Mon père l’avait enfermée dans le noir, dans le grenier, "pour la calmer" plutôt que de la réconforter ou de la faire soigner. Je sais le coût de cette maltraitance.
Quand on ne possède rien, on peut bâtir un savoir, personne ne nous l’arrachera. Quand on ne comprend plus ni soi-même si les siens, on peut garder espoir en tentant de comprendre le monde.
Qu'il est facile de juger les mères dans un univers de pères partis!
Le présent fait une demande au passé : effacer ces souvenirs douloureux. Pour qu’il ne reste que de la poussière de gomme. Je n’aurais plus qu’à souffler dessus pour qu’ils s’en aillent.
Écrire m'aiderait bientôt à construire des théories sur tes moments où la détestation te transfigurait, à différencier nos actes et nos pensées, à me décoller de toi, à rassembler les parties de ma personnalité que les épiphanies de ta frustration désagrégeaient. Des créatures aveugles et sourdes rampaient dans mes voûtes inconscientes, j'essayais de les rendre figurales. Elles disparaissaient à mesure que je les incrustais dans le papier. Peut-être que cette intention de retranscrire a été mon premier pas vers la psychologie, et peut-être ma première tentative de survie véritable.
J’apprendrais une leçon qui ne me quitterait jamais : la violence n'est pas une personne, pas un trait de personnalité, c'est une tentation, c'est une potentialité.
C'est violent, l'enfance mais je ne le sais pas encore. L'enfance, c'est le lieu du déchirement parce qu'on sait tout mais qu'on ne peut rien dire.
- Tu peux subir. Mais tu peux aussi arrêter de subir
Faudrait-il que j'écrive un livre sur toi pour me sentir moins coupable ? Coupable de quoi ? Écrire sur le chemin entre la colère et le pardon ? Écrire sur cette curieuse inversion des postures, entre l'enfant securable et le parent vulnérable, ne serait-ce pas la reconduire ? Prétendre que j'en suis revenu ne signifie pas l'inverse ?
J’évapore le sang de ce diable familier, je ne garde que ton âme à toi, une aube qui s’en cesse revient.