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Critique de PamRamos


Il faut dire que la couverture ne pouvait pas me rater, bisonophile en puissance tolérante sur les autres bêtes à cornes... il faut dire aussi que le titre claquait au vent, que le nom de l'auteur était euphonique, que le Seuil est l'éditeur de Sabato. Il y avait marqué Cormac McCarthy en petit, comme pour souligner quelque chose de maudit.
Derrière, les mots de la promotion indiquaient un western électrique et ultra-violent, la bio de l'écrivain, plaquée à côté de la photo d'une blonde au regard hanté, échappée d'American Horror Story, annonçait que Rae DelBianco avait abandonné l'élevage de bovins pour s'enfermer avec sa grand-mère de 88 ans afin d'écrire, enfin, vous voyez, le paquet Violente Rurale Amérique fascinante, offre à tes anciens dieux européens fatigués une nouvelle voix à dévorer...
Mais la promesse du moteur tonitruant n'a pas pu tenir la route et, à mi-chemin, je lâchai le morceau, bolide en panne.
Un morceau sanglant, poussiéreux et terreux, poisseux et brutal dès la scène d'entrée où le troupeau de Wyatt est décimé (du nom exact, puisqu'une bonne dizaine de têtes tombent dans la nuit, sous les balles d'un ennemi invisible). Celui-ci, vivant seul avec sa jumelle après des circonstances tragiques qui nous seront révélées au compte-goutte, part en chasse contre son agresseur à travers un Utah désertique et halluciné, pour tenter quelque chose plutôt que l'impuissance de devoir quitter les terres familiales à la suite d'un massacre qui les laisse, lui et sa soeur, exsangues à tout point de vue.
Mais si tout le détail de la chair coulante, suppurante, maculée, noircie, ensablée nous est déployé le long de laborieuses descriptions souvent confuses, il me semble que le couteau peine à passer sous le cartilage. On sent Rae DelBianco obstinée (en survol, lisant à partir de la page 140 une poignée de pages toutes les 20 pages jusqu'au final, pour comprendre sa construction et son choix romanesque), acharnée même à tourner autour de la plaie, de la mise à mort, de la survie en de sinistres conditions physiques, jusqu'au bout de l'épopée, essouflée à tirer sur tout ce qui bouge et faire souffrir convenablement ses tristes sires, mais de sa fosse sceptique, de son ventre pourri à elle, rien, je n'ai pas trouvé un seul son vibrant dans ce fracas, un son qui ne soit déjà désossé, à qui on aurait donné une chance de vivre. Les descriptions même, morceaux de phrases apposées avec des "et, ..., et...." à n'en plus finir, ne trouvent que de brefs envols aussitôt retombés, et l'effet viscéral ne fonctionne pas, les entrailles étant déjà sèches, à peine sorties. Bien sûr que la comparaison à McCarthy s'imposait, mais certes pas dans le sens de l'éloge. Plutôt dans le sens d'une cible qu'on a raté, à trop vouloir mimer un enfer qui ne peut pas simplement se travailler : le rythme, la musique de la phrase, surtout si tu dois filer à 180 km/h dans un pickup, ou encastrer ta moto dans un poney sauvage, la beauté d'une vision même - surtout - de violence infinie, c'est cette grâce injuste dont tu es dotée ou non et qui me semble, à moins que cela ne soit un problème de traduction (je ne suis pas compétente pour en juger), absente de ces pages. Décidément, je peine à trouver le livre total que j'affectionne particulièrement, dans cette rentrée littéraire : fond, forme, surprise et insolence.
Sans passion mais sans rejet, mais n'ayant pas le coeur d'y passer plusieurs heures encore, je rends À sang perdu à son destin, ne lui souhaite pas de mal mais ne peux rien pour lui.
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