AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de daniel_dz


Une biographie en français d'Ada Lovelace, devenue une idole des informaticiens pour avoir écrit le premier programme informatique « complexe ». Les lecteurs techniciens regretteront que le livre ne comporte pas un peu plus de technique et les autres se réjouiront d'une lecture facile décrivant la vie d'une fille de bonne famille du début du 19e siècle qui s'intéresse aux mathématiques.

Ada Lovelace est née à Londres en 1815, où elle est décédée en 1852, d'un cancer de l'utérus. Elle est devenue une sorte d'idole des informaticiens, qui lui attribuent la conception du tout premier programme informatique, ou plus précisément du premier programme un tant soit peu complexe.

Catherine Dufour est elle-même ingénieure en informatique. Je la découvre avec ce livre mais je lis que, outre des nouvelles et des romans, on lui doit des essais tels que « L'histoire de France pour ceux qui n'aime pas ça » et « Le guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses ».

Ce livre serait la première biographie en français d'Ada Lovelace. Incontestablement, il est le résultat d'efforts significatifs de documentation. Nul besoin de culture mathématique ou informatique pour comprendre ce texte qui rapporte les détails de la vie d'Ada et de sa carrière, mais sans entrer dans les détails technique.

Je dirais que ce livre pourrait intéresser deux types de lecteurs. D'une part, il intéressera un public général curieux de la place des femmes dans la société de la première moitié du 19e siècle. Je ne sais pas trop ce qu'il en était en Angleterre, mais en Belgique, les femmes n'ont été admises à l'université qu'en 1880. C'est donc par le biais de précepteurs qu'Ada, fille du poète Lord Byron, pourra se former aux mathématiques et finalement collaborer avec Charles Babbage, concepteur de machines que l'on appelait pas encore « ordinateurs ». Mais ces activités scientifiques devaient rester une sorte de loisir, qu'Ada devait combiner avec les activités familiales et sociales que l'on attendait d'une femme de sa conditions. C'est édifiant, je vous laisse le découvrir dans le livre.

D'autre part, les lecteurs plus spécialisés qui s'intéressent particulièrement à la vie d'Ada trouveront dans le texte de Catherine Dufour des détails sur les personnes de sa famille ainsi que sur les personnalités qu'elle a côtoyées. L'auteure a d'ailleurs complété son récit d'un appendice ajoutant des précisions sur une vingtaine d'entre eux.

Par contre, les lecteurs qui connaitraient un peu de mathématique ou d'informatique seront déçus que Catherine Dufour n'ait pas ajouté, elle en aurait été capable, un appendice détaillant davantage l'apport scientifique d'Ada, d'autant plus qu'il a été controversé. Certes, on a retrouvé des manuscrits attestant qu'Ada a effectivement rédigé de sa main un programme complexe, mais il semble la part d'originalité due à Ada ne soit pas si claire.

« Ada ou la beauté des nombres » est rédigé dans un style particulier: caustique et cynique, dans une langue parlée, avec un vocabulaire branché de réseaux sociaux. Cela donne au texte un côté dynamique et amusant qui, a priori, m'était assez sympathique. Mais sur la longueur, ce style m'a lassé et je dirais même qu'il m'a fallu quelques dizaines de pages pour accoutumer avant que ma lecture cesse d'en être ralentie. Néanmoins, je ne doute pas que ce style contemporain fera le bonheur d'autres lecteurs.

Malgré tout, je suis curieux de parfaire mon opinion sur Catherine Dufour en en lisant d'autres livres, en particulier « L'ivresse des providers ». Si vous avez d'autres suggestions, je suis preneur !

Note avec un peu de technique.
Au 19e siècle, pas de calculette pour donner facilement la valeur d'un cosinus ou d'un logarithme: il fallait consulter des tables. Mais ces tables, il fallait les avoir calculées. C'était un travail manuel, source d'erreurs comme on peut l'imaginer. Pour cela, on utilisait des approximations polynomiales des fonctions à calculer. Construire une table revenait donc à calculer des valeurs successives de polynômes. C'est ce que Babbage a voulu automatiser avec son premier calculateur, la « machine à différences », qui pouvait calculer des valeurs successives de polynômes en n'effectuant que des additions (voyez l'exemple dans l'article « Machine à différences » de Wikipedia). Par la suite, Babbage a conçu un calculateur bien plus évolué, la « machine analytique ». Disons d'emblée que ce calculateur n'a jamais été construit (en 2010, on a lancé le « Plan 28 », une souscription publique visant à récolter des fonds pour des recherches historiques visant à construire la machine).

Il existait déjà des machines programmables, par exemple le métier à tisser Jacquard. le « programme » se matérialisait par des plaquettes perforées. L'originalité de Babbage était de permettre à son calculateur de lire la pile de plaquettes perforées en faisant des retours en arrière, ou de sauter quelques plaquettes pour continuer l'exécution du programme plus loin. En d'autres mots, il permettait de programmer la répétition d'une séquence d'instructions ou le choix d'une séquence d'instructions à effectuer suivant une condition programmable. Babbage avait donc inventé les notions de « boucle » et de « branchement conditionnel ».

Ada a été chargée de traduire en anglais un article sur la machine de Babbage rédigé en français par le mathématicien italien Louis-Frédéric Ménabréa. Elle a complété sa traduction par des notes au contenu significatif. En particulier, dans sa « Note G », elle a décrit un « programme » complexe, comportant des boucles et des branchements conditionnels, pour calculer la suite de nombres de Bernoulli. Ce « programme » aurait pu être exécuté sur la machine analytique, si elle avait existé. Très probablement, ce programme-là est original; il semble que ce soit le premier programme « complexe » (et pas le premier programme tout court). Certains ont contesté qu'Ada en ait eu l'idée toute seule; on a cependant trouvé des manuscrits attestant qu'il est bien de sa main. Mais les concepts de boucle, de branchement et de programme ne sont pas dus à Ada. La personnalité d'Ada a probablement eu son importance dans le fait qu'on en ait fait une idole pionnière… Personnellement, j'ai plus de sympathie pour une idole informatique du 20e siècle: Grace Hopper (voyez la page de Wikipedia). On lui doit « C'est souvent plus facile de demander le pardon après, que la permission avant ».
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (9)voir plus




{* *}