"Hadji se retourne dans son lit. Il est bien trop heureux. Il ne trouve pas le sommeil. Il rit et il soupire. Il rêve éveillé. Quel rêve ! Pourvu qu'il ne se finisse pas ! Si là, dans la chaleur étouffante et dans l'obscurité, il se tenait debout et si l'argent montait comme lors d'une inondation, depuis la plante des pieds jusque par-dessus la tête ? Oh, comme il serait heureux ! Avant de rendre l'âme, Dieu se représenterait à lui. Que la mort ait une faux en or et il n'en saisirait pas moins son tranchant à deux mains !"
"_Eh bien, tout revient, même les eaux retournent auprès de Dieu, tout sauf la jeunesse."
(Extrait de la nouvelle "Neghinta")
"... qu'est-ce que cette histoire de Hadji Tidose ?
Idéalement, c'est une voix douce, dans un français impeccable qui vous répond : ne vous inquiétez pas, cela se soigne, il s'agit d'une simple avarice, et votre humour s'en chargera en partie. Je penserai à ajouter une dose homéopathique de littérature roumaine sur l'ordonnance. Il me semble que c'est très mal remboursé, même par les meilleures mutuelles, mais votre libraire vous fera un prix d'ami."
(Citation tirée de la préface de Gabrielle Danoux)
Au même moment, j’arrive avec un ingénieur du son de la radio La France cultivée pour un utopique micro-trottoir sur la littérature roumaine déguisé en enquête de satisfaction diligentée par la caisse d’assurance maladie afin de connaître l’avis des usagers sur l’accueil modernisé des malades dans les déserts médicaux et à la fin du questionnaire habituel je vous demande, l’air de rien : que pensez-vous de Hadji Tudose ?
Victime de la pugnacité de la dernière grippe, vous venez de prendre place dans la salle d’attente de votre médecin traitant, sans avoir remarqué le changement de plaque à l’entrée du cabinet et l’affiche explicative qui la jouxte :
Le docteur François Deux-ponts qui a fait valoir ses droits à la retraite dans sa quatre-vingt-deuxième année, a l’honneur de vous présenter son successeur le Dr Grigore Dănescu, diplômé de la faculté de médecine de Bucarest.
- Quand un roi ne sait trouver en lui-même la vérité, il ne peut plus l'entendre de personne d'autre !
En quoi le mauvais riche est-il coupable, puisqu’il ne vole ni ne frappe personne ? Si les riches donnaient chaque jour aux pauvres, les pauvres s’enrichiraient et les riches deviendraient pauvres. Qu’aurait-il à y gagner, Dieu ?
(p. 44, Chapitre 5 de la nouvelle “Hadji Tudose”).
– Pauvre Hadji !
– S’il voyait tout ce qu’on a dépensé pour son enterrement…
– Il en mourrait ! observa l’un des vieux.
Enfin, Tudose travaillait et amassait ; il ne buvait pas ; il ne courtisait pas dans le quartier ; il vivait de pain et d’eau fraîche. En dix ans, il était devenu l’associé de son patron et, cinq ans plus tard, il détenait la moitié des parts.
Hadji ne veut rien savoir, qu’il gèle à pierre fendre comme souvent le jour des rois, ou qu’en plein juillet, la chaleur fasse enrager les chiens. Il tremble en hiver et halète en été.