Dans ce roman,
Christel Diehl met en scène une femme et sa fille, enfermées dans une maison après
Enola Game. En choisissant ce nom pour désigner une tragédie dont on ne sait rien, la mère montre à la fois son amour des mots et son désespoir. Car
Enola game est un jeu de mots avec Enola Gay, le nom de l'avion qui a largué la première bombe sur Hiroshima. C'est dire si l'atmosphère qui entoure ce roman est pesante. On peut voir dans ce livre un aspect futuriste. Pour moi, c'est une histoire universelle, malheureusement partagée par de nombreux peuples en guerre. D'ailleurs, cette mère, comme sa fille, n'a pas de prénom. Elle représente toutes les mères dans la tourmente de la guerre, qui doivent oublier leur angoisse pour protéger leur petit.
Christel Diehl a délibérément choisi de gommer tout repère si on excepte le nom du village de montagne, le Huttes, qui fait référence à un endroit où l'auteure a passé de merveilleuses vacances d'été lorsqu'elle était enfant.
C'est un très bon roman sur la maternité, d'autant que l'auteure a eu l'intelligence de faire partager à cette mère son quotidien avec sa benjamine mais d'avoir éloigné son aînée, ce qui provoque le manque et c'est dans les gestes que cette mère fait en pensant à son aînée qu'elle m'a émue, tout comme m'a émue le magnifique épilogue. Parmi ses influences littéraires concernant le thème du déchirement et du choix qui sont liés à la maternité,
Christel Diehl cite les sublimes Maus de Spiegelman et le Choix de Sophie de Styron.
Mais cette histoire est aussi l'occasion de réfléchir à la sur-consommation. C'est quand on n'a plus rien qu'on réapprend le goût des aliments mais aussi celui de la musique.
Confrontée au choix étourdissant que lui offrait cette discothèque quasi-infinie, elle écoutait presque moins de musique que jadis, lorsqu'elle s'offrait de temps à autre un disque convoité, se hâtait de rentrer à la maison, déchirait son emballage plastique avec fébrilité et se calait dans un fauteuil pour jouir ad libitum de la mélodie.
Christel Diehl écrit là son premier roman dans une langue qui m'a charmée à chaque page, avec des comparaisons toujours justes.
Elle a aussi un don pour camper les décors, si bien que je me suis à la fois senti au théâtre pour le huis-clos mais aussi au cinéma tant j'avais l'impression de visualider les scènes d'extérieur. D'ailleurs, maintenant que son roman est publié,
Christel Diehl songe à une adaptation cinématographique, tout en étant consciente de la difficulté de trouver un enfant qui joue juste.
Lien :
http://vallit.canalblog.com/..