Dans l’enveloppe, il y a une lettre, des pétales de fleurs du Parc du Moulin, des feuilles de thé, celui qu’on buvait ensemble tous les jours. La lettre, je l’ai écrite hier, pour qu’elle me pardonne. Mais peut-être n’appréciera-t-elle pas ma compagnie. Peut-être qu’elle m’en veut encore de ce que je lui ai dit juste avant qu’elle meure.
J’ai jeté au fond du trou une enveloppe. Je l’ai recouverte avec quelques poignées de terre. Comme ça, Gaëlle ne sera pas toute seule quand on la descendra tout à l’heure.
Juste à côté, une simple plaque grise porte les noms de la mère et de la grand-mère de Gaëlle. Deux femmes. Pas un homme pour les accompagner. Un gynécée souterrain va accueillir mon amie.
Et puis sur ce mont qui domine la vallée de la Slack, on touche le ciel, on voit au loin l’étendue lumineuse de la Manche, on sent le vent effleurer la terre, les tempêtes la rudoyer.
L’emplacement, à l’ombre du mur d’enceinte, n’est pas très bien exposé. Il y aura peu de rayons de soleil pour caresser la terre mais au moins elle est sableuse, comme celle dans laquelle j’enfouis mes graminées. Je n’aurais pas aimé une glaise grasse, pesante.
Les fossoyeurs avaient déjà ouvert la tombe. J’ai regardé la fosse, un trou abstrait, vertigineux.
Avant de venir attendre le fourgon, je suis retournée au cimetière. Il fallait que je voie où ils allaient la mettre. C’est ici que tout a commencé d’une certaine façon : dans ce cimetière de Bazinghen, posé tout en haut du village.
Je me demande si Gaëlle peut encore sentir quelque chose là où elle est, si elle se rend compte qu’elle voyage une dernière fois, si elle perçoit dans ses os le roulis de la route, la vibration du moteur luttant contre la pente, si les virages la bercent encore avant l’immobilité qui l’attend.
Une belle main de pianiste, avec des ongles courts, très soignés. Une main protégée par contrat spécial dans une compagnie d’assurances.
À l’intérieur du fourgon, il y a la boîte en chêne vernis où ils ont allongé Gaëlle. Et puis son père, sûrement. Assis à côté du chauffeur. Les yeux brûlés par le chagrin, tournés vers l’arrière, vers le cercueil, une main posée sur le couvercle en bois.