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Critique de NMTB


NMTB
20 décembre 2014
Le titre est issu d'un énoncé apparemment absurde de Cézanne dans une lettre adressée à Emile Bernard : « Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai. » La vérité sur la peinture ? Par la peinture ? de la peinture ? Non, en peinture. Peut-on voir la vérité en peinture ? On pourrait dire : « Je ne peux pas voir la vérité en peinture. » Mais qu'est-ce qu'on voudrait dire ? Ça peut dire quoi une peinture ? Qu'est-ce que veut dire l'oeuvre d'art ? Qu'est-ce que veut dire « l'oeuvre d'art » ? le sujet de ce livre n'est ni la vérité, ni la peinture (il n'est question de la vérité en peinture que dans le dernier chapitre) mais le discours sur l'art. Étude sur la sémiologie du discours philosophique sur l'art, mise en abyme perpétuelle, les quatre chapitres de ce livre sont, selon Derrida, les quatre bords d'un cadre sur la vérité en peinture. Un encadrement policier. Discours sur le discours, cadre du cadre. Il y a aussi une certaine progression, du transcendant à l'immanent, de l'au-delà à l'en-deçà, de là où « ça suffit » à « l'origine de l'oeuvre d'art », de Kant à Heidegger. En effet, le premier chapitre est en grande partie consacré à la déconstruction du choeur de la cathédrale de Kant : La critique de la faculté de juger. Plus précisément sur ce qui s'attache à ce choeur sans vraiment en faire partie : les notes. C'est-à-dire le parergon, notion kantienne qu'on pourrait traduire par « ce qu'il y a autour de l'oeuvre », l'ornement, ou l'hors d'oeuvre qui adhère. Un chapitre qui demande à être regardé autant que lu. Il faut regarder ce qui est encadré par les traits (si tant est que cela soit possible, de regarder rien). Il faudrait aussi regarder le deuxième chapitre, mais là ce sont les contraintes de l'édition qui rendent impossible ce regard. Chapitre consacré au débordement, à l'oeuvre qui déborde. Il faut encore regarder le troisième chapitre, comme une illustration des reproductions d'une oeuvre de Gérard Titus-Carmel. Ce n'est pas l'image qui est illustrative, qui ornemente, c'est le texte. Maintenant, une remarque qui pourrait paraître hors de propos si je n'avais pas indiqué que ce livre avait pour sujet l'hors d'oeuvre et que ce livre en était lui-même un. Une remarque sur mon livre, non pas comme livre que j'aurai écrit, mais comme objet unique m'appartenant (n° d'éditeur : FH105708. N° d'impression : 05/04/113531), reproduction bon marché d'une oeuvre sans original, sans paradigme. Bizarrement, le quatrième chapitre (qui part d'une polémique entre le professor Schapiro et le professor Heidegger sur une phrase malencontreuse de ce dernier à propos d'une « célèbre peinture » de van Gogh) s'est en grande partie détaché. Je veux dire que les pages se sont littéralement détachées (je rappelle l'importance, dans ce livre, de la notion de détachement, de l'hors d'oeuvre qui adhère), comme si elles n'avaient jamais été collées. Défaut de production accidentel, qui par un coup de dé étrange (mais en vérité, je vous le dis, aussi bizarre que cela paraisse, je jure que je dis la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, toute nue, sans voile) commence à la page 307 (nombre premier) dont le verso reproduit la peinture de van Gogh reproduite en couverture. Toutes ces feuilles (130 exactement, pas 120, ni 127, ni 129) sont coupées du livre-produit (et pourtant, elles font partie de l'oeuvre). Un peu comme l'oreille de van Gogh, qui, même coupée et offerte à une fille publique, est toujours l'oreille de van Gogh (l'organe qui aurait pu entendre ce qu'a promis de dire Cézanne en peinture).
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