Traiter dans un roman le deuil, le déracinement et le rapport aux origines sans sombrer dans les clichés et le pathos, cela peut sembler complexe. Pas pour
Olivier Dorchamps, qui signe avec
Ceux que je suis un premier roman à la justesse rare.
Un matin, Marwan Mansouri, prof d'histoire-géo, apprend la mort de son père, garagiste à Clichy. Il retrouve alors ses deux frères pour aller soutenir leur mère et découvrir les dernières volontés de leur père. Celui-ci souhaitait être enterré à Casablanca et voulait que ce soit Marwan, l'ainé, qui accompagne le cercueil dans l'avion. Lui et ses frères ne sont pas particulièrement ravis de retourner sur les terres de leurs parents, là où ils se sont toujours sentis étrangers.
Une fois arrivé chez sa grand-mère, Marwan découvrira l'histoire de celle-ci, jusqu'ici très discrète. L'histoire d'une jeune berbère de 13 ans vendue à une riche famille marocaine. Une histoire douloureuse et lourde à porter qui a profondément atteint le père de Marwan, au point qu'il parte pour la France.
Au gré des récits et des rencontres du passé de son père, il découvrira une histoire familiale complexe et un homme bien au-delà de celui qu'il pensait connaitre. Un homme dont il doit désormais faire le deuil.
Si l'histoire de
Ceux que je suis peut sembler simple de prime abord, il n'en est rien. C'est une histoire à plusieurs strates qui part du récit familial sur le deuil pour aborder aussi le déracinement et la complexité du rapport aux origines. Trois générations jalonnent le roman, et chacune entretient un rapport différent au pays, la France ou le Maroc. Un rapport compliqué, où le rêve, voire le fantasme, cohabite avec une réalité vécue bien différente.
Là où
Olivier Dorchamps marque sa différence, c'est dans le traitement de cette histoire. Sans jamais tomber dans les excès ou le pathos, il évoque les thèmes marquants de ce roman avec délicatesse et pudeur. Une histoire prenante, qui remue le lecteur et vient le questionner dans son propre rapport à l'autre, aux origines et à la différence. Les personnages, profonds et attachants, sont développés avec sobriété et habitent un récit juste, émouvant et teinté d'humour.
L'histoire familiale du récit ne repose pas que sur le roman familial mais aussi sur les relations fraternelles complexes, par moments conflictuelles, et profondes. Des liens qui dépassent parfois même les liens du sang et lient des êtres dans toutes leurs vies, au delà du temps et de la distance. Ces liens qui permettent de faire face à une réalité cruelle que l'on ne peut bien souvent pas affronter seul.
Si les rentrées littéraires ne contiennent pas toujours des pépites, ce roman assurément en est une. Un texte d'une justesse rare qui ne survole aucune des thématiques qu'il traite et marque le lecteur par sa beauté et sa complexité. Un premier roman touchant, qu'on a du mal à fermer, et que l'on espère être le premier d'une longue et belle carrière pour
Olivier Dorchamps.