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Critique de lebelier


Le « Pickwick Club », qui, comme son nom l'indique, a été fondé par l'honorable M. Pickwick, et qui inclut quatre membres éminents, parmi lesquels Winkle, Snodgrass et Tupman, se propose de voyager à travers l'Angleterre pour « étudier la nature humaine ».
On trouve, dans ce premier roman de l'écrivain, paru en feuilleton, composé un peu au fur et à mesure, comme on pouvait justement voyager à cette époque et assemblé grâce à ses personnages récurrents , formant un tout un peu picaresque, une série de tableaux, de photographies, de miniatures de l'Angleterre du XIXème siècle et dans lesquels transparaissent les thèmes chers à Dickens : la naïveté un peu angélique(Pickwick) , l'amitié désintéressée (Wardle ), la fidélité des serments (Sam Weller) ainsi que le personnage du profiteur,Jingle, préfiguration du Uriah Heep de David Copperfield ou du Skimpole de la maison d'âpre-vent mais qui reçoit la leçon convenue.
L'originalité de Dickens à l'époque, bien sûr encore, à 24 ans lorsqu'il écrit le roman, encore influencé par ses lectures et notamment les romans picaresques de Smollet ou de Goldsmith ainsi que par le Don Quichotte de Cervantes ou le Gil Blas de Lesage, est d'avoir attribué à son héros, un serviteur digne de Sancho Pança en la personne fictive de Sam Weller et d'avoir utilisé les origines cockneys du personnage et de son père, figure éternelle du taxi-driver londonien, en les faisant parler « cockney sur le papier, où les « W » deviennent des « v » et vice versa. le langage « oral » des deux personnages est un régal. Comme tout roman « picaresque » il est donc question de rencontres, de retrouvailles fortuites, d'aventures en tout genre et d'intrigues amoureuses qu'il faut résoudre : convaincre les parents et aider aux rencontres clandestines. Ce à quoi s'emploient M. Pickwick et son fidèle serviteur.
De la même façon, Dickens introduit ce comique de situation très anglais, ce fameux « humour » qui nous a poursuivi jusqu'à Mr Bean, où la naïveté, la bonne foi et l'étourderie de Monsieur Pickwick le mènent parfois dans de drôles de draps, dans la chambre d'hôtel d'une dame par exemple, tant le personnage s'est fourvoyé dans le dédale des couloirs à la nuit tombée. Dickens excelle à narrer ce genre d'histoires avec style, vocabulaire choisi et juste ce qu'il faut de truculence (je n'aime pas ce mot mais je n'en ai pas d'autre qui me vienne….)
Cet aspect donquichottesque du roman permet la distanciation nécessaire à l'attaque assez virulente contre les hommes de loi sans scrupules, fil rouge de l'oeuvre dickensienne, qui emprisonnent les pauvres criblés de dettes à «The Fleet » où se retrouve même notre héros qui est accusé d'avoir rompu une promesse de mariage qu'il n'a faite que par quiproquo, enflammant l'imagination de sa veuve de logeuse. Monsieur Weller père d'ailleurs dit de toujours se méfier des veuves. Surtout, ces hommes de loi ne cherchent qu'à s'enrichir en poussant les gens à porter plainte : ils récupéreront toujours leurs fonds. Telle est la spécialité du cabinet Dodson et Fogg (qui profite bien du « brouillard » des lois !) Dickens montre comment, dans ces conditions, peut germer l'idée de vengeance.
Les aventures de Monsieur Pickwick sont en fait une longue série d'anecdotes assez souvent, du moins au début, racontées par un personnage haut en couleurs rencontré ici ou là au fur et à mesure des voyages des protagonistes du Pickwick Club. Dickens utilise donc à l'envi le procédé de l'histoire dans l'histoire, mises en abymes des expériences humaines parfois teintées de fantastique (apparition de fantômes et comique de situation). On notera, chez Dickens une grande subtilité stylistique qui s'adapte à chaque situation ou personnage et multiplie les impressions sur le lecteur ainsi, ce lyrisme grand teint de la description du mois d'août m'a beaucoup touché¨ :

"There is no month in the whole year in which nature wears a more beautiful appearance than in the month of August. Spring has many beauties, and May is a fresh and blooming month, but the charms of this month of year are enhanced by their contrast with the winter season. August has no such advantage. It comes when we remember nothing but clear skies, green fields and sweet- smelling flowers- when the recollection of snow and ice and bleak winds has faded from our minds as completely as they have disappeared from the earth. "

(Il n'est pas un mois dans l'année où la nature a plus belle allure qu'au mois d'août. le printemps a bien des beautés et mai est un mois rafraîchissant et fleuri, mais les charmes de ce mois de l'année sont renforcés par contraste avec la saison hivernale. Août n'a pas un tel avantage. Il arrive lorsque nous ne nous rappelons que les ciels clairs, les vertes prairies et les fleurs aux doux parfums – lorsque le souvenir de la neige, de la glace et du vent âpre s'est estompé de notre esprit aussi entièrement qu'ils ont disparu de la surface de la terre -)

Lorsque tout est résolu, à la fin, le narrateur passe en revue ce que sont devenus tel ou tel et Pickwick, ange bienfaisant, dissous son club et va vivre sa paisible retraite et nous refermons le volume (de 863 pages chez Penguin) en pensant que nous sommes devenus meilleurs et surtout qu'on relira du Dickens l'an prochain.
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