C’est le premier geste que j’esquisse en me réveillant. Tous les jours, je reproduis la même chorégraphie. Je tire sur la poignée du tiroir, ni trop vite ni trop lentement. Ma table de chevet est capricieuse, si je ne maintenais pas toujours un tempo égal, elle serait capable de me trahir par un grincement. Puis, je glisse ma main dans son compartiment. Entre mes perruques et les plaquettes de médicaments, je retrouve les contours doux et arrondis de mon smartphone. Petru me force à le ranger avant de dormir. C’est pour mon bien-être, dit-il. Comprendre : pour ma santé mentale. Je n’ai pas besoin d’alarme, mes cauchemars font preuve de régularité. Ils me tirent du sommeil chaque matin à 04 h 04. C’est une heure miroir, ce qui ne peut pas être un hasard. C’est évidemment un signe de Claude pour me dire de poursuivre mon enquête. Les gens du village auront beau continuer à me prendre pour une folle, moi, j’y crois dur comme fer.
Alors, comme toujours, je soulève le couvercle de mon MacBook et je m’en remets à un moteur de recherche. Persuadée qu’il peut remplacer un psy, une mère, et pourquoi pas ma conscience, je lui ouvre mon cœur, remplie d’espoir. La réponse à mon problème est forcément cachée quelque part dans les méandres du web. Il me suffit de taper les bons mots-clés pour la trouver.
Une tonne d’émotions contradictoires me submergent. Des sentiments de colère, de confusion et de douleur m’envahissent. Qu’est-ce qui a poussé mon mari à dépenser autant d’argent sur un tel site ? Qu’ai-je manqué dans notre relation ?
Je perds pied. C'est tout mon monde qui bascule. Plus j'en apprends, plus j'ai l'impression d'avoir vécu avec un homme, mais à côté de lui, sans voir le fossé qui nous séparait. Nous n'avons pas partagé une histoire ; j'en ai fantasmé une.