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Critique de CDemassieux


C'est l'histoire d'une famille de propriétaires terriens des Landes, les Capestang. C'est aussi l'histoire de l'enracinement dans une terre donnée. C'est encore l'histoire d'un homme, Adrien, né dans les souffrances de la maladie et la froideur maternelle, qui, face aux événements souvent contraires, découvrira tout de même le bonheur de vivre, grâce, notamment, à une jeune femme, Lise, exilée du Nord pour cause de guerre, ce « monde d'étroits boyaux matraqués jour après jour par l'artillerie allemande, d'où fuyaient l'espoir et la raison ».

La guerre, on en reçoit d'abord les échos ; puis elle s'incruste progressivement dans les familles comme la boue des marais sous les ongles À mesure que se poursuit cet « Holocauste qui achevait de coucher la France au fond des tranchées », les soldats détruits dans leurs corps et leur tête reviennent ainsi au pays, tandis que le deuil s'installe dans les chaumières et les cimetières. Deuil qui fait saliver les profiteurs de l'arrière et dont l'abject régisseur Vialle est un archétype.

Et lorsqu'Adrien, ce pauvre Capestang valétudinaire et infirme qui ne peut aller se battre comme ses frères, doit céder sa parcelle de Iéna – son havre de paix jalousement gardé – à la coupe, sous la pression d'un beau-frère aux dents plus longues qu'un loup et avançant le faux prétexte de l'effort de guerre en envoyant ces troncs consolider les tranchées, l'auteur compare ces arbres tombés à des hommes qui meurent au front, comme Giono comparait un grand troupeau de bêtes mourantes descendant la montagne à celui des soldats : « Des troncs fracassé montait l'odeur de la résine, malgré le crachin persistant. Adrien ne put s'empêcher de penser aux soldats terrés sous eux, et pulvérisés d'un coup dans cette senteur âcre. » Chacun à ses combats, même si, plus tard, Adrien se rendra compte sur place de ses dérisoires malheurs au regard des dévastations de la guerre. Ceci le fera définitivement grandir…

Le beau-frère en question, Alexis Montabaud, est l'incarnation de l'opportuniste privilégiant sa seule ascension sociale, quitte à écraser les obstacles, fussent-ils des rescapés de la guerre : « Il [Adrien] devinait, à travers l'obstination de son beau-frère, ce que percevaient parfois les rescapés du front, lorsqu'ils bénéficiaient d'une permission : la vie, normale ou presque, et derrière elle, les contorsions des spéculateurs, leurs appétits intacts, et cette énergie qu'ils mettaient à convertir à leur avantage les montagnes de souffrance consenties pour protéger en fin de compte leur truanderie. »

Mais tout n'est pas noir dans ce magnifique roman, et le soleil des Landes veille à ressusciter l'espoir dans le coeur meurtri d'Adrien ; un espoir qui se manifeste d'abord, pour lui, en la personne de Lise, cadeau de la providence dont l'« océane clarté des yeux » et « l'aura de lumière » l'illumineront de bonheur, écartant définitivement la palombe noire

Depuis que la littérature de la ville – surtout Paris – a pris le parti de l'écriture médiocre et nombriliste, il faut donc chercher ailleurs le souffle romanesque. Ce souffle que des Yves Viollier et des Alain Dubos possèdent pleinement car, où qu'ils aillent, ils savent qu'ils viennent d'une terre donnée…
Quoi qu'il en soit, diou biban, quel roman !

(Information pratique : ce roman ainsi que l'ensemble de l'oeuvre de l'auteur sont désormais disponibles soit sur bookelis.com, soit en commande directe chez les libraires distribués par Hachette)
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