Ce n'est pas parce que la statistique dit que c'est vrai collectivement que cela l'est individuellement.
En fait on assiste à une sorte de médicalisation de l'existence. Certains parlent aussi de psychologisation. Je pense pour ma part que le système accentue la mauvaise conscience de chacun d'entre nous. L'individu est le seul responsable de ce qui lui arrive. Cela entraîne une culpabilisation massive.
Manifestement, aujourd'hui les conditions de vie favorisent la souffrance psychique des enfants. Je parle de la vie trépidante qui empêchent les gens d'avoir suffisamment de temps pour leurs enfants, ou qui, lorsqu'ils s'en occupent, c'est de façon trop proche, ils sont sur leur dos tout le temps avec trop de pression. quoi qu'il en soit, les parents font la plupart du temps ce qu'ils peuvent, et cela constitue la base à partir de laquelle nus allons travailler ensemble autour de leur enfant.
Le problème n'est donc pas de culpabiliser les parents, ils le sont déjà suffisamment, mais de les faire sortie de la culpabilité pour retrouver la responsabilité. Je dis souvent que la culpabilité , c'est la part dépressive de la responsabilité parentale.
Pour Bleuler, le schizophrène - c'est d'ailleurs lui qui invente le mot - n'est pas quelqu'un qui serait moins intelligent à cause d'une démence survenue précocement, c'est quelqu'un dont la psychose l'empêche d'utiliser toute son intelligence. Il décrit ces mécanismes et il aboutit à la dissociation, c'est à dire à la séparation entre le langage et le vécu corporel, processus de base de la schizophrénie.
Ce qu'il dit, c'est que la relation humaine ne constitue pas un supplément d'âme, un geste pour consoler ou pour faciliter la prise de médicaments, mais elle est le soin, qu'elle est la psychiatrie
Je me souviens d'un patient schizophrène que j'ai connu lors de mon internat, qui avait des hallucinations auditives. Il entendait ses parents lui parler fortement ou faiblement selon les moments. Je l'écoutais mais j'étais un peu sceptique, je dois l'admettre. Un matin, en arrivant dans le service, j'apprends que le patient en question a été hospitalisé en urgence au CHU, en chirurgie ORL, parce que les voix qu'il entendait étaient pour lui tellement cruelles, tellement insupportables, qu'il avait volé un tournevis dans une boîte à outils et s'était percé les deux tympans pour ne plus les entendre. [...] La logique du corps est hyperréaliste: le patient croit que les voix qu'il entend viennent d'ailleurs et il pense qu'en se perçant les tympans, il va s'en débarrasser. L'intervention du psychiatre dans ce cas-là consiste à essayer de réintégrer le problème dans l'histoire du sujet - celle de la relation à ses parents pour ce qui concerne ce patient [...]. Il faut en réalité l'aider à penser la situation qu'il traverse.