Une des motos fit un écart pour prendre la fille par le coté et le motard sauta de son engin pour s’élancer à pied vers elle, hurlant en espagnol. L’homme avait sorti son arme mais ne tirait pas et sans rien lui répondre elle se retourna et lui fonça dessus, ils tombèrent enchevêtrés au sol. Ce fut elle qui se libéra en premier, roulant dans le sable et le plaquant au sol, lui écrasant les épaules de ses genoux. Le coup de l’homme se plia en se brisant et quelques secondes plus tard elle était à nouveau debout et courait, le fusil de l’homme à la main.
Tuer n’est pas une fin en soi, c’est un transfert de pouvoirs. (…) Tuer avec sincérité est un acte impersonnel, fait sans hésitation, dans l’intention d’atteindre un but précis.
Dans ce monde, quand l'opportunité se présente, certaine personnes doivent être tuées si on veut en épargner cent autres.
Les pierres restent pendant si longtemps au même endroit, elles endurent tant de chaleur, de pluie et de siècles, montant et descendant au gré du niveau du sol, et elles résistent, intactes, seulement pour qu'enfin on les ramasse et se les mette dans les poches.
Les hommes pensent tout savoir du désert comme ils pensent tout savoir de la violence. Mais ils ont tort, pour les deux.
La porte n'avait pas de seuil et la poussière du désert se déversait dan la pièce pour s'y tasser en un sol de terre compacte. A l'intérieur, les vitres jaunies étaient maculées de crottes de mouches. Les murs étaient couverts de paniers tressés empilés jusqu'au plafond bas, et des bouts de rubans ternis pendaient accrochés sur le mur du fond. Un comptoir en formica décoloré par le soleil était marbré de taches brunes comme les mains d'un vieux.
La nuit tombait rapidement désormais, comme si le désert avait pris une respiration collective et réveillé d'un frémissement tous les insectes endormis sous la surface, comme un boeuf tressaillant pour repousser les mouches de son cuir.
Mais quoi de plus implacable que le ciel asséché de l'Utah, blanchissant les crânes, repoussant le sable à l'intérieur des pâturages sans rien offrir pour affronter la destruction chaotique de tout ce qui flottait sur la boue irriguée dans les hauteurs des déserts du sud qui avalaient notre siècle.
Mais quoi de plus implacable que le ciel asséché de l'Utah, blanchissant les crânes, repoussant le sable à l'intérieur des pâturages sans rien offrir pour affronter la destruction chaotique de tout ce qui flottait sur la boue irriguée dans les hauteurs des déserts du sud qui avalaient notre siècle.
C’était Awan. Il s’avançait en titubant sous la formation rocheuse, le bras levé, un trou saignant dans la cuisse, son pistolet dans une main et la bouche ouverte s’apprêtant à crier quelque chose. De l’autre côté de l’arche un bras apparut et lui plongea une hache en travers du crâne. Il tomba à genoux puis s’effondra, visage contre terre, et son sang se répandit, translucide sur la lame d’acier.
La fille passa devant Smith et s’élança vers le vieil homme, elle se passa le fusil en bandoulière et bondit par-dessus un rocher avant de s’accroupir, elle lui souleva alors la tête et la posa sur son genou, et l’espace d’un court instant son geste sembla comme empreint d’affection, avant qu’elle appuie son coude contre la tempe d’Awan et arrache la hache de son crâne, saisissant au passage le pistolet dans sa main.