J’ai donné ton nom à ma rivière
Et les prairies et les collines furent noyées
Les fleurs et les paroles sont coupées
Les forêts jusqu’aux cimes
Sont gagnées par la vague
Et la terre stérile
N’est plus qu’une lointaine mémoire
N’existent plus que de grandes
eaux désertes
Qu’un pays enseveli
Où désormais je sommeille
sans dormir
Où je rêve à ciel ouvert
Les nuits cousues d’images antérieures
Les jours appelant
à pas feutrés
L’amour qui passe sans s’arrêter
Tu n’étais qu’un présage
Qui allait se poursuivre
À travers des milliards d’images
Et d’insondables rêves
Et moi rien d’autre qu’un désir
Qu’une page illisible
d’antimémoire
Qu’un enfant nomade
échevelé
qui n’en finissait plus de courir
Et de perpétuer
son rêve
Je ne savais pas ton nom
Car tu n’avais pas encore pleuré
Mais je pressentais un mirage
En forme d’yeux et de mains
Et ton corps avait l’allure
d’une fleur élancée
Et tes jambes fines
d’antilope solitaire
Cherchaient à retourner
Dans la vallée perdue et vide
De mon flanc crevé
Femme-miroir
et fille-marée
Grand voilier noir
Chimère d’été
Je t’ai vue courir sans prendre garde
Dans la plaine de mes yeux
tranquilles et morts
Tes vingt ans devant toi
Comme la première peine
Le silence autour de toi
Comme une absence hautaine
Tu étais fiévreuse et tu n’avais
pas d’ombre
Tu ne laissais de traces
derrière ta fuite incendiée
Que le chemin brûlé
Où le soleil vacille
et mes regards s’épuisent
’ai dormi au bord
Des anses de ta beauté
Effleurant de mon souffle
tes îles craintives
À demi submergées
Tes collines sauvages
Tes prairies ponctuées
de battements ailés
Les marées impassibles
Ne faisaient que bercer
Ton sommeil assiégé
Par les algues marines
Tes mains avaient goût
De sel et de sable
De même que ton visage
Où tes larmes séchaient
Je t’aimais je t’aime encore
Et t’aimerai toujours
Chaque nuit chaque jour
Je veux hurler dans le vent
Pour qu’il te le répète
à San Juan
De La Havane aux Caraïbes
Dans les mers d’Équateur
et parmi les Antilles
Je t’aime au passé tandis
que je déplore ton absence
Je t’aime au présent
afin que tu t’éloignes
Et je t’aime au futur
quand tu vas reparaître
Et que l’esprit est ma
seule volonté
Seule amarre et dernière bouée
Souviens-toi donc de mon amour
éperdu
De mes espoirs sans repos
De ma tendresse retenue
De mes bras inutiles
Et de mon cœur sans audace
Qui chaque jour faisait naufrage
Au bord de tes lèvres asséchées
Entre tes mains fébriles
Mais tu ne refermais pas les doigts
pour le contenir
Pour le faire revenir
de sa folle croisade
sans lendemain