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Critique de 5Arabella


Grand spécialiste du XVIIe siècle, auteur de plusieurs biographies de référence d'auteurs de l'époque, Roger Duchêne s'est particulièrement intéressé aux femmes qui ont vécu pendant ce que l'on a appelé le grand siècle, ou le siècle de Louis XIV. Dans ce livre, il présente la condition féminine et le quotidien des femmes dans une large perspective, qui fait en grande partie le tour de la question.

Nous sommes à une époque charnière, pendant laquelle un certain nombre de savoirs et de représentations ancestrales sont en train de bouger, sous l'influence de la science qui réalise des progrès à une vitesse inconnue jusque là, et aussi à tous les ébranlements et repositionnements entraînés par la religion réformée et les réponses qui y sont apportées par les catholiques. Ainsi, c'est la médecine expérimentale, qui pratique la dissection qui montre que la femmes n'est pas un homme inachevé ou manqué, mais qu'elle est un être spécifique, différent et complémentaire de l'homme du point de vue physique.

Une des conséquences du concile de Trente, qui reconnaît l'importance de la femme en tant que potentielle zélatrice de la foi, pouvant de par son influence entraîner sa famille, et en particulier son époux, est la légitimation de son instruction, certes élémentaire, pratique et tournée vers la religion, surtout pas identique à celle de l'homme de par son contenu et ses ambitions, mais néanmoins une légitimation réelle.

Certains hommes reconnaissent que les femmes sont capables d'apprendre, qu'elles peuvent en avoir envie, et les dames de milieux privilégiés s'adonnent de plus en plus aux apprentissages. Elles se cultivent d'une autre façon que les hommes dans les collèges, grâce à la lecture d'oeuvres en français (et non pas en latin que sauf des rares exceptions elles ne connaissent pas), en particulier des romans, genre réputé leur être réservé, et aussi par des échanges dans des lieux de sociabilité mixte, où la conversation « galante » est censée s'adapter à ceux qui savent le moins, et qui doit avant tout ne pas être pédante. Cette nouvelle culture les autorise à juger, en particulier les oeuvres littéraires, ce qui n'est pas sans provoquer des réactions de ceux qui estiment qu'elles n'ont pas de légitimité pour le faire. Certaines vont même jusqu'à s'essayer à écrire, mais surtout dans les genres jugés mineurs (lettres, romans etc) et sans forcément revendiquer leurs oeuvres ouvertement, voire en niant les avoir écrit. Car si le droit d'apprendre et de savoir commence à leur être reconnu, c'est à condition de ne pas l'étaler, ne pas concurrencer les hommes. le chemin sera long, mais quelque chose débute là.

De nombreux autres aspects seront successivement abordé dans ce livre, en partant du corps, de la maternité (fonction essentielle de la femme), du mariage, des lois, du travail, de l'éducation, du sentiment amoureux et de ses représentations etc. Il n'est pas possible de tout citer, tant le livre est riche. L'auteur part toujours des textes, surtout littéraires, mais donne aussi des chiffres, des statistiques. Extrêmement rigoureux, il est visiblement engagé également. Passionnant à lire de bout en bout, son livre nous fait voyager dans le temps, dans les mentalités, mais conserve incontestablement des résonances contemporaines.
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