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Critique de Christophe_bj


En 2003, Guy Delisle part vivre quelques mois à Pyongyang pour superviser le travail de sous-traitance de dessins animés que la société dans laquelle il travaille a confié à la SEK, un organisme (on n'ose pas dire une entreprise) de Corée du Nord. ● Toujours flanqué d'un guide et d'un traducteur, il observe avec finesse et stupéfaction l'effroyable régime des deux Kim, Kim Il-sung, le père et fondateur, et Kim Jong-il, son fils (Kim Jong-un ne vient au pouvoir qu'à la mort de son père en 2011 et on sait maintenant qu'il ne sera pas mieux – euphémisme…). ● J'ai beau lire de nombreux livres sur ce pays, je suis toujours abasourdi qu'un tel régime puisse encore exister au XXIe siècle. Je crois que malgré des livres comme celui-ci, il nous est impossible d'imaginer ce que doit être la vie là-bas. Guy Delisle vit à Pyongyang, où la vie est bien moins difficile que dans les campagnes, alors qu'est-ce que ce doit être… ● Dans ce pays le moins démocratique du monde selon The Economist, la liberté est inexistante, le culte de la personnalité omniprésent, la paranoïa érigée en système de gouvernement. Toute l'existence doit être dévouée au régime. On travaille six jours sur sept et le septième ou lors de son temps « libre », on exécute des actions de « volontariat » toujours dirigées vers la gloire des Kim. Bref, on n'a pas une minute à soi. Pas de loisirs. Si l'on a la chance d'aller au cinéma, c'est pour voir des films de propagande. A la télévision, de la propagande aussi, sur la seule chaîne qui existe (deux chaînes le dimanche). ● Peu de nourriture, distribuée par l'Etat en fonction de la place qu'on occupe dans la hiérarchie ; peu d'électricité. Et, dans les rues, pas de handicapés : où sont-ils ? demande Guy à son guide ; Il n'y en a pas, la Corée du Nord est une nation saine, lui répond-on… Cela fait froid dans le dos. ● On vit dans la terreur permanente de faire un faux pas, celui-ci pouvant simplement consister à laisser se salir le badge de Kim qu'on est obligé de porter ou son portrait qu'on est obligé d'afficher. ● Guy Delisle apporte dans ses bagages 1984 de George Orwell et c'est une lecture appropriée. Il le prête à son traducteur qui après avoir lu quelques pages s'empresse de le lui rendre avec effroi. ● L'auteur pose une question qu'on ne peut pas ne pas se poser : que pensent-ils vraiment au fond d'eux-mêmes, tous ces gens ? Question qui ne peut trouver de réponse puisqu'ils ne peuvent pas le dire. ● Une infime minorité a eu le privilège de voyager à l'étranger ; tous les moyens d'information sont canalisés par l'Etat ; les radios sont bloqués sur deux stations ; que savent-ils du monde extérieur dans ce pays claquemuré, ces habitants pris en otage par une dynastie barbare, cruelle et sanguinaire qui ne pense qu'à se maintenir au pouvoir et dans ses privilèges pendant que la population souffre (2 millions de morts dans la famine des années 1990, ce n'est pas vieux, pendant que le premier client de la marque de cognac Hennessy était justement la Corée du Nord…). ● le récit graphique de Guy Delisle est passionnant ; il essaie, souvent en vain, de découvrir l'envers du décor ; même s'ils ne sont pas dénués d'un humour pince-sans-rire, ses dessins rendent bien compte du malaise qu'il éprouve face à l'absurdité généralisée qui l'entoure dans ce pays où règne l'horreur.
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