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Citations sur Souvenirs de la maison des morts (Les carnets de la m.. (139)

L'air frais, le mouvement stimulaient leurs rires, leurs éclats de voix, leurs plaisanteries ; ils se jetaient des boules de neige ; mais, au bout d'un instant, les gens raisonnables, ceux qui détestaient le rire et la joie, se mettaient à crier, et l'entrain général finissait d'ordinaire par des injures.
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J’ai rencontré des commandants au caractère noble et bon, et j’ai pu voir quelle influence bienfaisante ils avaient sur ces humiliés. Quelques mots affables dits par eux ressuscitaient moralement les détenus. Ils en étaient joyeux comme des enfants, et aimaient sincèrement leur chef. Une remarque encore : il ne leur plaît pas que leurs chefs soient familiers et par trop bonhommes dans les rapports avec eux. Ils veulent les respecter, et cela même les en empêche. Les détenus sont fiers, par exemple, que leur chef ait beaucoup de décorations, qu’il ait bonne façon, qu’il soit bien noté auprès d’un supérieur puissant, qu’il soit sévère, grave et juste, et qu’il possède le sentiment de sa dignité. Les forçats le préfèrent alors à tous les autres : celui-là sait ce qu’il vaut, et n’offense pas les gens : tout va pour le mieux
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Il est des choses dont on ne peut pas juger sans les avoir éprouvées. Je ne dirai qu’une chose : les privations morales sont plus pénibles que toutes les tortures physiques.
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Depuis plusieurs années, je n'avais pas eu un seul livre ; aussi est-il difficile de se rendre compte de l'impression étrange et de l'émotion qu'excita en moi le premier volume que je pus lire à la maison de force. Je commençai à le dévorer le soir, quand on ferme les portes, et je lus toute la nuit, jusqu'à l'aube. Ce numéro de Revue me parut être un messager de l'autre monde : mes yeux : je tâchai de deviner si j'étais resté bien en arrière, s'ils avaient beaucoup vécu là-bas sans moi ; je me demandais ce qui les agitait, quelles questions les occupaient. Je m'attachais anxieusement aux mots, je lisais entre les lignes, je m'efforçais de trouver le sens mystérieux, les allusions au passé qui m'était connu ; je recherchais les traces de ce qui causait de l'émotion dans mon temps ; comme je fus triste quand je dus m'avouer que j'étais étranger à la vie nouvelle, que j'étais maintenant un membre rejeté de la société !
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Durant plusieurs années, un fait inexplicable m'irrita comme un problème insoluble, sans que je pusse en trouver la solution. Il faut que je m'y arrête avant de continuer ma description : je veux parler des chaînes, dont aucun forçat n'est délivré, si gravement malade qu'il puisse être. Les poitrinaires eux-mêmes ont expiré sous mes yeux, les jambes chargées de leur fers. Tout le monde y était habitué et admettait cela comme un fait naturel, inéluctable. Je crois que personne, pas même les médecins, n'aurait eu l'idée de réclamer le déferrement des détenus gravement malades ou tout au moins des poitrinaires. Les chaînes, à vrai dire, n'étaient pas excessivement lourdes, elles ne pesaient en général que huit à douze livres, ce qui est un fardeau très supportable pour un homme valide. On me dit pourtant qu'au bout de quelques années les jambes des forçats enchaînés se desséchaient et dépérissaient ; je ne sais si c'est la vérité, mais j'incline à le croire. Un poids, si petit qu'il soit, voire même de dix livres, s'il est fixé à la jambe pour toujours, augmente la pesanteur générale du membre d'une façon anormale, et, au bout d'un certain temps, doit avoir une influence désastreuse sur le développement de celui-ci... Pour un forçat en bonne santé, cela n'est rien, mais en est-il de même pour un malade ? Pour les détenus gravement atteints, pour les poitrinaires dont les mains et les jambes se dessèchent d'elles-mêmes, le moindre fétu est insupportable. Si l'administration médicale réclamait cet allègement pour les seuls poitrinaires, ce serait un vrai, un grand bienfait, je vous assure... On me dira que les forçats sont des malfaiteurs, indignes de toute compassion ; mais faut-il redoubler de sévérité pour celui sur lequel le doigt de dieu s'est déjà appesanti ?
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Nous le rencontrions quelquefois en redingote râpée et en casquette à cocarde. Il nous regardait de travers. Mais son prestige s’était évanoui avec l’uniforme. En tunique c’était un dieu. En redingote, on pouvait le prendre pour un valet. Pour combien en va-t-il de même ! L’habit fait le moine….
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Si avili qu'il soit, tout individu exige d'instinct le respect de sa dignité d'homme. Il se sait un détenu, un réprouvé, il connaît les distances qui le séparent de ses supérieurs, mais ni les chaînes, ni les marques de flétrissure ne le font oublier qu'il est un homme. Et puisqu'il en est un, on doit le traiter comme tel. Mon Dieu ! un traitement humain peut relever jusqu'à ceux chez qui l'image de la divinité semble obscurcie ! C'est précisément avec ces "malheureux" qu'il faut se comporter le plus humainement possible, pour leur salut et pour leur joie. J'ai rencontré des chefs doués d'un grand coeur et j'ai vu l'effet qu'ils produisaient sur les humiliés. Avec quelques mots affables ils ressuscitaient moralement leurs hommes. A les entendre, les détenus se réjouissaient comme des enfants, et comme des enfants ils se mettaient à aimer. Je note encore que le forçat n'apprécie pas de la part de son chef ni la familiarité, ni la bonhommie exagérée. Cela le pousse à l'irrespect, lui qui a tant besoin de respecter. Le détenu est fier, par exemple, d'avoir un chef décoré, bien bâti, bien noté ; il le veut sévère, important, juste, et digne. Il aime un chef qui sait ce qu'il vaut, car celui-là n'offensera personne et tout va pour le mieux.
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J’essaye de faire rentrer nos forçats dans différentes catégories : est-ce possible ? La réalité est si infiniment diverse qu’elle échappe aux déductions les plus ingénieuses de la pensée abstraite ; elle ne souffre pas de classifications nettes et précises.
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Je viens de me souvenir de ce vieillard, simplement parce qu’il fit alors impression sur moi et qu’il m’initia d’emblée à certaines particularités de la salle des détenus. Il avait un fort rhume de cerveau, qui le faisait éternuer à tout moment (il éternua une semaine entière) même pendant son sommeil, comme par salves, cinq ou six fois de suite, en répétant chaque fois : « — Mon Dieu ! quelle punition ! » Assis sur son lit, il se bourrait avidement le nez de tabac, qu’il puisait dans un cornet de papier afin d’éternuer plus fort et plus régulièrement. Il éternuait dans un mouchoir de coton à carreaux qui lui appartenait, tout déteint à force d’être lavé. Son petit nez se plissait alors d’une façon particulière, en se rayant d’une multitude innombrable de petites rides, et laissait voir des dents ébréchées, toutes noires et usées, avec des gencives rouges, humides de salive. Quand il avait éternué, il dépliait son mouchoir, regardait la quantité de morve qu’il avait expulsée et l’essuyait aussitôt à sa robe de chambre brune, si bien que toute la morve s’attachait à cette dernière, tandis que le mouchoir était à peine humide. Cette économie pour un effet personnel, aux dépens de la robe de chambre appartenant à l’hôpital, n’éveillait aucune protestation du côté des forçats, bien que quelques-uns d’entre eux eussent été obligés de revêtir plus tard cette même robe de chambre.
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Un des forçats avait pour occupation favorite, dans les moments de liberté que nous laissaient les travaux, de compter les pieux de la palissade. Il y en avait quinze cents, il les avait tous comptés et les connaissait même par cœur. Chacun d’eux représentait un jour de réclusion : il décomptait quotidiennement un pieu et pouvait, de cette façon, connaître exactement le nombre de jours qu’il devait encore passer dans la maison de force. Il était sincèrement heureux quand il avait achevé un des côtés de l’hexagone : et pourtant, il devait attendre sa libération pendant de longues années ; mais on apprend la patience (...)
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