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Critique de VirginieDoucet


Coordonnées par Chloé Delaume, quinze femmes, quinze artistes, se sont réunies autour du mot sororité pour exprimer le lien indéfectible qui devrait exister entre les femmes, histoire de contrer un peu les hommes et le système patriarcal bien établi dont ils profitent depuis des siècles.

Les textes sont variés. On en trouve de poétiques, forts, qui font dresser les poils des bras et se nouer la gorge, comme celui de Juliette Armanet :
"Ne te retourne pas, ma Soeur. Car tu n'y verrais rien. Tout se transforme, enfin. En toi, il y a le feu. Et les métamorphoses. C'est ton poème, vaillant, qui devient prose…"

Il y a des tranches de vie, dans lesquelles on se reconnaît, mine de rien. le Café d'Estelle-Sarah Bulle rapporte une discussion souvent entendue entre femmes :
"- Je ne suis pas en guerre contre les hommes.
- Moi non plus. Mais en guerre contre les inégalités qu'on subit toutes, c'est déjà pas mal, non ?"

Il y a des récits en forme de conte, qui nous replongent dans l'enfance avec des yeux adultes - Lydie Salvayre - :
"Mais il arrive que nous soyons saisies d'une certaine mélancolie, parce que les Barbe Bleues continuent envers et contre tout, à sévir et à se reproduire. Alors nous montons tout en haut de la tour, nous resserrons nos rangs, nous observons les alentours et nous affûtons nos pointes."

Et nos illusions d'enfants peuvent prendre la forme d'une chanson, quand Ovidie nous remet les pieds sur terre, de façon abrupte, en disséquant A cause des garçons dont je ne résiste pas à l'envie de retourner voir le clip pour vérifier que ce qu'elle raconte est vraiment vrai… https://m.youtube.com/watch?v=uuF7-uT1xlE

Certaines, comme Iris Brey évoquent la maternité, l'accouchement mais surtout le besoin de contacts charnels entre femmes :
"Tendre la main vers une autre, c'est l'amener vers soi, la tirer de ce qui l'englue, de ce qui peut-être même la tue, pour aller ensemble vers le mouvement."

On peut d'ailleurs s'interroger sur cette place que prend la maternité dans la vie d'une femme et le prisme à travers lequel certaines vivent la sororité ou le féminisme. Faut-il forcément être mère pour être femme ? Ce n'est pas mon avis mais je perçois ceci chez Fatima Ouassak.
"A nous de politiser notre rôle de mère, notre quotidien, nos combats. Devenir des dragons puissants."

On aborde aussi la question sous un angle politique avec Kiyemis :
"La réalité, c'est que la sororité politique, la vraie, est difficile. Elle est difficile parce qu'elle appelle à une volonté de changement collectif et que nous sommes dans une ère qui incite à se recroqueviller sur nos cercles très réduits."

Et aussi avec Camille Froidevaux-Metterie :
"Pendant qu'elles sont ainsi accaparées par l'exigence de modeler leurs visages et leurs corps au moyen de filtres magiques, pendant que leurs mères s'échinent à perdre du ventre, à muscler leurs fesses et à gommer leurs imperfections, le monde des hommes continue de tourner sans elles. Tout ce temps passé à s'embellir et à quêter une attention fugace constitue du temps perdu pour les études et pour les projets, ce sont alors autant de possibilités de conquêtes qui s'évanouissent."

Au final, on s'interroge : la sororité est-elle vraiment possible ? N'est-ce pas une utopie ? Ne faudrait-il pas lui préférer l'adelphité, comme le suggère Lauren Bastide ?
"A terme, nos énergies sororales se transformeront en une prise concrète de pouvoir, un vrai "nous". Pas un "nous" forcé par je ne sais quel destin biologique, un "nous" de coopération et de cooptation, une vraie réponse à leur boys'club. Et chaque fois qu'ils ressentiront un instant la chaleur cuisante de la honte, le petit pincement de la lose, le serrement de la peur, chaque fois qu'ils perdront une poignée de cheveux, débanderont trop vite, arriveront derniers, ils sauront que c'est notre sororité qui les mate. La sororité est révolution féministe."

Un ouvrage à lire. Parce que la variété et la densité des textes séduisent même si ils sont selon moi assez inégaux. Parce qu'il invite à la réflexion sur nos rapports entre femmes mais aussi envers les hommes. Parce qu'il cite ses sources et ouvre des perspectives pour qui s'intéresse au sujet.
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