C'est ça la guerre : c'est quand Dieu est en retard sur la musique des hommes, quand Il n'arrive pas à démêler les fils de trop de destins à la fois.
Fary m’aimait plus que l’honneur de son père qui n’en avait pas.
Par la vérité de Dieu, toute chose porte en elle son contraire. Jusqu’à la troisième main, j’étais un héros de guerre, dès la quatrième je suis devenu un fou dangereux, un sauvage sanguinaire. Par la vérité de Dieu, ainsi vont les choses, ainsi va le monde : toute chose est double.
Si à ce moment-là ses yeux bleus ne s’éteignent pas à jamais, alors je m’allonge près de lui, je tourne son visage vers le mien et je le regarde mourir un peu, puis je l’égorge, proprement, humainement. La nuit, tous les sangs sont noirs.
Quand on leur dit de faire les sauvages pour faire peur à l’ennemi, c’est « oui ». Le capitaine leur a dit que les ennemis avaient peur des Nègres sauvages, des cannibales, des Zoulous, et ils ont ri. Ils sont contents que l’ennemi d’en face ait peur d’eux. Ils sont contents d’oublier leur propre peur. Alors, quand ils surgissent de la tranchée leur fusil dans la main gauche et leur coupe-coupe dans la main droite, en se projetant hors du ventre de la terre ils posent sur leur visage des yeux de fous
Mais j’étais devenu libre de ne plus les écouter, de ne plus obéir à ces voix qui commandent de ne pas être humain quand il le faudrait.
Traduire, c'est prendre le risque de comprendre mieux que les autres que la vérité de la parole n'est pas une, mais double,voir triple, quadruple ou quintuple.
Par la vérité de Dieu, si j'étais déjà devenu celui que je suis maintenant, je l'aurais égorgé comme un mouton de sacrifice, par amitié. Mais j'ai pensé à mon vieux père, à ma mère, à la voix intérieure qui ordonne, et je n'ai pas su couper le fil barbelé de ses souffrances.
Je n'ai pas été humain avec Mademba, mon plus que frère, mon ami d'enfance. J'ai laissé le devoir dicter mon choix. Je ne lui ai offert que des mauvaises pensées, des pensées commandées par le devoir, des pensées recommandées par le respect des lois humaines, et je n'ai pas été humain.
Ce n’est qu’à ta mort, au crépuscule, que j’ai su, j’ai compris que je n’écouterais plus la voix du devoir, la voix qui ordonne, la voix qui impose la voie. Mais c’était trop tard.
C'est ça la guerre: c'est quand Dieu est en retard sur la musique des hommes,quand Il n'arrive pas à démêler les fils de trop de destins à la fois.