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Critique de Lenocherdeslivres


L'arnoire a fait la richesse de Korost. Enfin, d'une partie des habitants de cette prospère cité. Car seuls les forgiers et ceux qui gravitent autour du travail de ce matériau ont réussi à se bâtir une vie enviable. Les autres mènent une existence au mieux supportable, au pire misérable. Mais les tensions montent, d'autant que la guerre avec le voisin tourne mal. le chaudron qui bout va finir par exploser.

On se trouve, à Korost, devant une cité assez classique dans ce type de littérature (et dans la réalité, il faut bien le dire). Extrêmement hiérarchisée. Avec ses classes sociales privilégiées par la naissance et l'appartenance au groupe des dominants, les forgiers. Avec ses classes sociales défavorisées. Essentiellement les verriers, ceux qui maîtrisent la technique non pas l'arnoire, mais de la charbine, ce matériau surabondant dans la région, mais qui n'a pas la puissance mystique de celui qui permet de confectionner des objets indispensables à la vie quotidienne. On retrouve par exemple ce genre de division dans la cycle d'Olangar de Clément Bouhélier : l'opposition entre les deux parties de la ville est nette dans Bans et Barricades 1 et 2 ; les dégâts colossaux d'une guerre avec un voisin puissant dans le volume suivant, Une Cité en flammes.

C'est l'occasion pour les auteurs, en sus d'une histoire entraînante, de distiller une critique sociale. Car ces travers que Romain Delplancq prête à Korost, on les retrouve quasi à l'identique dans nos sociétés où la naissance fait, pour l'essentiel, la réussite. Quelques rares exceptions servent d'exemple aux privilégiés qui affirment ainsi la force de leur modèle et font tout pour ne surtout pas le changer. Il leur réussit si bien. On a un indice sur cette volonté de l'auteur d'en découdre avec les inégalités dans les remerciements : « Ce livre doit aussi son âme à tous les hurluberlus qui ont rêvé d'émancipation et dont les écrits me sont passés entre les mains, de Karl Marx à Louisa Yousfi en passant par Gramsci, Friot, Fanon, Luxembourg, Weil et les autres. »

Et Korost est un parfait exemple de lieu où sortir de sa condition est quasiment impossible, tant le mépris est monnaie courante, tant l'éducation a imprimé ses critères dans l'esprit de tout un chacun. Ainsi, Istven, jeune homme venu du bas mais qui, grâce à son travail exceptionnel à l'école, a su se hisser jusque dans l'école des maitres de l'arnoire. Au quotidien, il comprend vite qu'il ne possède pas les codes et que la plupart de ceux qui le côtoient, venus de la classe supérieure, n'acceptent pas sa promotion. Ses origines leur déplaisent et ils n'ont de cesse de l'ignorer, de le rabaisser, de l'humilier. D'ailleurs, si Istven en arrivé là, ce n'est pas grâce à la société de Korost. Mais plutôt malgré elle. En effet, c'est la volonté et la force de caractère d'une institutrice, Enik, qui lui a permis d'ainsi s'élever. Cette femme a mis toute sa vie au service des enfants, créant une école en douce, sans existence légale, mais connue de tous ceux qui veulent donner une chance à leurs filles et à leurs fils. de l'autre côté, nous suivons également Katlik, jeune fille de bonne famille qui vient de perdre son frère à la guerre et qui ne s'en remet pas. Elle va mener une enquête pour découvrir qui était vraiment son frère, car elle s'est aperçue qu'elle ne le connaissait pas dans son entièreté. Et, évidemment, sans le savoir, elle va mettre son nez où il ne fallait pas. Au centre de ce secret qui risque de mettre à mal sa ville et sa hiérarchie pesante. Au centre du conflit qui va bientôt arriver aux portes de Korost et bouleverser de façon irrémédiable toutes les existences.

Même s'il ne révolutionne pas (sauf dans ses propos) la littérature de l'imaginaire, ce roman de Romain Delplancq offre un beau moment de lecture (et quand je dis beau, je parle aussi de l'objet, avec sa couverture façon vitrail, lumineuse et très réussie à mon goût). Je me suis immergé très rapidement dans son univers foisonnant (si foisonnant, d'ailleurs, que je me suis un peu perdu avec les noms au début, mais les belles cartes et un peu de concentration sont venues à bout de ce balbutiement initial) et j'ai suivi avec attention et inquiétude l'évolution des personnages. Malgré son nombre de pages conséquent, je n'ai pas senti de besoin de faire pause ni eu envie de le lâcher avant d'avoir découvert le fin mot de l'histoire. Une belle découverte, vraiment, qui me donne envie de découvrir les oeuvres précédentes de cet auteur.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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