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Critique de michelblaise


"Il n'y a pas de sagesse au-dessous de la ceinture". (Matthew Hale)

Yumi, jeune demi-mondaine, habite un appartement dans une résidence de Séoul. Un soir, seule dans sa chambre, elle parle au téléphone avec Kim, son petit ami, distant de plusieurs kilomètres. Soudainement, celui-ci entend sa copine crier « Au voleur ! ». Yumi vient d'être assassinée.


Kim accourt tout en appelant la police. Quand il arrive, celle-ci est déjà présente devant la porte. Il déverrouille la serrure numérique dont il est le seul à connaitre la combinaison particulièrement complexe. Tandis que tous investissent les lieux, ils aperçoivent dans le séjour deux cadavres gisant au sol : Yumi, assassinée à l'aide d'un poinçon planté dans le cou sur le côté droit, et celui du voisin du dessous, Lee Philo, qui ne cessait de harceler et de terroriser Yumi, poignardé dans le cou également, mais côté gauche et avec un couteau.


L'inspecteur Lee Yuhyeon, chargé de l'enquête, se trouve devant un cas inédit défiant la logique : dans une habitation inaccessible, sauf pour Kim, mais lointain au moment des faits, un homme et une femme assassinés gisent au sol. Aucun indice matériel ne permet de comprendre ni l'arrivée ni le départ de l'auteur des faits. Par où est-il entré, comment est-il sorti, où est-il en ce moment ? Qui est-il ?


Partant, l'inspecteur fixe son attention sur une seule hypothèse : éliminer toutes les personnes dont la culpabilité est a priori absolument inconcevable. C'est dans ces conditions que le gardien de la résidence, Jo Pangeol, comparaît devant le tribunal de Séoul pour la commission du double crime.


Le premier jour du procès imprime définitivement le fiasco de l'enquête criminelle de Lee Yuhyeon. En effet, celle-ci a révélé, du fait de la direction des coups administrés, que l'assassin est droitier. Mais à la faveur d'une curieuse mise en scène à l'audience, le président découvre que Jo Pangeol est gaucher : il ne peut donc être l'auteur des crimes. L'audience est reportée sine die…


Gojin est avocat. Mais il ne fréquente pas les prétoires. Il ne plaide pas. Il ne défend pas. On ne le connaît pas. Il pourchasse « dans l'ombre », afin de les empêcher, les erreurs judiciaires. L'inspecteur a compris que Gojin est secrètement et immédiatement à l'origine de la mise en scène qui a conduit le juge à douter. C'est ainsi que les deux hommes se rencontrent afin de reconstituer l'enquête et de confondre l'auteur des assassinats.


« le Portrait de la Traviata », (Édition Matin Calme (1), 2020) est le premier roman de Do Jinki traduit en français. Do Jinki est un auteur de récits policiers, plus particulièrement de romans à énigmes, très connu en Corée du Sud ; il est surnommé le « John Grisham de Corée ». Il a été magistrat à Séoul avant de se consacrer entièrement à l'écriture. Il a reçu, en 2010 pour son premier polar, le « Mystery Rookie award de la Korean Mystery Artists Association ».


La critique est volontiers favorable au roman de Do Jinki. Mais l'on relève pourtant, ici et là et ici près, quelques avis plus mesurés, certes parfaitement respectables. Mais il faut bien comprendre que « le Portrait de la Traviata » est un roman d'enquête stricto sensu, un roman de détective, un whodunit comme clairement précisé sur le livre. Il ne s'agit pas d'un thriller ou d'un polar classique, mais d'un roman d'enquête dont l'intérêt réside dans la seule résolution quasi mathématique - intellectuelle et psychologique - de l'énigme par l'enquêteur, auquel celui-ci associe activement le lecteur. Si ce point n'est pas acquis, que le lecteur ne consent pas à l'exercice, c'est ce « sous-genre » de polar qui est extrinsèquement la cause d'un divorce entre le lecteur et le récit et non ce dernier fondamentalement. Or, « le Portrait de la Traviata » est un whodunit éblouissant d'intelligence qui conduit le lecteur dans une enquête, très étudiée et minutieuse, mettant à l'épreuve autant ses nerfs que ses neurones afin de tenter de confondre le coupable avant l'enquêteur.


Il convient, cependant, de ne pas faire preuve d'un optimisme démesuré. Do Jinki est brillant. À ce titre, il ne méconnaît pas les finesses et les ruses de l'exercice, à savoir organiser un équilibre habile entre, d'une part, la possibilité laissée au lecteur de trouver la solution, mais d'autre part, s'assurer que celui-ci n'y parviendra pas. de ce point de vue, plus particulièrement, le roman est parfaitement réussi.


Certes, l'auteur a commis quelques entorses aux sacro-saintes règles du roman d'enquête. La plus importante, à mon sens, est, à contrario du whodunit classique depuis la nuit des temps (2), l'insuffisance d'indices matériels disséminés dans le récit permettant sa résolution. En effet, le lecteur découvre de nombreux indices matériels et psychologiques seulement au fil de la lecture et du raisonnement de Gojin sans pouvoir toujours se référer à des indices préalablement divulgués plus ou moins sournoisement. Et puis, une autre dont je ne parlerais pas afin de ne pas mettre ceux qui n'ont pas lu le livre sur la voie du coupable, mais qui comprendront en fin de lecture.


Il n'en demeure pas moins que « le Portrait de la Traviata » est un très bon roman policier d'enquête, bien écrit et bien traduit, que je recommande vivement, comme tous les ouvrages édités par la maison d'édition Matin Calme, à ceux qui veulent découvrir le roman policier coréen.


Bonne lecture,

Michel.


1 – La maison d'Édition Matin Calme présente le mérite de nous permettre de découvrir le roman policier coréen dont les auteurs ne déshonorent pas leurs semblables Français, Anglo-saxons ou encore Scandinaves.

L'Éditeur publie, depuis le début de l'année 2020 des polars essentiellement coréens à la suite du succès mondial d'un auteur suivi par l'éditeur depuis un certain temps, Kim Un-su, grâce auquel elle découvrit, et nous fait connaitre aujourd'hui, une palette entière de l'édition coréenne très peu traduite en France. : « La récente Palme d'Or reçue par Bong Joon-ho pour son génial thriller Parasite ouvre la voie. Nous ferons de notre mieux pour vous offrir les joyaux du Polar coréen dans les mois qui viennent. »

(Source : site officiel Matin calme, extrait, https://matincalme-editions.com/a-propos/


2 - Agatha Christie n'a pas inventé le whodunit. Il y avait déjà d'autres romans policiers avec cette même dynamique avant elle. Mais d'une certaine manière, c'est elle qui lui a donné ses lettres de noblesse. Mais Agatha Christie fut la première à contourner allègrement les règles les plus fondamentales du whodunit (interdiction du criminel/narrateur ; prohibition de plusieurs coupables, etc.…)


Lien : https://fureur-de-lire.blogs..
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