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Critique de Syl


Octobre 1700 - Il était une fois, dans la région escarpée des Alpes provençales…

Dans une pièce du château de Montclar, certainement près d'une cheminée, deux dames et une demoiselle échangent des platitudes tout en lisant et brodant. La soirée est au rythme d'un ennui automnal, des silences, des soupirs, des pages tournées pensivement, des aiguillées abrutissantes, du murmure du vent dans le feuillage des arbres, des crépitements du feu et de la danse des chandelles. La lune est pleine, elle éclaire les silhouettes extérieures d'un doux rayonnement.
« - La lune est ronde ce soir et le ciel piqueté d'étoiles. C'est une nuit à faire des bêtises. »
Marie d'Astuard, châtelaine et hôtesse, lance cette légère boutade à ses deux compagnes. Elle a conservé, malgré son âge, la pétulance, l'enjouement et la polissonnerie de sa jeunesse. Ce clin d'oeil égrillard est destiné à Delphine, sa filleule de dix-huit ans, fille de son amie d'enfance Jeanne d'Orbelet qu'elle héberge.
« - Ne dites pas de sottises, Marie. Delphine pourrait vous croire.
– Oh ! je ne vois guère, ma chère, quelle bêtise pourrait bien commettre cette enfant, même si elle en éprouvait le désir !
– Dois-je comprendre que vous le regrettez ?
– Je dis simplement que notre compagnie à toutes deux dans un château sinistre n'est pas ce que l'ont peut souhaiter de mieux à une jeune fille de son âge.
– Sans doute, préféreriez-vous qu'elle s'étourdisse comme vous le fîtes ?
– Eh ! ma foi, ma chère, cela laisse du moins de beaux souvenirs. »
Témoin de ce gentil duel, Delphine sourit avec tendresse à l'écoute de cette complicité taquine. L'une, femme pieuse et mesurée, l'autre fantasque et coquette, toutes deux anciennes pensionnaires du couvent des Ursulines.
Les idées vagabondes, Delphine repense avec envie, à la jeune modiste de Seyne-les-Alpes qui lui confectionne ses toilettes. Amélie Pothier a la grâce et l'assurance qui lui font défaut.
« - Tout de même, dit Marie d'Astuard en relevant son visage poudré et en battant des cils, c'est une nuit d'audaces et de vertiges. »

Après avoir quitté son fiancé et dansé toute la nuit, Amélie rentre chez elle à pied. Au loin, les cloches de l'église tintent, le torrent bourdonne, la nuit respire. Sur le chemin, surprise par certains bruits, elle sonde l'obscurité profonde. C'est alors qu'il lui semble voir la forme d'un loup. Un animal gigantesque, une entité démoniaque qui approche et qui la saisit.
« - Qui… qui êtes-vous ?
– Je suis la bête qui sait. »

Le lendemain, le jeune procureur Guillaume de Lautaret arrivant de Grenoble, est appelé. Ils ont retrouvé le corps de la jeune couturière, pratiquement déchiqueté et mangé, à ses côtés, une cape rouge. On lui annonce également, qu'un couple de bergers a été retrouvé dans leur taudis, tués sauvagement. A leur autopsie, il découvre des petits cailloux blancs dans leurs bouches.
Il semblerait que les crimes aient été commis par un loup enragé. Seul Guillaume et le chirurgien présument le genre d'animal.
La nuit suivante, une autre atrocité ; une jeune fille éventrée dans une grange.

Delphine, affligée par le décès d'Amélie, commence à poser des questions et faire des suppositions. Sa curiosité la conduira vers des bergers qui reviennent de leur transhumance. A l'interrogation « Avez-vous vu le loup ? », on lui répondra « C'était à moitié un homme, à moitié un animal… Ce n'était pas un loup… C'était un chat. »
Delphine l'imagine, le dessine, le rêve. Son chat ressemble au Chat botté, un conte que la Naïsse, une sage femme un peu sorcière, raconte lors des veillées avec les villageois. Voulant partager avec le procureur les quelques informations récoltées, elle essaie de l'aborder après l'office du bon abbé Jorisse. Mais Guillaume, légèrement moqueur, la rabroue.
« - Que deviendrait la justice du Roi, dit-il en adoptant un ton d'une extrême gravité qui ne parvint pas toutefois à gommer l'ironie sur ses lèvres, sans l'aide précieuse des demoiselles ? »
Et d'autres crimes sont perpétrés…

Chacun mènera ses investigations, sur le terrain ou dans une bibliothèque, puis, ils se retrouveront pour le prélude du dénouement. A chaque tuerie un indice laissé dans la bouche ou près du cadavre ; Cailloux, bague, cape rouge, peau d'âne, aiguille… Ces meurtres ont l'étiquette de quelques rituels magiques ou parodiques et les conduisent vers les contes du célèbre auteur Charles Perrault. L'automne est rigoureux, la neige commence à tomber, la Vallée de la Blanche n'est pas immaculée.

J'ai aimé ce livre et vous le conseille vivement (si vous affectionnez les polars historiques (ou pas !!!)). L'histoire se passe sous le règne du Roi Louis XIV. Guillaume de Lautaret est un jeune procureur fougueux et très ambitieux. Lorsqu'il arrive dans ce village pris entre deux montagnes, il ne s'imagine certainement pas que l'intrigue le passionnera autant et qu'il aura l'assistance précieuse d'une chaste demoiselle. Quant à moi, des premières pages aux dernières, j'ai soupçonné tous les personnages du roman sans déceler sa trame et sa conclusion. le style d'écriture est alerte, simple et prenant. le mystère s'enroule dans une froidure à l'image de la rusticité et de l'âpreté de la région. On pressent la noirceur cachée, masquée, et on la colle à chaque visage. le parallèle avec les contes est bien conçu et démontre que les histoires de princesses, de fées et de princes charmants ont toujours des ogres, des loups, des sorcières et des… Chats bottés.
Je tiens à préciser que le livre a quelques passages un peu coquins qui surprennent !
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