Lecture par l'auteure accompagnée de Benoist Esté Bouvot
Au creux des légendes ancestrales, il se chuchote que bien avant Eve fut créée la toute première femme. Son nom était Lilith. Née de la glaise en même temps qu'Adam, elle n'eut de cesse de revendiquer l'égalité. Mais la phallocratie règne sur les textes sacrés autant que sur les mythes : de s'élever face à l'homme, Lilith se trouve punie. Aujourd'hui, elle revient raconter son histoire, à l'heure où la révolution féministe se poursuit.
Lecture musicale créée au festival Terres de paroles 2022.
Il n'y a que l'amitié et la sororité qui préservent de l'abîme. Mode de vie adapté, en cercle se regrouper, s'organiser pour rire et ne pas crever toute seule.
À lire
Chloé Delaume, le coeur synthétique, Seuil, 2020.
Lumière par Patrick Clitus, son par Lenny Szpira
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Adélaïde consulte les statistiques. En France, 14 % des hommes en couple ont rencontré leur partenaire sur leur lieu de travail. 12 % d’une autre manière. 11 % dans une fête ou une soirée privée entre amis. 10 % sur leur lieu d’études. 10 % via un site ou une application de rencontre. 9 % dans un bar ou un restaurant. 7 % dans un bal, une fête publique. .............Adélaïde se demande ce que c’est, ces 12 % rencontrés d’une autre manière. Ce que ça laisse comme champ à part chez le boulanger ou peut-être le dealer. À moins qu’ils ne soient eux-mêmes considérés comme une zone d’activité commerciale.
C’est l’histoire d’une peur bleue qui se regarde dans le miroir. L’histoire d’une solitude qui se conjugue pour survivre. Adélaïde Berthel, c’est une faille comme une autre, moins longue mais plus profonde que celle de San Andreas.
Ce qu’est pour moi l’autofiction, le dire, le raconter. Le compte rendu d’un Je qui s’emploie à s’écrire, ce que ça peut signifier. Vivre son écriture, ne pas vivre pour écrire. Ecrire non pour décrire, mais bien pour modifier, corriger, façonner, transformer le réel dans lequel s’inscrit sa vie. Pour contrer toute passivité. Puisque. On ne naît pas Je, on le devient.
Adélaïde échappe de peu à la promotion de Plus forte que la douleur, le témoignage de Martine C., une orpheline handicapée atteinte d’endométriose. Mais elle hérite du premier roman d’une présentatrice de télé particulièrement exigeante, chaque jour au téléphone elle doit lui faire un point. Son roman est très mauvais, mais ses amis nombreux, aussi la couverture presse se fait-elle impressionnante.
Il y a plus de femmes que d’hommes et ils meurent en premier. À défaut d’être lesbienne, il faut être inventive.
Adélaïde pense à ce sondage repris par France Info : 14 % des couples se sont formés dans le cadre de leur vie professionnelle. Soit environ un couple sur sept. Adélaïde se dit qu’à la pause déjeuner, elle passera au CE. Pour l’instant elle minaude un peu dans l’ascenseur.
Maman se meurt première personne.
Elle disait malaxer malaxer la farine avec trois œufs dedans et un yaourt nature. Papa l’a tuée deuxième personne.
Infinitif et radical.
Chloé se tait troisième personne.
Elle ne parlera plus qu’au futur antérieur.
Car quand s’exécuta enfin le parricide il fut trop imparfait pour ne pas la marquer.
Hermeline saisit très bien l'angoisse qui étreint ses amies, cette histoire de seconde partie de vie. Elle sait que c'est autre chose que la crise de la quarantaine, celle où tout le monde étouffe et fait un tas de conneries, celle où tout le monde se prouve qu'il est encore vivant. Cette fois ci, rien n'explose, tout se dissout lentement.
Clotilde évoque les Na, une ethnie de Chine, des agriculteurs qui vivent près de l’Himalaya, les traces de leur existence remontent à Marco Polo. Ils sont 30 000 et ont toujours vécu sans l’institution du mariage et la notion de paternité. Les frères et les sœurs na partagent tout et élèvent ensemble les enfants qu’ont eus les femmes. Leur dicton : La part de l’homme dans la reproduction est comme l’action de la pluie sur l’herbe des prairies, elle fait pousser, sans plus.
Lettre de Chloé Delaume
Paris, le 27 décembre 2007
Chère Madame La Mort
(…)Vous m'avez forcée à survivre, et cela depuis le début. J'ai tant porté le deuil que mes iris sont noirs et mes paupières de crêpe, vous m'êtes si familière que je pourrais vous dire tu. J'ignore votre dessein concernant les remugles de ma famille maternelle. Il reste la tante et son époux, leur fille et surtout la grand-mère. A chaque Noël, j'espère que me vienne ce cadeau, ils seraient en voiture et ce serait terminé. Car je me languis, voyez-vous. Je n'en peux plus d'attendre qu'une bonne pelletée de terre referme la crevasse, je me suis reconstruite mais sur des courants d'air. Ce n'est pas ma faute, j'ignorais le mensonge, la faute originelle. Je croyais que maman était juste malheureuse et papa très méchant, jusqu'à trente et un an, j'avais foi, j'avais vu, je ne savais que ça et ramassais les pierres ".