Chaque homme a un morceau de métal qui l'attend à la fin, qu'il s'agisse d'une balle, d'un couteau ou d'un lit d'hôpital, et tout acte qui rallongera ses jours au-delà du nombre qui lui a été imparti ne pourra jamais être gratuit.
Le pouvoir ici n'est pas une force brute mais le nombre de jours alloués à chacun d'entre nous.
Chaque homme naît avec une quantité définie de pouvoir, un pouvoir que certains essayeront d'amasser par la violence, alors que d'autres iront le tester, par la violence également.
Le sang rouge, désormais violet et tirant vers le noir après être passé par le filtre de sa chaussette en laine et s'être mélangé à la sueur du cuir de sa chaussure, coulait en noircissant une fleur brodée sur le côté de sa botte de cow-boy. Une goutte s'y accrochait et le reste s'écoulait, coulant et coulant et formant une flaque dans le désert comme de l'encre fraîche jetée sur le sable. En se répandant et s'imprégnant ainsi, il ramollissait un sable qui n'avait pas vu d'eau depuis six mois, excitant les larves de créatures microscopiques restées jusque-là endormies dans l'attente de son retour. Ce liquide chaud, plus frais pourtant que le désert lui-même, s'infiltra en formant des pétales ou des cicatrices dans les profondeurs du sable, jusqu'à atteindre les nids remplis d'oeufs de papillons de nuit et de puces de sable sous la surface, les faisant alors éclore collectivement et absorber cette eau avant qu'elle s'évapore de nouveau, aussi vite qu'elle était arrivée, les papillons mourant avant de disparaître à leur tour, un instant seulement après avoir été créés par le sang et la sueur échappés de la botte d'un vieil homme.
La lune s'était levée, occultant les étoiles agglutinées autour d'elle alors que les autres rampaient lentement le long de l'horizon, poussées par la rotation de la Terre et la progression de la nuit.
Un orage éclata au loin à l'est et les éclairs étirèrent leurs doigts électriques, fondant le sable en veines de verre enfouies si profondément dans le sol que personne de notre ère n'aurait la chance de les voir.
À partir de maintenant, t'es jetable. Peu importe l'utilité que cette fille te trouvait jusque-là, elle a eu ce qu'elle voulait. Elle est en sécurité ici, et elle a du boulot. Alors si elle se trouve à avoir besoin, ou même envie, de te buter, plus rien n'assure ta survie. Et crois-moi, ces situations finissent toujours par arriver.
A propos de ce qui nous entoure : ce lieu prélève une taxe sur nos êtres. Lorsque tu l'utilises, il t'utilise en retour. Lentement, morceau par morceau.
- T’es toujours vivant ?
- Je respire. Et toi ?
- Je respire.
Mais que signifiait vieillir sinon se décomposer, et si vous pouviez vaincre la terre alors vous pourriez vaincre votre fin à jamais. Etre renouvelé, laver le sang de votre visage, vivre de nouveaux printemps de bétail et de récoltes, encore, encore et encore et encore.