AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de HordeDuContrevent


Essence pure de Dostoïevski, un condensé de son génie, cette nouvelle. Plus connu pour ses énormes romans, l'auteur russe signe là une nouvelle, très courte mais grandiose. Nous suivons les élucubrations d'un homme qui se dit être ridicule (le terme de ridicule au début du livre est confus…nous savons juste que plus il apprend des choses, plus il se dit être ridicule. C'est pour moi la conscience de notre petitesse face à la science et au savoir). Tentant de prendre de la distance pour devenir du rien, un zéro absolu jusqu'au fond de son âme, sans émotion et sans sentiment, il est prêt à se suicider. le revolver est acheté depuis deux mois, et une nuit particulière sera la bonne : « le ciel était terriblement obscur, mais on pouvait nettement distinguer les nuages, avec, entre eux, des taches noires insondables. Tout à coup, dans une de ces taches noires, j'ai remarqué une toute petite étoile, et je me suis mis à la regarder fixement. C'était parce que cette toute petite étoile m'avait donné une idée : j'ai décidé de me tuer cette nuit-là. ».

Pourtant, la rencontre inopinée avec une petite fille désespérée cette même nuit, détresse qu'il va ignorer et mépriser, fera surgir chez notre homme, face à son revolver, de multiples pensées et interrogations ; il finira par s'endormir. Alors, en rêve, lui est révélée la Vérité.

Dostoïevski nous transmet un message universel, celui du rejet d'une vie guidée par la raison et celui de l'Amour brut, viscéral. « La conscience de la vie est supérieure à la vie, la connaissance des lois du bonheur – supérieure au bonheur, voilà ce qu'il faut combattre ! ». Vivre les choses sans les intellectualiser, être heureux sans savoir pourquoi nous le sommes. L'Amour n'a pas de raison. le narrateur, suite à ce rêve, non seulement décide de vivre mais de prêcher cet Amour. Il devient alors ridicule mais le terme de ridicule prend à la fin de la nouvelle une toute autre signification : ridicule d'y croire, ridicule d'avoir cet espoir d'un retour du paradis perdu, ridicule d'aimer ceux qui se moquent de lui.

Nouvelle messianique, christique…ou plutôt critique du christianisme. Notre personnage critique ce paradoxe de vouloir à la fois ériger des temples, de prier pour un paradis alors que les fidèles font tout pour ne pas le faire advenir : « ils voulurent tellement redevenir innocents et heureux, l'être une fois encore, qu'ils succombèrent devant le désir de leur coeur, comme des enfants, déifièrent ce désir, érigèrent des temples, et se mirent à prier leur propre idée, leur propre “désir”, tout en croyant pleinement, dans le même moment, qu'il était impossible et irréalisable, mais l'adorant jusqu'aux larmes et se prosternant devant lui. ». Suffit-il de croire en un Dieu pour ensuite ne pas vivre selon ses préceptes ?

J'ai aimé dans cette nouvelle son côté fantastique, l'importance accordé au rêve. L'écriture fluide, directe. le ton ironique. A lire pour découvrir le talent de nouvelliste de Dostoïevski, à lire les yeux fermés !
Commenter  J’apprécie          9010



Ont apprécié cette critique (80)voir plus




{* *}