Citations sur Le rêve d'un homme ridicule (67)
L'homme le plus intelligent, d'après moi, c'est celui qui se traite d'imbécile au moins une fois par mois. Mais personne n'en est plus capable aujourd'hui. Autrefois, tout imbécile se rendait compte, une fois l'an au moins, qu'il était réellement un imbécile. À présent, c'est fini. Et l'on a tellement brouillé les cartes qu'il n'est plus possible de distinguer l'homme intelligent de l'imbécile. Ils l'ont fait exprès.
Je suis un homme ridicule. Maintenant, ils disent que je suis fou. Ce serait une promotion, s'ils ne me trouvaient pas toujours aussi ridicule. Mais maintenant je ne me fâche plus, maintenant je les aime tous, Et même quand ils se moquent de moi --- c'est surtout là, peut-être que je les aime le plus. Je me moquerais bien avec eux, pas de moi-même, non, mais en les aimant, si je n'étais pas si triste quand je les vois. Si triste, parce qu'ils ne connaissent pas la vérité, et, moi, je connais la vérité. Oh qu'il est dur d'être seul à connaître la vérité ! Mais, ça ils ne le comprendront pas. Non, ils ne comprendront pas.
Quand ils devinrent méchants, ils parlèrent de fraternité, d’humanité et comprirent ces idées. Quand ils devinrent criminels, ils inventèrent la justice et s’imposèrent toute une série de codes pour la conserver et, pour se conserver les codes, ils instaurèrent la guillotine. Ils ne se souvenaient qu’à peine de ce qu’ils avaient perdu et ne voulaient même plus croire qu’un jour ils avaient été innocents et heureux.
N'est-ce pas égal que ce soit ou non un rêve si ce rêve est venu m'annoncer la Vérité ? Car si, une seule fois, vous avez su la vérité, et si vous l'avez vue, vous savez bien qu'il ne peut pas y en avoir d'autre, que vous dormiez ou que vous viviez.
La pluie s’est arrêtée, et une humidité terrible a commencé, c’était encore plus humide et plus froid que pendant la pluie, et une espèce de vapeur remontait de tout ça, de chaque pierre dans la rue et de chaque ruelle, si l’on plongeait ses yeux dedans, au plus profond, le plus loin possible, depuis la rue. D’un coup, j’ai eu l’idée que si le gaz s’était éteint partout ç’aurait été plus gai, que le gaz rendait le cœur plus triste, parce qu’il éclairait tout.
Il me semblait que le monde dépendait de moi, qu’il était pour moi seul. Je n’avais qu’à me brûler la cervelle et le monde ne serait plus. Peut-être vraiment, qu’après moi, il n’y aurait plus rien, que le monde disparaîtrait au moment où disparaîtrait ma conscience. Qui savait si l’univers et les multitudes n’étaient pas en moi seul ?
Le ciel était terriblement obscur, mais on pouvait nettement distinguer les nuages, avec, entre eux, des taches noires insondables. Tout à coup, dans une de ces taches noires, j'ai remarqué une toute petite étoile, et je me suis mis à la regarder fixement. C'est parce que cette toute petite étoile m'avait donné une idée :j'ai décidé de me tuer cette nuit-là. Cette décision, je l'avais prise depuis déjà deux mois, et, tout pauvre que j'étais, j'avais acheté un très beau revolver et, le jour même, je l'avais chargé. Mais deux mois s'étaient déjà passés, et il était toujours resté dans son tiroir ; mais tout m'était tellement égal que j'avais fini par vouloir tomber sur une minute où ça me serait moins égal - pourquoi ça, je n'en sais rien. Et donc, de cette façon, tous les soirs, en rentrant chez moi, je me disais que j'allais me brûler la cervelle. Je guettais la minute. Et là, donc, maintenant, cette petite étoile m'avait donné l'idée, et j'ai décidé que ce serait absolument pour cette nuit. Et pourquoi cette petite étoile m'a donné cette idée, je n'en sais rien.
J'ai toujours été ridicule, et je le sais, peut-être, depuis le jour de ma naissance.
Mais personne ne savait, ne pouvait deviner que s'il y avait un homme sur terre qui savait plus que tous les autres que j'étais ridicule, eh bien, c'était moi-même, et voilà bien ce que je trouvais le plus humiliant qu'ils ne le sachent pas - mais là, c'était ma propre faute j'ai toujours été si orgueilleux que, jamais, pour rien au monde, je n'ai voulu le reconnaître devant personne.
"La conscience de la vie est supérieure à la vie, la connaissance des lois du bonheur - supérieure au bonheur", voilà ce qu'il faut combattre ! Et je combattrai.