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Critique de Lenocherdeslivres


La légende d'Arthur, une histoire d'hommes ? Un peu beaucoup, non ? Si les femmes y apparaissent, elles n'ont que rarement un rôle principal. Sauf quand il s'agit de semer la confusion dans les esprits ou ourdir des plans maléfiques. On peut alors se demander : et si Morgane était l'élue ? Et si Arthur avait échoué à retirer l'épée de la pierre ?
Cette version d'une légende connue, au moins en diagonale, de la plupart d'entre nous, risque de faire grincer quelques dents. Sans doute sera-t-elle accusée par certains d'être dans l'air du temps et de céder à un courant qui consiste à remettre en question la « tradition » au nom d'une pseudo-égalité. Si je doute, pour ma part, que Jean-Laurent del Socorro ait voulu transmettre un message (du moins, en premier lieu), je le remercie pour ce vent frais qu'il fait souffler sur un mythe que je trouvais un peu poussiéreux. La puissance et la force d'une histoire sont visibles au nombre d'oeuvres auxquelles elle donne naissance. Et à leur variété. Morgane Pendragon est donc un hommage à la vivacité de cette histoire qui franchit les siècles avec aisance.

Alors, quoi de neuf ? Pas mal de choses. Mais, surtout, la place de la femme dans la société : ici, elle peut devenir chevalier, elle peut devenir reine, elle peut épouser une femme. Elle peut vivre, non comme bon lui semble, car ses devoirs la limitent, comme partout, mais avec bien davantage de libertés que cela ne fut le cas. Et donc, elle peut être l'héroïne d'un récit essentiellement masculin jusque-là. Mais attention, tout n'est pas merveilleux pour autant. Loin de là. Certains hommes regrettent la plus faible domination de la société par leur sexe : « Les hommes n'essayent pas seulement d'écarter les femmes du pouvoir, ils veulent aussi les contraindre à douter d'elles-mêmes. » Et l'église approche : elle prend pied sur l'ile et cherche à développer son influence. Avec elle, une moindre tolérance à l'égard de l'homosexualité et de la magie. Avec elle, le risque de disparition de tout un monde au profit d'un autre, plus rigide.

Pas de crainte, ceux qui connaissent le mythe d'Excalibur ne seront pas dépaysés. L'auteur connaît les personnages, connaît les lieux, connaît les classiques. Il les intègre de façon très intelligente à son cadre revisité. On croise aussi bien le Roi pêcheur que Viviane, aussi bien Merlin que Lancelot. le résultat est assez bluffant par son côté bien ficelé. Tout s'enchaîne merveilleusement et, si l'on parvient à laisser de côté certains réflexes (Kay méchant, Arthur héros, …) on se laisse porter par une histoire dure mais passionnante.

Je dis « dure » parce que Jean-Laurent del Socorro ne recule pas devant la noirceur du monde. La cruauté et la traîtrise sont bien présentes dans son récit. Comme les scènes de bataille, très réussies par leur fluidité, mais aussi par leur réalisme : on entend le choc des lames, on glisse sur la boue, on triomphe ou on chute avec les combattant.e.s. Et, même si l'auteur lui-même nous rappelle que cette version n'est pas la plus classique, à travers des clins d'oeil glissés sous la forme de réflexion d'Arthur qui regrette de n'avoir pu retirer l'épée du rocher (« Se peut-il qu'il n'y ait pas qu'une seule version du monde, mais une infinité toujours recomposée au fil du temps qui s'égrène ? »), on ne met pas en doute la crédibilité de cette histoire. On se glisse avec facilité dans la peau de Morgane ou d'Arthur (chaque chapitre, en alternance, nous offre le point de vue d'un de ces deux protagonistes).

Je ne suis pas un spécialiste de la légende arthurienne, même si j'en connais l'essentiel. Et, surtout, je ne suis pas tellement passionné par cette légende que la moindre parution à son propos me mettrait en transe. J'ai donc accueilli la nouvelle de la parution de ce roman avec un intérêt sincère mais sans excès. J'ai même abordé sa lecture avec une certaine appréhension : peur de m'ennuyer un peu, en fait. J'en ressors d'autant plus ravi car je ne m'attendais pas à entrer avec une telle facilité dans l'histoire ni à en ressentir les enjeux avec une telle force. Les personnages me sont rapidement devenus familiers et j'ai vibré avec eux, ressenti leurs doutes et célébré leurs victoires. Morgane Pendragon m'a beaucoup plu, tout simplement.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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