histoire. En plus d'être complexes, sensibles et tous en nuances, leur psychologie est extrêmement bien développée. On va les voir évoluer, faire des erreurs, se blesser, aller de l'avant, se haïr et s'aimer. J'ai été fasciné par leur parcours au fil de l'aventure ainsi que par leurs relations atypiques. Ma préférence va Sinan, le narrateur de la première et seconde partie. Son côté anti-héros assumé digne de « Waylander » (David Gemmell) m'a charmée. Il m'a souvent émue. J'ai été très sensible à son vécu, ses idéologies et son lien avec certains protagonistes, notamment sa jumelle, son père, la benjamine de la famille ou encore son meilleur ami. Rien n'est jamais simple. Leur comportement aussi trouble que peu ordinaire m'a marquée.

Comme dans « Je suis fille de rage », l'auteur a démontré qu'il avait fait énormément de recherches sur cette période historique. Avec brio et sans lasser son lectorat, il dépeint l'atmosphère politico-culturelle et religieuse de l'époque du XVI ème siècle. Honnêtement, j'ai été troublée par le travail de Jean-Laurent del Socorro autour de l'idée de double identité des héros, que ce soit durant leur enfance ou lorsqu'ils vont se retrouver à Montpellier. La thématique de la religion est très présente néanmoins, c'est toujours décrit avec justesse et cela suit des éléments historiques bien solides. Honnêtement, ce ne fut pas évident de savoir ce qui appartient à la réalité et à la fiction tant certaines choses sont bien retranscrites.

Certes, le rythme peut faire défaut cependant, cela n'a pas été le cas pour moi. J'ai dévoré ce titre en deux jours et j'y retournais avec plaisir. Malheureusement, je comprends les lecteurs ayant estimé que le rythme des trois parties était en dents de scie. L'impression de rythme irrégulier doit sans doute être accentuée si on met un peu de temps à lire ce roman. Il y a des moments de creux. Les twists arrivent ponctuellement, mais jouent toujours la carte des émotions et de l'inattendu. En ce qui me concerne, j'ai été captivée par les protagonistes, émue par certains rebondissements particulièrement bouleversants et j'ai été impressionnée par la multitude de sujets abordés (que ce soit de façon éphémère ou creusée au fil des chapitres).

J'ai constaté que « du roi je serai l'assassin » s'inscrit dans la continuité d'une saga. Honnêtement, je n'ai pas été perdue pour autant ! Même si trois oeuvres (romans et nouvelles) ont été publiées avant, ce titre peut se lire de façon indépendante. Cela dit, j'ai lu grand bien de « Royaume de vent et de colères »… Quand ma PAL aura un peu diminué, j'irai retrouver avec plaisir la plume de l'auteur !
Lien : https://lespagesquitournent...
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Jean-Laurent del Socorro livre un roman intéressant sur une tragédie familiale et culturelle.
Son récit s'inscrit dans l'univers de son roman de fantasy historique Royaume de Vent et de Colère.
Pendant ma lecture, j'ai plusieurs fois pensé au roman « les Lions d'Al-Rassan » de Guy Gavriel Kay. Les deux récits se rejoignent à travers le destin d'une ville où les habitants vont subir des discriminations en fonction de leur identité religieuse.

16ème siècle en Espagne. Sinan est un musulman converti malgré lui au catholicisme, comme le reste de sa famille. Il grandit à Grenade dans l'ombre d'un père tyrannique et violent. le décès de sa mère et de sa jeune soeur le marqueront profondément. En compagnie de sa soeur jumelle, il part étudier la médecine à Montpellier. Cette étape sera pour lui libératrice. Enfin délivré du joug paternel, il découvre l'amitié, l'amour et une affinité avec la magie.
J'ai eu pas mal de difficultés à apprécier ce personnage. L'auteur ne le ménage pas : il connaît les coups, les humiliations et les brimades. Pourtant, Sinan est loin d'apparaître uniquement comme un martyre. Certains comportements, notamment avec sa soeur jumelle, m'ont à plusieurs reprises interrogée sur sa morale douteuse.

J'ai plus apprécié la qualité du récit dans sa dimension politique. L'auteur évoque le sort des Juifs, la conversion forcée des musulmans et les atrocités commises par l'Église Catholique et la Sainte Inquisition. La place des femmes est aussi longuement étudiée.
La dimension fantastique est minime. Quelques scènes où la magie apparaît et voilà un roman qualifié de littérature fantasy… Bon, après tout, ce qui compte, c'est le plaisir ressenti à la lecture et sur ce dernier point, je dois dire que je suis plutôt mitigée. J'ai trouvé le récit assez inégal. Sur le plan historique, c'est très réaliste mais sur le plan humain je suis restée un peu en retrait de ces personnages qui ne m'ont pas vraiment fascinée. En revanche, j'ai adoré le style de l'auteur très fluide et emprunt d'une certaine poésie.
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Après un détour par l'histoire antique (« Boudicca ») et un autre par la guerre de sécession américaine (« Je suis fille de rage »), Jean-Laurent del Socorro revient à l'univers qui l'a fait connaître, celui de « Royaume de vent et de colères », déjà exploité depuis dans plusieurs nouvelles (« La guerre des trois rois », « Le vert est éternel » ou encore « Gabin sans aime »). Un retour d'autant plus attendu qu'il se consacre au personnage sans doute le plus marquant du premier roman : Silas, assassin plein de gouaille et au passé trouble sur lequel l'auteur se propose ici de revenir. L'action débute en 1540, à Grenade. Une quarantaine d'année après la fin de la Reconquista, la très catholique Espagne multiplie les injonctions visant à accélérer et contrôler la conversion des musulmans demeurés sur le territoire et jugés encore trop peu intégrés au goût de Charles Quint. C'est dans ce contexte que l'on fait la connaissance de celui qui s'appelle alors Sinan, petit garçon effacé et inquiet, chérissant ses deux soeurs (l'une pour sa combativité, l'autre sa douceur) et endurant ses parents (l'une pour son indifférence, l'autre pour sa violence). Découpé en trois parties, le roman est écrit à la première personne, Silas se chargeant lui même de nous relater son parcours des années après les événements qu'il dépeint. Terrorisé par un père tyrannique, le petit Sinan n'a pas grand-chose à voir avec l'assassin chevronné et à l'ironie mordante rencontré à Marseille. Tout l'enjeu du roman va résider dans la tentative de l'auteur de nous faire comprendre le cheminement de son héros qui va ainsi passer par toute une série d'épreuves et réaliser quantité de rencontres déterminantes. Ne vous attendez cependant pas à un récit d'initiation du genre de « L'assassin royal » ou des « Salauds gentilshommes » dans lequel on assisterait à la formation du personnage. C'est à un récit bien plus intimiste que nous convie ici Jean-Laurent del Socorro, ce qui a des avantages aussi bien que des inconvénients.

Comme dans tous les précédents romans de l'auteur, celui-ci repose sur une documentation historique solide qui donne une bonne partie de son charme au récit. L'auteur aborde de façon concise mais néanmoins scrupuleuse le contexte propre à cette Espagne du milieu du XVIe qui tente par tous les moyens d'effacer les traces de la suprématie un temps exercé par les musulmans sur le territoire. L'auteur décrit très bien le sentiment de double identité éprouvé par le héros qui se voit contraint d'afficher un visage en public (celui d'un bon chrétien) et un autre en privé (celui d'un musulman resté fidèle à sa foi en dépit de lois de plus en plus coercitives). La seconde partie se déroulant à Montpellier est elle aussi bien documentée et se consacre cette fois aux accrochages opposant alors catholiques et protestants, particulièrement présents dans cette région du sud de la France. La religion et les atrocités perpétrées en son nom sont ainsi l'un des thèmes principaux du roman qui revient à l'origine de ce que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de « guerres de religion » et qui constituent la toile de fond des autres romans de l'auteur situés dans le même univers. Celui-ci s'attarde également sur le milieu des étudiants en médecine et nous livre, pour se faire, de croustillantes anecdotes qui participent à renforcer l'immersion du lecteur. La place accordée aux femmes est également un thème essentiel du roman, de même que tous les autres ouvrages de l'auteur qui fait une fois encore le choix de s'affranchir de la réalité historique afin de pouvoir accorder une meilleure représentation et des rôles plus variés à ses personnages féminins. On rencontre ainsi des femmes exerçant le métier des armes sans que cela ne paraisse choquer le moins du monde, l'exemple le plus criant étant bien évidemment celui d'Axelle, protagoniste bien connu des amateurs de l'oeuvre de l'auteur dont il n'est ici que brièvement fait mention. le procédé permet de mettre à l'honneur des personnages féminins combatifs et occupants des positions clés, mais ne cherche pas à mettre sous le tapis la différence de traitement dont sont tout de même victimes les femmes, comme le parcours de la soeur du héros nous le prouvera.

L'intrigue est pour sa part en dent-de-scie, les trois parties qui composent le roman se révélant très différentes et assez inégales. La première, ma préférée, est consacrée à l'enfance de Silas et aux relations qu'il entretient avec les membres de son entourage, notamment deux qui jouerons, chacun à leur manière, un rôle déterminant dans son évolution : sa soeur jumelle et son père. On s'attache sans mal à ce petit garçon effrayé, honteux de ne pas pouvoir protéger ceux qu'il aime et rongé par les sentiments contradictoires que lui inspire son géniteur. L'auteur décrit avec beaucoup de délicatesse et d'empathie les mécanismes qui se mettent en place dès lors que la violence s'installe dans un foyer, et, quand bien même certains passages sont particulièrement bouleversants à lire, il s'agit à mon sens de la partie du récit de Silas la plus maîtrisée et la plus intéressante. le voyage vers le sud de la France et le déroulement des études de médecine des frères et soeurs sont pour leur part un peu moins captivants, même si certains rebondissements viennent régulièrement relancer l'intérêt du lecteur. Là encore l'auteur place l'intime au coeur de son récit en abordant par exemple la question de l'homosexualité ou de l'avortement avec sensibilité. L'action se fait néanmoins plus présente, de même que la fantasy, puisqu'on y retrouve la mention d'une substance déjà évoquée dans « Royaume de vent et de colères » et aux propriétés magiques méconnues. Bien qu'au coeur de la quête des jumeaux, l'auteur ne s'attarde guère sur le sujet, aussi sait-t-on relativement peu de chose sur cette touche de magie somme toute presque anecdotique. La troisième partie est la plus déconcertante, et ce pour deux raisons majeures. D'abord parce que l'auteur y effectue un saut dans le temps de soixante ans, si bien qu'on passe de Silas enfant/adolescent à Silas à l'aube de sa vie. Ensuite parce que ce dernier n'est plus narrateur et se trouve même en marge de l'intrigue qui se concentre sur le personnage de Gabin, héros brièvement mis en scène dans une nouvelle et dont le parcours présente des similitudes avec celui de Silas mais qui s'avère bien moins complexe et charismatique que l'assassin. La conclusion est ainsi un peu perturbante : tout s'enchaîne trop vite, et on aurait bien aimé connaître le détail de ce qu'il est advenu de notre héros pendant toutes les années de cette longue ellipse.

Jean-Laurent del Socorro signe avec « Du roi je serai l'assassin » un roman sympathique qui revient sur le parcours d'un personnage emblématique de son univers et qui tient plus du récit intimiste que du roman d'initiation typique de la fantasy. En dépit d'une troisième partie déconcertante et de la trop grande hâte avec laquelle l'auteur passe sur certains événements ou personnages, le roman séduit par l'immersion historique qu'il propose, que ce soit dans l'Espagne post-Reconquista ou la France pré-guerres de religion, et surtout par l'émotion que font naître les personnages qui sont traités avec beaucoup de sensibilité.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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Bon les gars, on ne va pas se mentir. Je pense que Jean-Laurent del Socorro est en passe de devenir mon auteur phare du moment... Que dis-je ? J'en suis sûre !

Après "Je suis fille de rage", je me suis plongée dans "Du roi, je serai l'assassin" grâce aux Éditions d'Actusf (merci :)) et... WAOUH... Quelle claque !

On y retrouve une fois encore cette marque de fabrique où L Histoire se mêle à la fiction (ou l'inverse, allez savoir), ces thématiques fortes de la violence, de la mort, de la religion ou encore de la relation parents-enfants et le talent indéniable de l'auteur.

Cette fois, nous voici en immersion complète au sein même de la ville de Grenade où le jeune Sinan, morisque (musulman converti au catholicisme) se voit confronter aux Guerres de religion, aux rouages de la violence, surtout paternelle, aux ambitions de sa soeur jumelle et féministe accomplie Rufaida, à la réalité de la mort et à la recherche de la pierre du Dragon.

Ce même personnage plus vieux deviendra un assassin endurcit... C'est son histoire qu'il vous conte non sans émotions.

Un roman qui nous lie de bout en bout à ce jeune homme qui forgera sa destinée.
Un roman qui nous transporte de Grenade à Montpellier et de Montpellier à Marseille.
Un roman dont les traces historiques nous rapproche plus de "La chevauchée des Walkyries" de Wagner que du "Prélude" de Bach ; entre catholiques, morisques, Inquisition et calvinistes, cette chevauchée vous attend.

Mais attention, peut-être qu'à l'ombre d'une ruelle mal éclairée, vous pourriez vous confronter à Nostradamus ; apprendre avec Aïcha ; ou encore apercevoir Marie de Médicis.

Quoiqu'il en soit, vous lancerez vous dans l'aventure avec moi à la recherche de l'Al-Geuzahar et peut-être de votre "vous" intérieur? On y va ?
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On est dans le même univers que Royaume de vent et de colères, et dans le même projet : mêler Histoire et fantasy, celle-ci étant parsemée par petites touches.

On suit de manière plus linéaire cette fois le récit de la vie d'un personnage secondaire du Royaume… Personnage secondaire dont on devine qu'il n'est pas un Saint. On découvre son enfance, son apprentissage étudiant, son passage à la vie d'adulte; ses liens avec son père, ses deux soeurs. le récit au "Je" permet d'être dans les pensées les plus intimes du personnage, qui se livre ici comme dans une sorte de journal, de témoignage sur sa vie passée.
Certes, ce personnage, par ses expériences de vie, n'est pas du côté du Bien. Mais c'est un portrait nuancé et émouvant que ce narrateur érudit livre sur lui-même, et empli d'humanité. le roman est déjà surprenant à ce titre.

Et puis l'écriture est toujours aussi belle, fluide et documentée, nous offrant un tableau mouvementé et plein de vie de cette Europe religieuse en plein conflit. J'ai adoré parcourir l'Espagne Andalouse, j'ai adoré le mélange de culture à Marseille, au carrefour des traditions, des cultures et des religions. C'est coloré, dense, détaillé : voici une fresque colorée d'une Europe de la Renaissance, certes fragilisée par les guerres de religion, mais pas entièrement noire, non.

J'ai trouvé la touche de fantasy plus prononcée ici, avec la quête de l'Arbent, au centre du récit et qui hante les personnages. Alchimie, légendes et ésotérisme sont au menu. Nous redécouvrons une culture arabe qui tend à être muselée par les événements dans le roman; cela ne la rend que plus vibrante.
Ajoutons à cela des personnages qui se métamorphosent au gré des événements… et nous avons là encore un très beau roman bien plus riche qu'il n'y parait : et ça c'est déjà de la belle magie, non ? :-)


Lien : https://zoeprendlaplume.fr/j..
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Dites...
Saviez-vous que Nostradamus a écrit un traité de Fardements et confitures ? (Excellent et moult utile)
Moi pas. Et de le découvrir en lisant ce livre ça m'a fait ma soirée, ou mon bouquin. Déjà parce que de se dire "qu'après un petit cours de crème de jour, si nous passions aux confitures" me met en joie mais en plus dans la bouche d'un bonhomme du 16ème que j'imagine habillé en robe-Dumbledore, là... C'est l'extase de l'imagination.

Bon mais sinon (comment ce n'est pas le thème du livre ? ) (non, hélas) que dire de ce troisième livre de Jean-Laurent del Socorro que je lis... Et bien... Je crois que c'est le seul que j'ai bien aimé.
Contrairement aux autres qui malgré leur belle plume me laissait en bouche un goût de rien, j'ai eu là, l'impression d'avoir en fin sous mes yeux une véritable histoire construite, nourrie et menée jusqu'au bout. Comme d'autres l'ont dit avant moi, je suis un peu moins friande de la dernière partie où le narrateur change (surtout que dans mes souvenirs ledit narrateur était simple d'esprit) (mais bon je ne garantis en rien la fidélité de mes souvenirs) et où j'ai trouvé que tout se precipitait un peu pour vite tout bien finir, hop on remballe et on dit merci. J'en garderai ce que j'ai appris des études de médecine de cette époque, des conflits de peuples mais surtout de religions. Et bien sûr les fards et confitures.
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Un livre dont je n'attendais rien et qui m'a beaucoup appris.
Le début est certes lent, on y découvre les personnages, l'auteur plante le décor.
Puis le rythme s'accélère.
Chapitres courts, plume entraînante.
Dommage que la fin m'ait semblé être bâclée.
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J'ai un problème avec les bouquins de del Socorro. Celui-ci est mon 3e. J'ai trouvé le 1er très passable, le 2e carrément médiocre, et je n'ai pas aimé celui-là non plus. Mais alors, pourquoi continuer ? Bonne question.
D'abord, parce que je les ai achetés avant de découvrir ce "problème", l'éditeur pratiquant souvent des rabais importants en numérique (ce qui est une très bonne chose que d'autres devraient copier !) – il en reste encore un dans mon escarcelle, d'ailleurs, "Je suis fille de rage". Ensuite, parce que sur le papier, j'ai bien des raisons d'apprécier ses bouquins. Sa façon d'envisager la fantasy d'abord, discrète, pas envahissante. Sa façon d'envisager le roman historique, ensuite, très documenté (j'y reviendrai), et sa manière d'envisager le mélange des deux enfin, qui me paraît une excellente idée.
Seulement voilà, un livre c'est aussi une histoire, une cohérence interne, des personnages, une ambiance, un style, et de ce côté-là, force est de constater que décidément, il n'y a pas grand-chose qui me convienne dans le travail de cet auteur.
Ça commence pourtant pas trop mal, par l'enfance d'un frère et d'une soeur jumeaux morisques de Grenade – ces musulmans qu'on a obligés à se convertir au christianisme après la Reconquista.
C'est intéressant, on apprend pas mal de choses sur un sujet peu exploité, même si déjà pas mal d'informations sont plaquées, ce que l'on retrouvera davantage encore dans la partie qui se déroule à Montpellier (énumération de TOUTES les églises, pfiou, et de toute la liste des ouvrages de médecine médiévaux, par exemple...) L'auteur aime aussi plaquer des poésies d'époque, de Ronsard, Rabelais ou Du Bellay, en les mettant assez artificiellement dans la bouche d'un de ses personnages.
Du côté des moeurs des héros, on bâille d'étonnement. le frère et le soeur découvrent l'amour physique ensemble, avant de se révéler tour à tour homosexuels. Que de violations d'interdits pour des gens censés être restés farouchement musulmans malgré l'interdiction, mais j'imagine qu'il s'agit là de la "caution queer" du bouquin, et je l'avais déjà remarqué, del Socorro est un grand spécialiste des "cautions".
Ainsi en est-il de la "caution égalité hommes femmes" : Rufaïda est révoltée parce qu'elle ne peut pas être médecin, mais juste chirurgienne barbière, contrairement à son frère.
Caution "droit à l'avortement", aussi : une femme se fait exécuter parce qu'elle a abandonné son enfant à la naissance. Il fallait "lui rendre le choix qui n'appartient qu'à elle", brandit l'auteur par la voix d'un autre personnage.
Caution "le féminicide c'est pas bien", aussi, avec cette remarque cousue de fil blanc : "Nul besoin de religion : les hommes se suffisent à eux-mêmes quand il s'agit d'assassiner des femmes".
Tout cela est très joli, et bien évidemment, je souscris à tout. le seul problème, c'est que c'est totalement anachronique.
Alors on me dira sans doute que c'est assumé. Peut-être. D'ailleurs, l'auteur ne peut pas ignorer qu'au XVIe siècle, une femme ne pouvait pas être "chevalière", ni capitaine de mercenaires, ni soldate dans une troupe de tercios espagnols.
Les romans de del Socorro seraient-ils alors des sortes d'uchronies qui ne disent pas leur nom, avec des femmes dans des rôles qui leur étaient interdits, et des revendications en avance sur leur temps ?
Si c'est le cas, il faudrait au moins prévenir le lecteur, d'autant que ça semble complètement paradoxal avec la bibliographie longue comme un jour sans pain affichée en fin de volume, et son souci du détail historique.
Peut-être devrait-il faire comme Jaworski et transposer l'histoire dans un véritable monde de fantasy, où tout lui serait permis.
Enfin, si malgré tout ça, l'auteur avait le style, la gouaille, et pour tout dire le talent du susnommé, autre grand spécialiste de la "torsion de l'Histoire" à sa propre manière, tout ou presque pourrait être pardonné.
Mais nous en sommes à mille lieues. Tout semble narré "de loin". Les rébellions sont expédiées en cinq lignes, le récit n'est pas "habité". La narration est d'ailleurs factuelle, dénuée de style, et quand il essaie de tirer sur ma corde sentimentale, il ne réussit qu'à me sembler naïf ou larmoyant.
Je ne m'étendrai pas sur les incohérences internes, qui sont nombreuses malgré le caractère assez court de ce livre (normal puisque tout y est survolé)... le final à Marseille tombe comme un cheveu sur la soupe : on se demande ce que les deux jumeaux viennent faire dans cette galère, si ce n'est justifier leur (faux-) raccord avec "Royaume de vent et de colère" que vous êtes d'ailleurs plus ou moins censé connaître pour comprendre toutes les allusions. En ce qui me concerne, je l'avais lu mais globalement oublié, ce qui m'a posé quelques difficultés.
Le bilan est sévère, mais il est à la hauteur de ma déception.
Les bonnes idées ne suffisent pas à faire un bon livre.
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